Prix Renaudot 2023, Les insolents d’Ann Scott brosse à la fois le portrait d’une génération en quête de nouveaux repères et celui d’une époque post-covid encore traumatisée par la restriction des libertés individuelles.
Jeune quarantenaire, Alex quitte Paris pour tenter de se réinventer en Bretagne où, espère-t-elle, les grands espaces et la mer ranimeront sa flamme créatrice de musicienne. D’ici à ce que l’inspiration et le goût de composer lui reviennent, elle entend se consacrer à une biographie de John Coltrane, mais ce projet est rapidement mis sur pause, en quelque sorte, en phase avec la vie d’Alex.
Le roman débute lentement, les longues descriptions de l’arrivée d’Alex en Bretagne marquant une césure avec sa vie parisienne. Pour Alex, il s’agit de la deuxième tentative de trouver un lieu qui s’accorde mieux à ses aspirations créatives, après une première désillusion survenue vingt ans plus tôt à New York. L’expérience s’était soldée par un échec après qu’Alex se soit fait entièrement dérober son argent et ses effets personnels par un junkie. Sans même l’avoir visitée, elle loue à distance une maison dans le Finistère en espérant que ses amis Margot et Jacques, qui composent en quelque sorte sa famille, lui rendront régulièrement visite. À cette attente se conjugue une installation compliquée par le fait qu’elle n’a pas de voiture et que les services de première nécessité ne sont pas à portée de main. À cela viennent s’ajouter des relations amoureuses complexes, tantôt avec des hommes et tantôt avec des femmes. Lorsqu’elle se rend à Berlin pour annoncer à son amant son départ pour la Bretagne, ce dernier lui souhaite tout le malheur du monde.
Le rythme du roman est lent, épousant ici l’attente et la transition entre milieux de vie d’Alex. Des personnages secondaires interviennent à l’occasion, dont un jeune homme qui s’éprend d’Alex, mais ils ne s’imprègnent pas dans la trame romanesque. La finale fait largement écho à la période de confinement imposée lors de la propagation du virus de la covid. En toile de fond, l’amitié et l’art se révèlent les seuls véritables repères sur lesquels Alex peut compter. Et la beauté, le calme des paysages qui s’offrent maintenant à elle. Elle ne rentrera à Paris que si la ville redevient un labyrinthe de poésie vitale qui peut surgir à chaque coin de rue. Peut-être un jour, peut-être jamais.