En collaboration avec Benoît Melançon, Laurent Mailhot avait déjà publié Essais québécois 1837-1983, Anthologie littéraire, en 1984. Il revient aujourd’hui sur cette vaste entreprise avec L’essai québécois depuis 1845, passant de 127 extraits de 52 auteurs à 50 textes de 47 essayistes. Pour ceux que l’anthologiste a choisi de conserver, un seul écrit a été retenu pour chacun, en général, plutôt que les deux, trois ou même quatre qui avaient paru auparavant. Plus d’une dizaine de contemporains ont par ailleurs remplacé presque autant d’écrivains de la première heure.
On pourra certes regretter la suppression des Victor Barbeau, Marcel Rioux, Lionel Groulx et autres Gaston Miron. Mais le recueil de 2005 a le mérite de convoquer des morceaux nouveaux qui, en général, prennent naturellement place dans une liste de « textes représentatif[s], au plus haut niveau, » de l’essai québécois. Pensons ici au brillant article de Lise Bissonnette sur la chronique et l’éditorial journalistiques et au nouvel extrait de Jean Marcel, qui est une réflexion documentée sur l’histoire, le discours et le statut de l’essai depuis ses origines. En plus de ces ajouts d’importance, on retrouvera avec plaisir les propos d’un Hubert Aquin sur « La fatigue culturelle du Canada français » (dont l’extrait a toutefois été abrégé) et ceux d’un François Ricard sur l’« éloge de la littérature », par exemple.
Devant des réflexions de cette qualité, le règlement de compte d’un Robert Lévesque ne fait pas le poids : l’on s’étonne de la présence de ce texte dans l’anthologie, d’autant qu’on accorde à ces jérémiades plus d’espace qu’aux écrits d’un André Laurendeau, d’un Fernand Dumont et d’un Frère Untel réunis ! Mais ces questions de sélection d’auteurs et de choix et de longueur d’extraits ne feront jamais l’unanimité. Comme le dit d’entrée de jeu le compilateur, « aucune anthologie n’est complète, définitive. On lui demande seulement d’être honnête, équilibrée » : voilà qui est dans l’ensemble réalisé. Qui plus est, Laurent Mailhot signe une substantielle « Introduction » de quelque 65 pages où il décrit l’évolution de l’essai, réfléchit sur plusieurs définitions, expose les différentes formes du genre (journal intime, correspondance, lettre ouverte, chronique, polémique, manifeste, maxime, pamphlet), en présente certaines tonalités, précise les « qualités intrinsèques » qui ont motivé ses choix (« originalité ou personnalité, clarté, inventivité, perspicacité »)… En les mettant en contexte, Laurent Mailhot convoque ainsi « les figures, les thèmes, les lignes de force et les points de rupture » que le lecteur s’apprête à découvrir. Cette « Introduction » est en définitive un excellent exemple… d’essai !