Auteur/autrice : Neal

  • Ave Maria (Regards-9)

    Ave Maria (Regards-9)

    DHOVA, YEBED, MADELEINE

    […]

    DHOVA – Yebed, je voudrais que tu acceptes mes excuses pour tout. La position dans laquelle je te mets vis-à-vis de ta femme Je suis conscient que…

    YEBED  On a dit qu’on n’en parlerait plus.

    DHOVA – Je sais, je sais mais Aujourd’hui j’ai réservé une place sur le vol d’après-demain.

    YEBED  Ne précipite rien Dhova.

    DHOVA – Madeleine et toi, vous êtes tellement généreux J’ai trop . . .

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  • Happy End ? (Regards-9)

    Happy End ? (Regards-9)

    UNE PIÈCE EN UN ACTE

    ELLE : femme début trentaine
    LUI : homme fin trentaine
    INFIRMIÈRE

    Un matin d’été. Une salle d’attente dans une clinique médicale. Une banquette. Une table basse sur laquelle il y a des revues.

    Quand l’éclairage monte, l’homme et la femme sont debout l’un en face de l’autre. L’homme a un porte-document à la main. Il le . . .

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  • L’encre bleue (Regards-9)

    L’encre bleue (Regards-9)

    VERSION 2 : LA DANSEUSE

    LA TOURISTE, L’HOMME TATOUÉ, LE CHANTEUR, FIGURANTS

    LA TOURISTE – J’habitais près d’ici il y a longtemps Je me rappelle un matin, il y a eu des coups de feu.

    Il y a eu la police et l’ambulance est venue le chercher. L’homme était très vieux. Il habitait le petit logement dont la porte donnait sur l’escalier menant au boulevard Champlain. Il sortait seulement pour l’épicerie. Il allait au magasin gén . . .

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  • 9 auteurs, 9 regards sur une ville


    Après une « mission d’exploration » de quelques jours dans différents lieux ou quartiers de Québec, neuf auteurs dramatiques ont chacun écrit une courte pièce inspirée par une ville dont l’image oscille entre la carte postale et la capitale moderne. Nuit blanche présente dans les pages qui suivent de larges extraits de ces textes qu’ont signés Marie Brassard, Jean Marc Dalpé, Koffi Kwahulé, Robert Lepage, François Létourneau, Alexis Martin, Michel Nadeau, Anne-Marie Olivier et Marc Prescott. Neuf regards  québécois, montréalais, franco-ivoirien, franco-ontarien, franco-manitobain–, neuf textes parfaitement dissemblables sur une même ville.

     

    Regards-9, une création du Théâtre Niveau Parking en collaboration avec le Théâtre de la Bordée, les fêtes du 400e anniversaire de la fondation de Québec.
    La première du spectacle aura lieu en mai 2008 au Carrefour international de théâtre de Québec.
    Koffi Kwahulé, autoportrait
    Anne-Marie Olivier par D. Baril
    Alexis Martin par S. Dumais
    Jean Marc Dalpé par R. Bergeron
    Michel Nadeau par N.-F. Bergeron
    Jean Marc Dalpé par Rachelle Bergeron
    François Létourneau par M.-H. Lemaire
    Robert Lepage par S. Grenier
    Marie Brassard, autoportrait
    Marc Prescott par C.PerronMerci au photographe Claudel Huot pour ses images de Québec.


    Koffi Kwahulé


    Jean Marc Dalpé


    Robert Lepage


    Anne-Marie Olivier


    Michel Nadeau


    Marie Brassard


    Alexis Martin


    François Létourneau


    Marc Prescott

  • L’héritage reçu et celui à transmettre

    L’héritage reçu et celui à transmettre

    Je suis fille de Simone. Tellement fille de Simone que pour moi, depuis toujours, l’égalité et l’indépendance entre les hommes et les femmes allaient de soi. Elles étaient acquises, acquises pour moi, en moi, parce que vécues dans ma famille et dans mon entourage. Jamais je n’ai senti que mes aspirations étaient limitées ou même affectées du fait que j’étais femme. J’ai grandi et me suis définie comme un être humain libre, devenant ce que je voulais être par mes projets. Des projets j’en ai eus et j . . .

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  • André de Richaud (1907-1968)

    André de Richaud (1907-1968)

    Dramaturge, poète, romancier, André de Richaud (1907-1968) a laissé une œuvre abondante ; personnalité complexe, personnage pittoresque dont le souvenir est longtemps resté vivant dans le quartier Saint-Germain, il pourrait partager avec Jean Genet la formule de Sartre « comédien et martyr ».

