Vingt-cinq ans ont passé depuis la fondation du magazine, de quoi fêter en effet.
La vie des magazines culturels ne va pas de soi et persévérer n’est pas un mince exploit.
Les artisans du magazine voient dans ce 25e anniversaire la marque d’une réussite qui ne s’explique que par la conviction, la ténacité de tous ceux qui ont partagé l’aventure. Le parcours a connu l’encouragement comme la critique, des coups de bol comme des coups bas, des bonheurs… et toujours une fragilité financière inquiétante.
Ce magazine que j’ai contribué à créer, dont j’assume la direction depuis dix-sept années, j’aimerais aujourd’hui vous le présenter à travers quelques extraits de billets qui ont jalonné cette période. Ils évoquent des moments indicateurs de tendances et de choix éditoriaux assumés.
La fête du 50e numéro
…surtout ne pas prétendre faire Suvre de connaisseurs diplômés, nous fonder sur notre long et amoureux commerce avec les livres, éviter le babillage d’experts, les traquenards publicitaires, les modes et mises en scène, demeurer indépendants des coteries, des divas de l’écriture. C’était un pari, c’était un choix de vie. (1992-1993, numéro 50)
Technologie et contenus
…la présence de Nuit blanche dans Internet témoigne de la volonté de ne pas vivre retranché, hors des circuits « branchés ». Dans la production même du magazine, des changements technologiques importants ont aussi été apportés. Mais ces gestes ne sont pas pour nous garants de quoi que ce soit dans le domaine de la culture et notre inquiétude demeure vive quand nous constatons à quel point l’enthousiasme ambiant, la foi, la ferveur que l’on manifeste pour les outils dont devrait se doter la culture rejettent dans l’ombre ce qui la constitue essentiellement, les contenus. (1996, numéro 63)
Le rôle des passeurs
On l’affirme presque triomphalement, le savoir, tout le savoir est accessible. On inscrit tout, on conserve tout ; il suffit de jouer de la souris, de faire un double clic. Mais ce qu’on réalise moins, c’est que pour obtenir le contact, la fulgurance heureuse des découvertes, il faut savoir ce que l’on cherche ; que là aussi, comme pour tout cheminement intellectuel, il faut des passeurs. (2003, numéro 91)
Primordial : le contact avec les livres
La lecture nous apprend tous les jours que nous nous retrouvons à travers ce que les autres nous apportent ; ils nous font don de leur regard, de leurs oreilles, de leurs voix, et nous laissent nous approprier leur expérience singulière, en enrichir notre univers. (2002, numéro 88)
Donc, pour les gens de réflexion et de culture, la cause est entendue, les bibliothèques scolaires sont essentielles à la formation des jeunes, puisque c’est dès le très jeune âge que l’intérêt s’éveille. […] Ce sont les enfants qui gagneront cette cause… si on les met en situation de vivre des expériences de lecture conséquentes et exaltantes. (2003-2004, numéro 93)
L’ouverture sur l’étrange étranger
Pour nous à Nuit blanche, la démarche d’accueil aux littératures d’ailleurs est avant tout synonyme de l’ouverture de notre société sur le monde. L’expression artistique s’adresse à tous, et chacun peut, à son contact, renouveler sa pensée, élargir le champ de sa conscience. À cet égard, depuis la traduction des « livres » des grandes religions, des Suvres des auteurs grecs et romains, qui nourrissent encore toutes les cultures, les possibilités d’explorer autant d’univers qu’il y a de langues pour les exprimer sont presque sans limites. Il n’y a plus maintenant d’idiomes, ou très peu auxquels refusent de s’attaquer les artisans de la transmission que sont les traducteurs dont on reconnaît bien mal le génie. Grâce à eux, toutes les cultures nous deviennent accessibles. (2004, numéro 94)
… et rien ne change
Ceux qui revendiquent comme nous le statut d’ouvriers culturels à plein temps réclament qu’on en reconnaisse la précarité, qu’on cesse de prétendre aider la culture sans accepter d’en payer le prix, un prix décent à tout le moins pour ceux et celles qui s’y consacrent.