Cuba, sous la pluie d’avril, c’est tout de même mieux qu’une dernière tempête de neige sur Montréal. Surtout quand l’équipe de tournage du film dans lequel Jean Leblanc tient enfin le premier rôle est chouchoutée par le vieux maître d’hôtel et tout le personnel de l’hôtel La Moka. Et puis, ces dix jours loin de Raymonde et de sa fille Véronique l’aideront peut-être à voir où s’en va sa vie. Mais, bien sûr, Jean ne pouvait pas connaître le passé du maître d’hôtel qui, une vingtaine d’années plus tôt, s’était fait passer pour mort, abandonnant femme et fils pour refaire sa vie sous d’autres cieux. Un maître d’hôtel qui autrefois s’appelait Charles Leblanc…
Manifestement, Raymond Cloutier connaît son sujet : Le maître d’hôtel se déroule dans un univers où évolue ce comédien reconnu pour ses rôles au théâtre, au cinéma et à la télévision. Les situations et les discussions entre les comédiens et l’équipe de production du film sonnent juste. Il en est de même pour le récit des relations entre et avec les Cubains. En fait, Cloutier, qui en a interprété lui-même tant et tant, réussit fort bien les dialogues de ce roman au rythme vif qui laisse tout de même le lecteur sur sa faim.
Porté par les dialogues et l’enchaînement des situations dramatiques la découverte par Charles de l’identité du comédien, la révélation de son passé à sa conjointe cubaine Helena, la mort inattendue de la mère de Jean pendant qu’il est à Cuba, l’aventure de Raymonde avec Nicolas, celle de Jean avec Gabriella qui engendre le drame – les contours des personnages restent flous pour la plupart. Si Jean et Charles sont mieux campés, ce qui permet de mieux comprendre leurs motivations profondes, les personnages féminins qui jouent un rôle majeur dans leur vie – Raymonde, Helena et Gertrude, mère de l’un et épouse abandonnée de l’autre – apparaissent comme des faire-valoir.
Cloutier a également choisi, dès le départ, de donner toutes les clés de l’énigme au lecteur. Ainsi, dès les premiers chapitres, Jean a le sentiment que quelque chose l’attend à Cuba et Charles, alias Paulo, révèle à Helena sa véritable identité. Dès lors, la confrontation est inévitable et le dénouement prévisible alors que cette rencontre tragique survient au moment où le fils, tout comme le père vingt ans plus tôt, s’apprête à quitter sa famille.
Malgré ses faiblesses, Le maître d’hôtel se lit toutefois sans déplaisir.