    Homme aux masques divers, il a fondé toute son œuvre sur la dualité entre rêve et réalité, ombre et clarté, aveu et dissimulation.

    Une jeunesse orpheline

    Né à Perpignan, en 1907, d’un père professeur tué dès le début des hostilités, André de Richaud est conduit par . . .

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  • Alexandre Arnoux (1884-1973)

    Alexandre Arnoux naît en 1884 à Digne-les-Bains, dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, une région qu’il prendra plaisir à dépeindre dans un essai (Haute-Provence, Essai de géographie sentimentale, 1926). Comme pour plusieurs, son entrée dans les lettres passe d’abord par la poésie, avec la publication en 1906 de L’allée des mortes, mais c’est un genre auquel il ne reviendra qu’une seule fois (Au grand vent, 1909), car c’est le roman qui . . .

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  • La montagne d’écritures (La montagne de l’âme de Gao Xingjian)

    La montagne d’écritures (La montagne de l’âme de Gao Xingjian)

    Je m’étais promis de gravir ce roman à mon retour de Chine, en 2002, parce qu’il me semblait devoir correspondre à ce que j’avais perçu là-bas, un mélange insolite d’Ancien, en voie de disparition, et de Moderne, en expansion spectaculaire, dans une sorte de Révolution tranquille, ou plutôt de mégarévolution fébrile, qui me rappelait, multipliée par deux cents, la transformation dynamique de la société québécoise des années 1960.

    La montagne de l’âme1, tel est le titre de ce livre . . .

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  • Didier Cromwell bédéiste

    Didier Cromwell bédéiste

    Invité par L’Institut Canadien de Québec pour sa résidence de création, Didier Cromwell, l’un des grands talents de la bande dessinée française, a séjourné à Québec au cours de l’automne 2007.

    J’arrive à Québec le 1er septembre 2007…
    L’inconnue totale !
    La première chose qui me frappe ce sont les poteaux électriques et cet indescriptible entremêlement de fils !
    Comment peuvent tenir ces mâts qui penchent si dangereusement et comment un technicien peut-il s’y reconnaître dans . . .

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  • Andreï Makine, l’espoir quand même

    Porteur de la tradition littéraire et du « ténébreux vécu » de son peuple, un Russe choisit de vivre en France pour y accomplir son œuvre. De cette rencontre sont nés une dizaine de romans puissants, générateurs d’émotion, qui allient intimisme et mouvement épique. Mûris par l’épreuve de la souffrance collective, ils sont illuminés par la foi en la noblesse de l’être humain et en sa beauté fondamentale.

    L’œuvre d’Andreï Makine frappe d’abord et surprend par deux évidences. D’une part, la richesse . . .

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  • Œuvres de Vassili Grossman

    Œuvres de Vassili Grossman

    Il semble difficile de cerner la pensée de Vassili Grossman et de rendre pleine justice à l’homme et à l’œuvre. Quarante ans après sa mort, survenue en 1964, on se demande s’il fut surtout correspondant de guerre ou plutôt romancier ou plutôt essayiste. Ou encore si cet Ukrainien de naissance fut plus spontanément russe, soviétique, juif ou citoyen du monde.

    C’est tout juste si l’on parvient à ranger en ordre chronologique les textes qui ont circulé selon les caprices du hasard ou au gré des soubresauts politiques. L . . .

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  • Empreintes & mémoire : Une ballade dans Québec

    Empreintes & mémoire : Une ballade dans Québec

    Successivement poste de traite, tête de pont française en Amérique, ville de garnison, capitale du Canada et vitrine de l’Empire britannique, la ville de Québec a une histoire qui se confond avec celle du pays. Cette riche et longue aventure, ses habitants ont la chance de la voir inscrite dans beaucoup de ses pierres et de ses places publiques.

    Avec Empreintes & mémoire1, sorte de bilan-inventaire réalisé pour souligner les 400 ans de la ville, la Commission des biens culturels du Québec nous convie à une balade érudite dans ce paysage né sous le Régime français, transformé sous le Régime anglais, rejoint aujourd’hui par la modernité.

    Les auteurs prennent d’abord bien soin de délimiter le périmètre de ce livre sous-titré L’arrondissement historique du Vieux-Québec. Pour ceux et celles qui sont moins familiers avec la topographie de la ville de Québec, rappelons que l’arrondissement historique comprend deux espaces bien distincts. Le premier, la Haute-Ville, englobe la partie supérieure du cap Diamant. On y retrouve quelques îlots résidentiels mêlés à une forte concentration de bâtiments institutionnels. Les fortifications en marquent les limites. La seconde partie, comprise entre la falaise, la rivière Saint-Charles et le fleuve Saint-Laurent, constitue la Basse-Ville, traditionnellement orientée vers le commerce et les affaires. Haute et Basse-Ville occupent un espace de 135 hectares sur lesquels on dénombrait, en 1988, un millier de bâtiments civils ou religieux.

