Quand son beau-père l’a mis au défi de faire un homme de lui – il le trouvait trop fils à maman, trop dans ses livres, trop efféminé, trop intellectuel pour un adolescent –, au lieu de se rebiffer et de l’envoyer promener, Simon Paré-Poupart lui a demandé comment il pourrait faire.
Pour toute réponse, le beau-père lui dit : « Va courir derrière un camion de vidanges ! » L’ado le prit au mot et alla déposer en personne, tout propre et bien habillé, son CV dans une entreprise de gestion des déchets. Ça puait. C’était sale. Bon élève à l’école, Simon a remis ce document à un type tout aussi sale qui n’a même pas daigné y jeter un coup d’œil. Il lui a dit qu’il le rappellerait. Il l’a rappelé.
C’est comme ça que l’aventure de Paré-Poupart a commencé, il y a vingt ans. Les premières journées ont été éprouvantes mais, contre toute attente, il y a pris goût. Il a toujours conservé les deux pieds dans deux mondes que tout oppose : un univers intellectuel (l’auteur a étudié en sociologie et détient une maîtrise en administration internationale) et un autre très matériel : les vidanges.
Les vidangeurs ne sont pas des fils de médecins et les fils de vidangeurs ne deviennent pas médecins à leur tour. Ils vivent chichement, parfois même dans la rue. Ils sont marginaux, antisociaux, excentriques. Paré-Poupart dresse le portrait de quelques-uns d’entre eux dans Ordures ! Journal d’un vidangeur.« Beaujeunehomme », c’est ainsi qu’on l’appelle, est déjà complètement saoul à huit heures du matin, mais il travaille comme pas un. Tout le monde l’accepte, même les patrons. Joe n’a pas dormi et fait un bad trip à sept heures du matin. N’importe où ailleurs, on les aurait mis à la porte, mais pas dans ce milieu-là, qui joue un rôle officieux de services sociaux. Steve a quant à lui cessé d’être livreur pour les Hells en devenant vidangeur. Ce milieu de travail se montre très tolérant en engageant du monde qui a des problèmes de dépendance. Paré-Poupart écrit : « Peu comme moi, disons-le, mènent une vie relativement saine ».
Être vidangeur exige une grande forme physique. Il faut marcher des heures durant. Il y a les températures extrêmes : le gel en hiver et la canicule en été. Comme Paré-Poupart ramasse principalement des sacs-poubelle, il nous raconte le combat qu’il doit mener contre les vers blancs pendant les fortes chaleurs. En plus, il doit se farcir des remarques dédaigneuses : « Tu pues », « Tu n’es pas allé à l’école longtemps », « Viens chercher ce sac-là, je t’ai à l’œil », etc.
L’auteur nous instruit de quelques considérations sur les ordures ménagères : leur histoire, Eugène Poubelle, le problème du plastique, le gaspillage… Il est un adepte du freeganisme (gratuitvorisme), c’est-à-dire qu’il vit des rejets de la société de consommation. Il peut meubler tout un appartement en trouvant ce dont il a besoin dans les déchets.
Malgré toutes les embûches décrites, il adore ce qu’il fait. « Si tu m’annonces que je meurs demain, je fais un dernier voyage en arrière d’un truck, sans trop y réfléchir. Je retourne là où je dois être. Courir derrière un truck me procure une immense satisfaction et un plaisir intense. »
Après la lecture de ce livre, on ne pourra que se montrer courtois envers les vidangeurs, si ce n’était pas déjà le cas. Sans eux, notre monde serait invivable.