Présence, absences
Avec notre précédent numéro, nous lancions une nouvelle rubrique consacrée aux écrivains franco-canadiens. Après France Daigle (Acadie), voici le nouvelliste et romancier Maurice Henrie. Par François Paré, le parcours de ce « maître du récit bref, l’un des auteurs franco-ontariens les plus achevés ».
Pourquoi résiste-t-on à une œuvre ? Hélène Vachon, l’auteure d’Attraction terrestre, risque une explication : « la présence […], l’encombrante présence de l’auteur ». Aujourd’hui, « commercialisation oblige, l’auteur est projeté dans l’espace public, qu’il le demande ou non, qu’il ait ou non quelque chose à dire ».
Et l’écho répond… par la voix de Jacques Pelletier, qui d’entrée de jeu situe Jocelyne Saucier à des années-lumière du « scintillant univers du spectacle que devient de plus en plus la littérature ». La discrète ténacité de l’auteure du tout récent II pleuvait des oiseaux lui assure progressivement « la reconnaissance de lecteurs qui attendent des livres qu’ils renouvellent leur regard sur le monde et leur compréhension de l’existence ».
À l’autre extrémité du spectre médiatique : l’absence, le vide… « Plongé dans une œuvre anonyme, par exemple, on cherchera vainement les traces d’une existence particulière, d’un visage, comme si, sans elles, c’est le sol même qui s’effritait », remarque Judy Quinn dans son article sur Le lézard, l’araignée et l’ange du très énigmatique Jan Outis.
Luc Baranger ne craque pas que pour les loups et pour les ours. L’écrivain, traducteur et parolier, que Michèle Bernard a rencontré en entrevue, est un « critique lucide, un brin justicier », virtuose de la langue populaire. Depuis Visas antérieurs publié chez Gallimard en 1996, il construit une œuvre marquée par la dénonciation des injustices sociales.
Autre « justicier », totalement différent celui-là, l’ex-militaire Roméo Dallaire qui, dans Ils se battent comme des soldats, ils meurent comme des enfants, mène un louable combat. Mais, insiste Laurent Laplante, « ne devrait-il pas, fort de ses galons et de son passé, intervenir en amont » ? Des motifs impeccables peuvent s’avérer bien mal fondés.
Au Québec, la nouvelle a longtemps été considérée comme un genre mineur avant de connaître, à la fin du XXe siècle, une « spectaculaire expansion ». Jean-Guy Hudon présente, à travers les essais de Christina Minelle et de Gaëtan Brulotte, l’histoire de la nouvelle québécoise. Enfin, de France, Ivanne Rialland tire de l’oubli Georges Limbour (1900-1970), voyageur impénitent, vagabond entre les genres, qui « interroge dans sa marche l’énigme des apparences ».
Bon été, bonne lecture !
Suzanne Leclerc