    Par le texte et par l’image, Empreintes & mémoire rappelle ensuite les moments forts et les caractéristiques de ce peuplement ; de la présence initiale des Amérindiens, en passant par l’occupation du territoire sous le Régime français jusqu’à l’achèvement du cadre général sous la présence anglaise au XIXe siècle. Une seconde partie rappelle les grandes étapes de la transformation de l’arrondissement depuis le XIXe jusqu’à aujourd’hui : les grands réaménagements de la fin du XIXe siècle, l’émergence d’une sensibilité au passé dans la première moitié du XXe siècle, la « naissance administrative » de l’arrondissement historique après la Seconde Guerre mondiale, l’instauration de nouvelles façons de faire dans les années 1960 et la recherche d’une approche globale d’intervention à la fin du siècle dernier.

    L’inscription de l’arrondissement sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en 1985, est venue confirmer le caractère unique de cet ensemble architectural et urbanistique qui attire, chaque année, plusieurs millions de visiteurs. Son charme, nous disent les auteurs, « tient autant à ses façades qu’à ses parcours sinueux, ses escaliers casse-cou, ses places ombragées, ses carrefours ». Pour sa part, le lecteur prendra un vif plaisir à en faire le tour dans un ouvrage d’une facture remarquable. Il faut en donner le crédit aux Publications du Québec qui ont conçu une mise en page très aérée et d’une grande élégance. L’évident parti pris de laisser toute la place aux bâtiments et à l’espace dans les très belles photographies de Sylvie Lacroix et Pierre Lahoud qui accompagnent le texte constitue également un heureux choix graphique.

    S’il est vrai que « les pierres du Vieux-Québec servent d’écrin aux âmes de nos ancêtres », comme l’écrit Claude Cossette dans la préface d’Empreintes & mémoire, l’ouvrage de la Commission des biens culturels du Québec, pour sa part, est désormais le compagnon obligé de nos déambulations réelles ou virtuelles dans les rues du Vieux-Québec.


    1. Commission des biens culturels du Québec, Empreintes & mémoire, L’arrondissement historique du Vieux-Québec, Publications du Québec, Québec, 2007, 238 p. ; 37,95 $.

     

  • Léopold Sédar Senghor, l’itinérant

    Léopold Sédar Senghor, l’itinérant

    L’année 2006 était consacrée, dans la quarantaine de pays francophones, année Léopold Sédar Senghor. Le poète sénégalais, mort à 95 ans en Normandie, aurait eu cent ans. Plus de 2000 manifestations ont eu lieu aux quatre coins de la planète. L’une des plus importantes, le vingtième des Sommets francophones à Bucarest, rendait hommage à leur instigateur en mars dernier.

    Ce père de la francophonie fut aussi père de la nation sénégalaise de 1960 à 1980, créateur avec le Martiniquais Aimé Césaire du mouvement de . . .

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  • Zlata Filipovic : Destin extraordinaire d’une jeune bosniaque ordinaire (entrevue)

    Zlata Filipovic : Destin extraordinaire d’une jeune bosniaque ordinaire (entrevue)

    Au début des années 1990, Zlata Filipovic écrit son journal intime. Rien d’étonnant à cela, tant de préadolescents le font. Ce qui est par contre inhabituel est la qualité du témoignage – intelligent et articulé – d’une enfant racontant la guerre qui se déroule sous ses yeux.

    À cette date, Zlata vit en effet à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine (ex-Yougoslavie), dans une ville assiégée par l’armée fédérale yougoslave et par les forces paramilitaires serbes. À la suite de multiples hasards, Le journal de Zlata

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  • Pierre Assouline : La trace ou la preuve (entrevue)

    Pierre Assouline : La trace ou la preuve (entrevue)

    Romancier, essayiste et journaliste (il a dirigé le magazine Lire), Pierre Assouline est l’auteur de plusieurs biographies remarquées (Hergé, Georges Simenon, Gaston Gallimard, Albert Londres, etc.). Son dernier roman, Lutetia (Gallimard), a obtenu en 2005 le prix Maison de la presse. Il rédige aussi, depuis quelques années, un blog littéraire très suivi, « La république des livres ».

    Pierre Assouline a publié, l’an dernier, un ouvrage intitulé Rosebud, qui se veut une méditation sur le métier de biographe à travers l . . .

