Ce qui est en gestation, dans cet essai de Vincent Bourguet, n’est pas seulement l’embryon humain, mais également la définition de l’homme. La méthode scientifique et ses instruments, qui rendent visible ce qui était autrefois inaccessible à l’œil nu, permettent en effet maintenant d’affiner l’observation de l’être humain. Et la bioéthique, qui n’appartient pas au domaine scientifique et ne lui est pas subordonnée, s’appuie sur celui-ci pour construire de meilleures bases à la réflexion philosophique et établir les frontières éthiques de la science : « […] l’éthique n’est pas ‘ facile ’, mais ‘ difficile ’, […] parce qu’elle s’exprime originairement non pas comme un projet, mais comme ce qui limite nos projets, bref parce qu’elle s’exprime sous la forme de l’interdit. »
Il ne s’agit donc pas ici d’un pamphlet sur le droit ou non des femmes à l’avortement, avec tous les débordements du genre, mais plutôt d’une thèse de doctorat, remaniée pour une plus grande diffusion, qui présente la conception de l’embryon humain qu’ont défendue les grands philosophes occidentaux. Ils y passent tous : de Platon et Aristote à Hegel et Husserl, sans oublier Thomas d’Aquin et Kant, les philosophes français et anglais des Lumières, ainsi que quelques-uns de nos contemporains.
L’essai tente surtout de répondre à la question : pourquoi interdire les manipulations génétiques sur l’embryon, alors que l’on permet son « homicide » par l’avortement ? D’un côté, la liberté et la santé de la femme sont avancées comme éléments de réponse, même si on demeure dans le flou lorsqu’il s’agit d’avortement comme moyen contraceptif après coup ; de l’autre, on pose que l’embryon est un être et non pas une chose, ce qui interdit sa manipulation, mais un être qui n’a pas encore acquis la qualité de personne morale, ce qui permet encore l’avortement. L’essai de Vincent Bourguet fait le point sur la question, mais il demande de bons efforts de lecture aux personnes non initiées au langage philosophique.