Nous attendions depuis longtemps des nouvelles de Jacques Brault. Et voilà qu’il nous offre L’artisan… « Envoi » inattendu, inespéré. Petit paquet réconfortant que l’on pose sur ses genoux, infiniment précieux par sa noble rareté, que l’on ose à peine effleurer. Puis on l’ouvre, s’ouvrant du coup à « la stupeur d’être là d’être », s’ouvrant également à la joie toute enfantine qui nous envahit soudain… Fabuleuses retrouvailles : on n’est plus seul à être seul. On revoit passer, vers après vers, poème après poème, les plus intimes compagnons de Brault, ceux qui hantent son regard et sa main depuis plus loin que toujours : les ombres et les épouvantails, les grillons et les nuages, les brins d’herbe au vent, les « voix sans visage » de la parole d’autrui, lue et relue, aimée (ici celle de Gaston Miron et de Fernando Pessoa). Et tous semblent nous appeler à l’errance, à la seule écoute du temps qui passe, « le temps éperdu d’espace » où veille patiemment « l’énigme de vivre ensemble »… Car s’il est une chose qui, plus que jamais, se dégage de la poésie de Brault, c’est ce devoir de vigilance face au « presque rien » du monde, cette invitation au partage, sans façon, de la « quotidienne épiphanie ».
Oui, lire Brault, lire L’artisan, c’est lire, avec lui, l’effeuillaison du tremble, la tombée du soir, l’envol des pissenlits. À ses côtés, tendre l’oreille au do de l’harmonica, au « gargouillis des gouttières », au sol au cœur duquel nous irons tous un jour nous endormir… En fait, lire Brault, lire avec lui, c’est tout simplement marcher en silence au bras d’un vieil ami que l’on revoit. Sans pour autant l’avoir jamais perdu de vue… Reprendre le fil d’une conversation d’antan et s’en tricoter des mitaines trouées, pour mieux toucher le temps qui nous échappe, et file… et fait ainsi de nous ses humbles artisans.