Sur la couverture du recueil, une œuvre de Toyen datant de 1937, « La femme assoupie », s’offre comme une clé. Une clé bien particulière qui ouvre sur un monde où « [a]voir un visage tient peut-être du luxe ». La peinture montre de dos une femme sans tronc ni jambes qui tient un filet à papillons. Un poème du recueil, qui porte le même titre, la décrit à sa façon : « Nous sommes plusieurs à faire ce rêve / À l’entendre effacer ses pas / Dans l’eau rampante des marécages / Aidez-moi le ciel ne descend pas jusqu’ici ». À l’image de cette femme, le poète, chasseur d’insolite, disparaît sous un langage qui ne sait plus parler de lui. Les émotions qui pourraient le trahir, elles aussi disparaissent. « [J]e parle de qui parle qui parle je suis seul », écrivait Tristan Tzara il y a une centaine d’années dans L’homme approximatif. Les poèmes de Mario Brassard décrivent une même interrogation devant l’inconsistance de l’identité. Les mots servent à dire une impression de dissolution, comme si l’esprit était une goutte jetée dans un grand bassin d’eau. Émergent des juxtapositions surprenantes, des métaphores surréalistes, dans un ensemble toutefois cohérent. Les poèmes tiennent en quelque sorte en équilibre entre le sommeil et l’éveil, au moment précis d’avant la perte de conscience. Le plaisir indéniable ressenti à la lecture de ce recueil provient de ce parfait dosage entre l’étrangeté et l’intelligible. Les images, dénuées de pathos, en sont d’autant plus fortes. Et pas une once de déjà-vu dans ce trop court recueil. Après Choix d’apocalypses, qui avait valu à son auteur d’être finaliste au prix Émile-Nelligan, au prix du Gouverneur général et au Grand Prix du livre de Montréal, La somme des vents contraires confirme l’indéniable talent de Mario Brassard.
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