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  • Jane Urquhart : La mémoire vivante (entrevue)

    Jane Urquhart : La mémoire vivante (entrevue)

    Depuis la parution de son premier roman, Niagar – qui lui amérité le Prix du meilleur livre étranger en France –, l’Ontarienne Jane Urquhart s’emploie à créer un univers unique dans lequel évoluent personnages fictifs et historiques et où les arts, la littérature et les éléments naturels jouent un rôle majeur.

    Prix du Gouverneur général du Canada 1997 pour Le peintre du lacJane Urquhart voit ses œuvres traduites dans le monde entier. Pourtant, on la connaît encore peu au Québec. En dépit de l’éloignement – elle résidait alors en Irlande –, Jane Urquhart a répondu avec chaleur et générosité aux questions de cette entrevue à distance.

    Nuit blanche : Comment êtes-vous venue à l’écriture ?

    Jane Urquhart : Enfant, je tenais un journal. J’écrivais aussi des pièces, des histoires, de la poésie et même des chansons. Je n’ai toutefois pris le travail d’écriture au sérieux qu’après la naissance de ma fille, à 27 ans. Deux facteurs y ont contribué. D’abord, je savais désormais que ma propre enfance était derrière moi. Ensuite, parce que je suis restée à la maison avec mon enfant, je pouvais rêver éveillée de longues heures (un élément essentiel de l’écriture) et j’ai pu ainsi pénétrer au cœur de ma propre vie intérieure. À partir de ce moment, l’écriture s’est vraiment emparée de moi. Je n’ai jamais pris la décision de devenir écrivaine. C’était simplement quelque chose que je savais devoir faire.

    Plusieurs critiques ont souligné votre talent à établir des correspondances intimes entre les paysages et la vie intérieure des personnages. Pour ma part, je crois que l’eau, le vent, le sable, la forêt, la terre et tous les autres éléments naturels sont plus qu’un reflet de la vie émotive des personnages : ils sont de véritables personnages de vos romans. La narratrice de Ciel changeant veut écrire un livre sur le vent. Avez-vous aussi décidé, dès le début, d’écrire des œuvres aussi fortement liées aux éléments naturels ?

    J. U. : Les éléments naturels, le temps qu’il fait, la météo m’ont toujours intéressée. Je suis née très au nord de l’Ontario où les écarts extrêmes de température sont monnaie courante ; par ailleurs, je séjourne désormais de longues périodes dans une région d’Irlande où on doit sans cesse composer avec le vent pour simplement survivre. J’aime le fait que nous ne puissions contrôler le climat ni même juste prévoir de façon sûre les tempêtes et le beau temps. C’est en cela que la météo est une proche parente du comportement humain. Néanmoins, je n’ai jamais pris la décision consciente d’écrire sur les éléments naturels. Avec tout leur caractère imprévisible, l’eau s’est tout simplement mise à couler, le sable à s’infiltrer et le vent à souffler dans mes livres.

    Dans La foudre et le sableEileen confie à sa petite-fille : « C’est à cela que ressemble l’amour, l’un dort et l’autre est éveillé, mais on ne sait jamais lequel est en train de rêver ». Il me semble que plusieurs autres personnages de vos romans auraient aussi pu dire cela.

    J. U. : Oui, je crois que plusieurs de mes personnages principaux sont en train de rêver. Pas au sens où ils sont des rêveurs, des visionnaires, mais plutôt parce qu’ils sont inconscients, au sens jungien, des conséquences de leurs actes sur les autres. Je crois parfois qu’un roman est le long et lent récit de la prise de conscience d’un personnage, quelquefois jusqu’à sa rédemption, mais le plus souvent jusqu’à la tragédie.

    Certains de vos personnages masculins – Austin dans Le peintre du lac ou encore Patrick dans Niagara – semblent vivre dans des univers où l’art et la poésie filtrent leur vision du monde et leurs relations avec les autres au point d’empêcher toute véritable intimité, incarnée, avec les femmes qui, de façon paradoxale, dominent leur imagination et leur créativité. Est-ce que l’art et la littérature sont des moyens d’éviter la vie réelle ?

    J. U. : Je ne crois pas que la littérature et les arts doivent être des moyens d’éviter la vie réelle. Les arts donnent un sens à la vie ; ils l’enrichissent plutôt que de l’appauvrir. Je suis toutefois coupable d’avoir créé des personnages qui glissent dans des mondes imaginaires et ont du mal à s’ancrer dans la vie réelle. C’est peut-être parce que ce sont souvent des artistes et que, pour créer, les artistes doivent se tenir un peu en retrait afin de mieux observer toute la scène ce que ne pourrait faire quelqu’un qui y participe pleinement. Cette position est précaire parce qu’ils doivent pouvoir garder l’équilibre entre l’engagement et le désengagement. Si l’un ou l’autre domine, il en résulte un chaos à la fois personnel et artistique.

