Comment la littérature érotique peut-elle survivre à l’ère de l’hypersexualisation ? Quels changements l’ère du Web, l’ère de l’image, où tout va vite, trop vite, peut-elle lui imposer ? Saura-t-elle résister à l’impératif de livrer la marchandise avec un simple coup de clique ?
Dans son dernier essai, Marc Chabot n’aura de cesse de nous rappeler que les corps seuls ne parlent pas, ne dégagent aucun érotisme. « Ce dont nous souffrons le plus, ce n’est pas d’un manque d’images mais d’un manque de mots » ; « Le sexe seul provoque la mort de l’érotisme » ; « Les corps cachent les âmes » ; « Le corps sans l’âme reste un corps » ; « Un corps comme pur objet finit par provoquer l’indifférence. »
Le corps seul est un masque, une mécanique inanimée, sans anima, c’est-à-dire sans âme. Le corps seul est un corps mort. On est loin des propos désublimants d’un Michel Houellebecq qui, animé d’un cynisme exaspérant, qu’il voudrait faire passer pour de la lucidité, clame que nous ne sommes que des particules élémentaires, parasitées par un esprit superflu.
Il y a des accents platoniciens chez Marc Chabot : la beauté des corps ne doit pas nous faire perdre de vue la beauté des âmes. Une personne au beau corps et à l’esprit laid est laide. Mais contrairement au père de l’idéalisme, il n’y a jamais dans son livre de dénigrement de la chair. Au contraire. Qu’un repositionnement nécessaire, voilà.
L’essai de Marc Chabot porte sur un choix de livres érotiques. Ses réflexions évoluent autour d’œuvres qu’il nous donne le goût de lire ou de revisiter : L’école des filles ou la philosophie des dames, Les liaisons dangereuses, L’amant de Lady Chatterly, Lettres d’amour à Brenda Venus, Thérèse et Isabelle, etc. Longtemps la littérature érotique fut une littérature de résistance face à la société bien-pensante. Par l’entremise de la libération des corps, elle visait la libération des âmes. Ce qu’il en reste aujourd’hui, d’après l’auteur – et certains ne partageront peut-être pas son avis -, appartient le plus souvent à la catégorie des livres de recettes, au voyeurisme et à la provocation mercantile. Tout fut mis à nu : le sublime, le mystère, la beauté.
Et puisqu’on est dans l’érotisme transcendant des mots, il faut quand même souligner le plaisir de lire Des corps et du papierde Marc Chabot : un essai avec du style.