Chaque religion monothéiste prétend être dépositaire de la vérité, se croyant la seule légitime dans la relation au Père. D’où l’oxymoron du titre de l’ouvrage de Laurent Laplante, ses fils uniques. Dès l’introduction de l’essai en quatre parties, le constat est dressé : au nom de Dieu, du Bien et du Vrai, chrétiens, juifs et musulmans s’entretuent, depuis des siècles.
L’essayiste, héritier des philosophes des Lumières, explique comment l’humain a calmé ses angoisses en créant Dieu. Ce qu’il ne pouvait s’expliquer, il l’attribuait à la révélation contenue dans la Bible, le Coran ou le Talmud, selon les religions. Donc acte de foi préalable à toute adhésion à la révélation censée contenir la preuve. Tout au cours de l’histoire, le prosélytisme a pris racine ici et là et témoigne de la propension des humains à vouloir imposer leur credo, à asseoir leur pouvoir : « Le Bien ne se satisfait pas d’éclairer, il s’adonne aux coercitions à sa portée », d’observer l’essayiste. Et, quand pouvoirs politique et religieux s’unissent, c’est l’histoire elle-même qui se met au service de la foi : « Pour mieux séduire, rumeurs, approximations, légendes se maquillent en faits ». C’est ce que s’emploie à montrer Laurent Laplante dans les deux premières parties intitulées « De l’insécurité à la conquête » et «L’Histoire à la rescousse de la foi », en émaillant d’exemples son propos, avec doigté et sur un ton qui appuie l’incitation au pluralisme qui traverse l’essai.
Les deux autres parties, «Pluralisme et éducation » et « Naître à soi et aux autres », s’avèrent un véritable plaidoyer pour les valeurs qui devraient présider aux choix en éducation, « pour qu’elle dote les jeunes d’un esprit critique, d’une autonomie lucide, d’un réel respect de l’Autre ». Des pages-clés où l’homme de jugement amorce un «débroussaillage du vocabulaire» à la source de bien des malentendus, en faisant appel à d’autres auteurs qui ont eux aussi réfléchi aux questions liées à l’éducation.
Un essai des plus pertinents, alors que sévit la controverse au sujet du programme Éthique et culture religieuse qui arrivait dans nos écoles à l’automne 2008. Mais attention, Laplante ne se fait ni le chantre ni le détracteur du programme ; sa réflexion se déploie sous l’angle de la finalité et se situe au-dessus de la mêlée, avec intelligence, doigté et humour.