    Dans le même ordre d’idées, l’art, pour Austin dans Le peintre du lac, s’apparente presque à une obligation, un fardeau ou, pire, une malédiction à laquelle il sacrifie tout mais qui, au bout du compte, le mène à sa perte ; à l’inverse, il apparaît comme une rédemption dans le roman que vous avez publié ensuite.

    J. U. : Les amants de pierre traitait, entre autres choses, de l’expérience rédemptrice de la commémoration. Le besoin qu’éprouvent les êtres humains de donner forme, d’une façon ou d’une autre, à leur expérience de la perte m’intéresse, que cette forme soit une petite croix de bois sur la tombe d’un enfant pauvre ou un énorme monument sur une colline française. Il semble que savoir que tout disparaît, lentement ou d’un seul coup avec la peine et la perte qui accompagnent ce savoir, déclenche en chacun de nous le désir d’une certaine expression artistique. Les personnages de Les amants de pierre abordent leur travail avec une intention pure. L’idée que cela puisse leur apporter la renommée, par exemple, ne les effleure même pas. Ils ont simplement besoin d’ériger ce monument pour des raisons tissées dans leur expérience de la vie même.

    Pour la première fois, dans Le peintre du lac, votre narrateur et personnage principal est un homme. Comment faites-vous le choix du personnage principal, de sa voix, de la forme et du ton de vos œuvres romanesques ?

    J. U. : J’avais décidé d’écrire Le peintre du lac à partir d’un point de vue masculin. D’une part, je pensais qu’il me serait ainsi plus facile d’écrire avec le style sec et légèrement musclé que je voulais pour ce livre. D’autre part, je désirais me sentir proche du personnage principal dont je savais depuis le début qu’il serait masculin. J’ai commencé à écrire à la troisième personne, mais je me suis vite rendue compte que ça ne fonctionnait pas parce que je le voyais encore avec une certaine distance, de la façon qu’une femme le verrait. Alors je me suis glissée dans son esprit et j’ai écrit le livre avec sa voix, à la première personne.

    Je prends mes décisions sur la forme et le ton tandis que j’avance dans la narration de chaque livre. Parfois, ils changent de façon importante au fur et à mesure que l’intrigue se déploie. D’autres fois, tout est évident dès le début ou, à tout le moins, aussi évident que ça peut l’être pour moi.

    Dans tous vos romans, à côté des personnages fictifs, apparaissent des personnages historiques qui tiennent des rôles plus ou moins importants selon le cas – le poète Robert Browning, l’écrivaine Emily Brontë, le peintre Rockwell Kent, le sculpteur Walter Allward, etc. Ne pourriez-vous écrire sans eux ?

    J. U. : D’une certaine façon, non, je ne pourrais écrire sans eux. Ça m’a pris beaucoup de temps avant de comprendre qu’ils étaient pour moi, en quelque sorte, la porte d’entrée de mes romans. Presque chaque fois, au tout début, je croyais que le personnage principal serait Rockwell Kent (dans Le peintre du lac) ou Walter Allward (dans Les amants de pierre) mais, au bout du compte, ça n’a jamais été le cas. Tout se passe comme si, pendant que je me concentre sur les faits relatifs aux personnages historiques, un homme ou une femme fictive surgissait et me tapait sur l’épaule en disant : « Écoute, ce livre, c’est de moi qu’il parle ». Néanmoins, une grande partie de l’atmosphère, du ton, de l’esprit du lieu et du temps viennent de mes recherches sur la personne réelle, historique, qui a capté mon intérêt au départ.

    La Première Guerre mondiale joue un rôle significatif dans deux de vos romans : Le peintre du lac et Les amants de pierre. Pourquoi cet intérêt pour la Grande Guerre ?

