Nuit blanche, numéro 104, octobre 2006
Un cousin m’a dit un jour que les premiers livres sont les lèvres. Un beau parleur, mon cousin, le Français, bretteur du bonheur. Moi, dans mon pays, il n’y a pas de Livre, que des lièvres de l’année que l’on livre à la première neige, à la boucherie commune de tes Nemrods. Mon peuple n’a pas de Livre. Alors comment pourrait-il prétendre à la profondeur historique et au délire religieux ? Il a des lèvres pour sucer, téter, boire et mander. Il a des lèvres pour palabrer, discuter, gueuler, râler, rire et s’exclamer. Mais il est lièvre dans sa fuite comme dans ses cuites.
Renaud Longchamps, Ruvres complètes, tome 7, Babelle, Trois-Pistoles, 2006, p.344.
Incursion dans le domaine politique à travers le personnage flamboyant de Pierre Elliott Trudeau, trois essais présentés par Laurent Laplante avec les nuances et la perspicacité qu’on lui connaît. Nancy Southam tracerait un portrait « tachiste » de l’homme, Monique et Max Nemni, des fidèles, publient le premier volume de sa biographie et André Burelle analyse avec une grande liberté d’esprit les positions intellectuelles et politiques de l’homme d’État.
Autre milieu, la France à une époque riche en polémiques dont celle qu’a déclenchée la parution en 1927, de La trahison des clercs de Julien Benda. Patick Guay présente l’auteur et le brûlot qui l’a rendu célèbre, mais aussi sa trilogie autobiographique, une Suvre fascinante.
Côté littérature québécoise, Pierrette Boivin nous invite à visiter l’Suvre de Nicole Filion, qui a « les mots pour faire rêver, rire et pleurer », à travers des récits autobiographiques, des nouvelles et des romans. L’auteure manierait « le matériau verbal avec une rare aisance ».
Yvon Rivard retient l’attention de Jean-Paul Beaumier. Selon lui, l’écrivain poursuit de livre en livre une recherche en profondeur d’une grande richesse. Le siècle de Jeanne, roman de l’apaisement, atteint un degré de conscience toujours plus étendu et témoigne d’une grande force littéraire.
C’est un regard sur la violence et les inégalités sociales que celui d’Irène Nemirovsky, née en Russie, réfugiée en France en 1917, romancière reconnue dans son pays d’adoption des 1936. Comme le souligne Hélène Gaudreau, c’est cependant un roman posthume – les chambres à gaz attendaient Irène Nemirovsky -, Suite française, prix Remaudot 2004, et un essai sur Tchekov qui la consacrent grande écrivaine.
Avec Sylvain Marois, saluons la création d’une nouvelle maison d’édition de poésie Le lézard amoureux, dont les premiers auteurs sont en partie connus : Méliane Roy, José Acquelin, Gaétan Soucy, Vincent Charles Lambert et Frédéric Jacques Temple. Prise de contact avec le « dire autrement », selon le commentateur.
L’aveu de Marguerite Andersen, auteure prolifique aux intérêts multiples : qui n’ a pas voulu un jour lire la Bible… et combien ont tenu parole ? L’écrivaine supporte bien sa culpabilité cependant et ses propos la révèlent très attachante.
Denier volet de ce numéro, le « Libérez-nous des pédagogues » de Nicole Gagnon, professeure retraitée de sociologie. En pré-publication à Nuit blanche, l’article paraîtra dans la revue Argument (automne-hiver 2006). Nicole Gagnon ne mâche pas ses mots, le ton est accusateur, la charge bien rodée. Stimulant.
Bonne lecture. NB