Deuxième roman policier de l’auteur, deuxième aussi à se situer dans un cadre théâtral. Le crime est donc commis en présence de centaines de spectateurs qui, jusqu’à ce que coule un sang terriblement authentique, interprètent le coup de feu comme une inoffensive fiction. L’astuce, bien que classique, déplace l’enquête vers la périphérie : qui a circulé en coulisse et placé une vraie balle dans l’arme ?
Maurice Gagnon, journaliste de métier, connaît admirablement Saint-Pacôme, municipalité où se déroule le drame et qui, comme par hasard, décerne son prix du roman policier. Il est si familier avec le milieu qu’il ose y loger une liberté des comportements qu’on croirait, à tort, réservée aux grands centres. Qu’une déesse d’inspiration gothique y recrute des fidèles en devient pensable.
Pour équilibrer cet avantage, Maurice Gagnon s’est lancé le défi de construire son roman selon le cérémonial du théâtre. Puisque douze coups annoncent le lever du rideau de scène et qu’un entracte sépare la pièce en moitiés, le polar est découpé en deux blocs de six séquences qui, toutes, implacablement, se terminent sur une surprise. Défi redoutable que relève Gagnon avec naturel.
Ainsi que semble le vouloir le goût du moment, le niveau de langage se distingue assez souvent de ce que souhaiterait l’Académie française. Dans plusieurs occasions, l’entorse est justifiée, car la grossièreté d’un personnage sert l’intrigue en attirant sur lui les soupçons du lecteur. Un meurtrier n’est pas nécessairement mal engueulé, mais il est prévu que les mal engueulés soient les premiers soupçonnés ! Il y a cependant une contrepartie à cette stratégie : à trop enlaidir certains personnages, on incite le lecteur à se méfier de ceux qui, en apparence, respectent les lois. En l’occurrence, certains personnages de Gagnon sont trop antipathiques pour devenir des coupables.