    J. U. : Ma mère, maintenant âgée de plus de 90 ans, était enfant durant la Première Guerre mondiale et l’immédiat après-guerre. Elle a développé une fascination pour cette période de l’histoire canadienne et s’est mise à collectionner les livres, les souvenirs, etc. D’une certaine manière, j’ai été imprégnée de cette passion. Ce n’est toutefois qu’à partir du moment où, en France, j’ai commencé à visiter les lieux des combats, les cimetières et les monuments commémoratifs que je me suis sentie interpellée d’une façon émotive. C’est impossible de ne pas être profondément touché, en particulier par les milliers de tombes ou de noms de jeunes hommes gravés sur les monuments. On pense à tous ces enfants quittant la relative innocence d’une société alors centrée sur l’agriculture (pas complètement, bien sûr, mais en grande partie) pour être catapultés dans l’inimaginable enfer de la guerre, laissant une vie bercée par le rythme des semences et des récoltes pour être confrontés au fracas le plus absolu. Ceux qui ont eu la chance d’en revenir vivants ont dû se sentir encore plus désorientés de ne pouvoir trouver personne capable de seulement commencer à comprendre ce qu’ils avaient enduré, car cette guerre – sans précédent dans l’Histoire – s’était déroulée si loin de l’Amérique du Nord.

    Le peintre du lac, jusqu’à un certain point, rend compte de ce sentiment de dislocation. Je pensais que ce serait mon seul roman où il serait question de la guerre. Mais après y avoir mis le point final, j’ai compris que j’en avais terminé avec le roman, mais pas avec la guerre. Les amants de pierre est né de ce que j’ai appris pendant que j’écrivais Le peintre du lac.

    Votre intérêt pour l’Histoire et ses personnages transparaît aussi dans vos œuvres poétiques, en particulier le règne de Louis XIV en France. Qu’est-ce qui, dans cette période précise de l’Histoire française, stimule votre imagination ?

    J. U. : Mon mari et moi avons passé une année en France, en 1979-1980, et nous sommes souvent allés visiter les jardins de Versailles. Pour quelqu’un du nord de l’Ontario où la nature sauvage prédomine toujours, j’étais étonnée de constater à quel point un paysage peut être façonné et contrôlé, et en quoi cela reflétait le pouvoir politique et la richesse. J’ai appris que Louis XIV a fait transplanter à Versailles des forêts entières du Jura, je crois (les deux tiers des arbres sont morts), et que des rivières et des torrents ont été détournés de leurs cours pour ses fontaines et ses canaux. Cela me semblait l’essence même de la volonté des êtres humains de vaincre la nature. À Versailles, les résultats étaient magnifiques bien sûr, mais inquiétants aussi. Je me suis alors demandée ce que devait être la vie auprès d’un homme éprouvant un tel besoin de contrôle, un homme habité d’un animus si fort. Louis XIV a eu plusieurs maîtresses, mais celle qui m’intéressait le plus était Madame de Montespan parce que j’avais le sentiment qu’elle avait tenté de s’y opposer. Entre autres choses, elle a essayé de l’empoisonner.

    « Jérôme, la vie tout entière n’est peut-être qu’un exercice d’oubli »,déclare Sylvia dans Les rescapés du Styx. Pourtant, celle-ci s’efforce justement, tout au long des rencontres avec Jérôme, de maintenir vivante l’histoire de son défunt amant Andrew et de ses ancêtres. Pour sa part, au cours de ces quelques jours, Jérôme effectue malgré lui son propre « exercice de mémoire ». Est-ce que la littérature est l’art de garder la mémoire vivante ?

    J. U. : Je crois qu’en général l’art de raconter est lié au désir de garder la mémoire vivante mais aussi de créer une sorte de mythologie. On pense, par exemple, à de grands classiques comme L’Iliade et l’Odyssée. Homère était un historien qui tâchait de rapporter les faits de différents combats, mais il était aussi un créateur de mythes et un fantastique conteur qui a réussi à tisser ensemble ces trois éléments pour rendre l’histoire inoubliable, éternelle. Sans leur aspect mythique et fantastique, ses sagas guerrières n’auraient pas eu, je crois, cette vitalité qui leur a fait traverser les siècles. La grande littérature, cependant, ne raconte pas seulement des catastrophes mondiales. Certaines des meilleures œuvres littéraires se déroulent dans un seul après-midi ordinaire. Ce qui est important, c’est que le matériel à partir duquel elles sont créées soit transformé et qu’il fonctionne à plus d’un niveau.

    On a beaucoup débattu récemment sur la question de savoir si les écrivains devaient ou non situer leurs intrigues dans le passé ou le présent. Je crois que, si le roman se tient, ça n’a aucune importance si l’histoire se passe il y a quelques semaines ou voilà quatre siècles. Dans l’un et l’autre cas, jusqu’à un certain point, le roman parle de la mémoire puisque les auteurs y ont intégré leurs propres collections de souvenirs – ce qu’ils ont appris de la vie – pour les écrire.

