Quand on fourre, quand on vole et on viole, quand on ment et on triche, quand on chie sur nos semblables en détresse, nous sommes des sales parmi les sales dans la cendre sale de la nuit, mais nous répondons parfaitement à notre programme de gènes, tout a fait égal à la nature qui fait dur. Pis ça, on l’a voulu, on l’a pas cherché, on est juste en christ d’avoir été trompé par les grandes stratégies tordues de la nature qui fait dur.
Renaud Longchamps, Œuvres complètes, tome 7, Babelle, Trois-Pistoles, 2006, p. 273.
Un article de Roland Bourneuf sur l’Œuvre d’un grand écrivain, d’un créateur polyvalent, fasciné par la parole depuis toujours, « André Ricard, l’exigence », nous donne accès à un texte majeur, complexe, exigeant justement, qui ne se révèle pas immédiatement dans sa densité, mais prend tout son sens au fil des lectures et relectures. Une paix d’usage, paru en 2006, dépasse toute attente.
Par le choix du sujet et son traitement, le Goncourt de l’année, tout juste choisi, Les bienveillantes de Jonathan Littell, présenté par Yvon Poulin rejoindra les amateurs de réussites inattendues. Le phénomène est presque sans précédent : premier livre de l’auteur, jeune anglophone écrivant en français, incursion criante de véracité dans un monde aux antipodes de sa culture et de ses références, celui d’un nazisme « absolu » d’une cruauté froide, réfléchie, sans état d’âme.
Laurent Laplante commente le Charles le téméraire d’Yves Beauchemin. Le commentaire parle « d’écriture incarnée », d’un texte qui « colle à son temps et au macadam ». Du sujet lui-même, de son traitement autant que de sa véracité en regard des lieux et du temps, l’analyse est magistrale.
Même réussite de Laurent Laplante dans un court article sur Les chroniques de l’Hudres d’Héloïse Côté. Trilogie, cette fantasy de 900 pages, « se range parmi les lectures alertes, au rythme soutenu et aux péripéties innombrables ».
Les mythes, malgré les guerres menées pour les détrôner, ont la vie dure et la curiosité à leur sujet aussi. Pierrette Boivin analyse dans « Les mythes revisités » un premier texte signé Karen Armstrong, qui en fait l’histoire. Margaret Atwood a choisi pour sa part de nous offrir une interprétation féministe de la Pénélope d’Homère. Troisième texte présenté en relation avec le thème traité, Minotaure.com, Le heaume d’horreur de Viktor Pelevine, est une réflexion sur le mythe et le langage, sur la relation entre le livre et le labyrinthe. La pensée se nourrira sans doute toujours de mythes, mais les mythes fondateurs ne sont-ils pas en perte d’influence par rapport aux « mythes instantanés comme des bulles de savon » ?
« L’écrivain méconnu », choisi par Patrick Bergeron, Jean Meckert, ne saurait l’être des amateurs de roman noir, bien que son premier roman, publié fin 1941, Les coups et quelques autres en fussent très éloignés. C’est en effet à partir de son entrée dans la Série noire sous la signature de Jean Amila que la popularité le rejoint. Ce romancier de « l’incommunicabilité, de l’échec et de la conscience révoltée » représentera une voix essentielle du roman français d’après guerre.
« Le livre jamais lu », dont fait état Georges Anglade, écrivain haïtien qui vit au Québec, évoque, comme chez la plupart des auteurs de cette chronique, une culpabilité qu’on tente de déculpabiliser. Normalement, dans son cadre de vie et par ses attaches autant politiques que littéraires, Georges Anglade aurait dû lire Ainsi parla l’oncle de Jean Price-Mars. Nous saurons pourquoi cette conviction perdit son pouvoir.
Le dernier article proposé aux lecteurs, « Les éditeurs verts », signé Sandra Friedrich, les informe sur un projet qui touche la production, non pas littéraire, mais bien très matérielle du livre. La protection de la nature, végétale, aurait sa place « obligée » là comme ailleurs !
Dans la même veine, on pourrait s’interroger sur l’évaluation souvent trop optimiste des tirages de nombre de livres.
Bonne lecture. NB