«’Le mal commis par des hommes de bien est le pire de tous’
Voila ce qu’affirme mon évêque néoplatonicien, et il a raison.
Il le savait de première main. Nous avons fait des choses atroces, pour les meilleures raisons du monde, et c’est pire que tout.»
Iain Pears, Le songe de Scipion, Belfond, 2002.
Vous connaissez l’histoire de Skawenniio, cette jeune fille qui vit sur la réserve Mohawk de Kahnawake ? Tous les journaux en ont parlé. Habitée par une conviction, l’importance de la lecture oui, vous avez bien lu ,elle a mis sur pied un projet auquel elle a consacré toute son énergie et dont la réalisation fait aujourd’hui de la communauté à laquelle elle appartient un modèle en la matière.
Skawenniio a quatorze ans, elle aime les livres et estime leur présence indispensable. Aussi, décide-t-elle de créer une bibliothèque sur la réserve où elle vit. Sa première démarche a été d’écrire une lettre dans un journal local y exprimant sa demande au Conseil de bande. La réaction se faisant attendre, Skawenniio décide alors d’exposer son projet à un concours littéraire du magazine Cosmogirl. Cette fois, la réaction ne se fait pas attendre : on lui décerne le premier prix, sa photo et son histoire sont publicisées. Du jour au lendemain, la notoriété, le soutien inespéré. Un mouvement d’appui se crée, le service anglais de Radio-Canada parraine une collecte de livres au sein du public et de certains organismes. Et la réponse suit le mouvement d’enthousiasme : plus de 15 000 livres sont reçus dès les premières semaines, dont certains proviennent d’aussi loin que l’Australie !
Quel exemple pour les timides que nous sommes ! Mais surtout, quel pied de nez à tous ceux qui ont sonné le deuil du livre. Que ce rappel du rôle majeur de la lecture, autant dans la formation de notre esprit que dans la bonne marche du monde, nous vienne d’une adolescente a certes de quoi nous étonner, et nous réjouir. Tant d’adultes se laissent entraîner dans la spirale du tout visuel instantané dans laquelle on a aujourd’hui peine à retrouver toute trace du travail de réflexion et d’approfondissement que nécessitent l’apprentissage d’une pensée autonome, le développement de quelque sens critique. À cet égard, comment les informations, le plus souvent dépourvues d’analyse, qui déferlent sur nos chaînes de télévision permettent-elles à quiconque de comprendre un tant soit peu les enjeux de l’heure ?
L’exemple de Skawenniio devrait secouer notre apathie. Tant que chacun d’entre nous ne prendra pas la décision de faire le petit pas qui pourrait changer les choses, transformer sa communauté, nous laisserons le champ libre au pire ennemi qui soit : le défaitisme. NB