    Pour la première fois dans Les rescapés du Styx, vous laissez vos lecteurs dans l’incertitude sur certains des principaux personnages – Sylvia et Andrew ont-ils réellement eu une liaison ou existait-elle seulement dans l’imagination de Sylvia ? Souffre-t-elle vraiment d’un problème majeur, qui n’est d’ailleurs jamais nommé ? Est-ce une forme d’autisme ?, etc. Est-ce là une métaphore du travail même de création ?

    J. U. : D’une certaine façon, je crois que l’absence de certitude liée à Sylvia est en effet une sorte de métaphore de l’imaginaire. Il me semble aussi que lorsqu’on commence à se rappeler un fait ou à le raconter, il peut y avoir plusieurs versions de ce qu’on décrit comme la réalité. Je me souviens que lorsque j’étais enfant, j’étais très troublée par le fait que je ne serais jamais certaine d’avoir vu la même chose que ce que ma mère avait vu parce que je ne pourrais jamais voir avec ses yeux. Comment est-ce que j’aurais su, par exemple, que nous voyions toutes les deux le même papier peint dans ma chambre ?

    Vous mentionnez souvent le nom de membres de votre famille dans vos dédicaces, en particulier dans La foudre et le sable. Vous citez aussi, ce qui est quand même peu fréquent en littérature, des titres de livres ou les noms des personnes qui vous ont aidée dans vos recherches. Les faits réels et autobiographiques sont-ils nécessaires dans la construction de vos romans ?

    J. U. : J’utilise la réalité comme un tremplin pour pénétrer dans l’imaginaire, je crois, ou du moins une partie de ce que j’écris vient de matériel autobiographique et une autre vient de ce que j’ai appris sur des personnages historiques qui m’intéressent. Parfois des membres de ma famille m’ont aidée ou m’ont donné des informations utiles à mon travail. Par exemple, ma cousine Amy Quinn a trouvé (dans une vente de garage !) une collection de lettres qui m’ont amenée à créer le personnage d’Augusta dans Le peintre du lac. Une autre cousine, Roseanne Quinn, a une fantastique collection de vieux livres canadiens (de même qu’une collection de boutons datant des premiers temps de la Confédération) et elle me fournit souvent exactement ce dont j’ai besoin au cours des mes recherches.

    La recherche occupe-t-elle une part importante de votre travail ? Faites-vous toute la recherche nécessaire avant de commencer à écrire ou fait-elle partie intégrante d’un processus continu ?

    J. U. : J’aime beaucoup la recherche et je trouve que c’est un voyage d’exploration. Souvent ce que je découvre au cours de ma recherche amène la narration dans une tout autre direction. C’est un processus continu, mais la partie la plus importante a lieu avant que je commence à écrire. Je n’écris pas nécessairement sur des faits, c’est pourquoi je laisse souvent mûrir le fruit de mes lectures avant de commencer un livre. Je ne prends pas de notes, car je pense que mon cerveau retient l’information dont il a besoin pour ce que je vais faire.

    Jusqu’à maintenant, vous avez publié six romans, un recueil de nouvelles et trois recueils de poésie. Comment voyez-vous ces différentes formes littéraires ? La poésie est-elle aussi importante pour vous que la narration ?

    J. U. : Je pense que la poésie demeure la forme littéraire la plus importante pour moi comme écrivaine et comme lectrice. J’aime me rappeler que, jusqu’à il n’y pas si longtemps encore, toutes les histoires et toutes les pièces, qu’elles proviennent de la tradition orale ou écrite, étaient écrites en vers. Les sagas islandaises, grecques, irlandaises. Cela est dû au fait que, avant l’alphabétisation de la vaste majorité, les vers rendaient la mémorisation plus facile. Mais je crois aussi que les gens savaient déjà que le style était essentiel à la création de la littérature, que la langue devait chanter sur la page.

    Vous avez été écrivaine en résidence à Toronto, Ottawa et Saint-Jean de Terre-Neuve. Est-ce que cela a eu une certaine influence sur votre travail d’écriture ?

