Avec la rigueur d’un métronome, Amélie Nothomb nous présente, comme chaque année, son roman de la rentrée littéraire. C’est donc avec une curiosité scrupuleuse que je me suis attaquée à cette quinzième œuvre de l’auteure prolifique au faciès énigmatique.
Voici donc l’histoire d’un homme anonyme qui décide, à la suite d’un chagrin d’amour, d’anesthésier ses sens dans l’espoir de geler sa peine. Cette privation de toute sensation s’accompagne toutefois d’une incapacité à discerner le bien du mal. Tentant de ressusciter ses émotions et les plaisirs charnels, le narrateur a tôt fait de se trouver une nouvelle identité et un nouveau boulot qui lui procureront une excitation inconnue jusqu’à ce jour Il se nomme désormais Urbain et est tueur à gages. Un jour, Urbain se voit attribuer la mission de liquider un ministre et sa famille. Il s’éprend alors d’une de ses victimes et le seul héritage qu’il lui restera de cette passion non consumée est le journal intime de la jeune femme. Dans un tel métier où l’impassibilité de l’âme est la qualité première, l’amour pourra-t-il survivre ?
Perplexité, ambiguïté sont les impressions ressenties après cette lecture gorgée d’hémoglobine. Amélie Nothomb est fidèle à elle-même grinçante, sulfureuse, impassible. Le gore flirte allégrement avec l’ironie à laquelle nous a habitués l’auteure. Elle s’amuse à jouer avec les contrastes, à enrober de simplicité tout propos complexe. Toutefois, après le décevant Acide sulfureux, on ne peut s’empêcher de croire que Nothomb s’embourbe dans une routine périlleuse. Son style reste unique, mais ses intrigues s’affaiblissent, se ramollissent de roman en roman. Journal d’hirondelle recèle de merveilleuses idées qui semblent, malheureusement, être restées à l’état embryonnaire. Sa fin est précipitée, voire bâclée. La virulente conviction qui animait les premiers romans de l’écrivaine a déserté le dernier comme si l’auteure, pressée de présenter une nouvelle œuvre, ne se consacrait plus avec passion à ses récits. Cependant, un Nothomb reste un Nothomb ! Sa plume demeure acérée, son imaginaire, déjanté. Journal d’hirondelle est donc un incontournable, ne serait-ce que pour ranimer le perpétuel débat sur le réel talent de cette auteure à la fois contestée et adulée !