    J. U. : J’ai beaucoup appris de mes résidences, surtout parce que j’ai ainsi été en contact avec des écrivains plus jeunes et plus libres que moi. La résidence la plus marquante toutefois, c’est celle de Saint-Jean en 1992. C’est là que non seulement j’ai pu compléter La foudre et le sable grâce aux archives et à la bibliothèque, mais aussi que mon intérêt pour Rockwell Kent a débuté. J’ai vu la maison où il a vécu à Brigus ; j’étais tellement passionnée par ce personnage qu’Ann Hart, une amie responsable du Centre for Newfoundland Studies, m’a trouvé du matériel très intéressant. La bibliothèque possédait en outre une formidable collection des écrits de Kent. C’est ainsi que La foudre et le sable a été achevé à Terre-Neuve et que Le peintre du lac y est né. De plus, un petit groupe de jeunes écrivains très talentueux se rencontraient chez moi une fois par semaine (je les voyais aussi individuellement) et c’était très stimulant pour une femme qui, jusqu’à ce moment-là, avait passé son temps à s’occuper de jeunes enfants ou à écrire enfermée toute seule dans une pièce. Certains de ces écrivains, notamment Lisa Moore et Michael Winter, ont maintenant atteint une belle renommée.

    Vous êtes Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en France où votre première publication a obtenu un prix prestigieux et où vos romans sont toujours bien reçus. Comment expliquer ce succès dans l’Hexagone alors que vous restez encore peu connue des lecteurs québécois ? Dans cette même perspective, pourquoi d’après vous les lecteurs anglophones et francophones du Canada connaissent-ils si peu la littérature écrite dans l’autre langue officielle ?

    J. U. : Il y avait là (et heureusement, ça tend à diminuer) une problématique liée au colonialisme. Jusqu’à tout récemment, mes livres étaient publiés en France puis exportés au Québec et dans les communautés francophones du Canada. Ce long processus faisait en sorte que les livres arrivaient tard sur le marché – quand ils y arrivaient tout court. Ce n’est qu’à partir du moment où j’ai commencé à publier aux Éditions des deux terres en France que quelqu’un a pensé à vendre les droits à un éditeur québécois, et j’ai maintenant un éditeur formidable (Fides) qui ne ménage pas ses efforts pour me faire connaître des lecteurs francophones.

    Pour des raisons qu’eux seuls connaissent, les éditeurs canadiens-anglais publient fort peu de traductions d’œuvres d’écrivains du Québec ou d’autres régions francophones au pays. Peut-être est-ce dû au fait qu’un très grand nombre d’éditeurs canadiens-anglais sont des filiales de géants américains ? D’une façon ou d’une autre, c’est une grande perte pour tout le monde.

    Ce qui est aussi le cas en ce qui concerne le refus des éditeurs français, en dépit du fonds du gouvernement fédéral, d’engager des traducteurs québécois ou francophones du Canada pour traduire le nombre de plus en plus important de livres écrits par des Canadiens anglais. Depuis une vingtaine d’années, la plupart de mes livres sont traduits par la même traductrice française, Anne Rabinovitch ; elle est devenue mon amie, et je ne pourrais ni ne voudrais en changer (même si j’avais ce pouvoir – selon mon expérience, le choix du traducteur appartient au seul éditeur). Mais de nouveaux livres d’auteurs canadiens-anglais sont sans cesse publiés en France, et je crois que notre ministère des Affaires étrangères devrait investir encore plus d’efforts pour que les éditeurs français engagent des traducteurs québécois et canadiens-français.

    Vos personnages sont très souvent des immigrants, parmi lesquels certains, surtout des premiers arrivants, restent très attachés à leurs racines. Les Canadiens doivent-ils encore définir ce que c’est que d’être ou de devenir un Canadien ?

    J. U. : Mis à part les Premières Nations, le Canada est en effet un pays d’immigrants. Je crois que notre « manque de définition » est une bonne chose parce qu’il permet justement ces multiples versions dont je parlais précédemment, qu’il nous permet de mieux nous adapter au changement et d’être moins enclins à imposer aux autres notre façon de voir les choses – ou ce qu’elles devraient être.

    Les auteurs canadiens-anglais ont-ils eu de la difficulté à s’inscrire au sein de la littérature de langue anglaise, en particulier américaine et britannique ?

    J. U. : Au début, oui, je crois que la littérature canadienne a eu du mal à être prise au sérieux tant par « Mère Angleterre » que par « Père États-Unis ». Il y a d’ailleurs un roman britannique écrit dans les années 1930 par l’humoriste P.G. Wodehouse dans lequel toute la trame comique tourne autour de l’idée suivante : existe-t-il quelque chose d’aussi absurde qu’un poète canadien ? Mais cela a changé. Des écrivains tels que Margaret Atwood ont réussi à se glisser entre les mailles et nous avons eu par la suite de meilleures chances qu’on s’intéresse à nous. De plus, il y a maintenant des écrivains venus de partout qui vivent et écrivent au Canada, ce qui enrichit et dynamise notre littérature. Une littérature à laquelle désormais le monde porte attention.

     


    Œuvres de Jane Urquhart traduites en français :
    Romans : Ciel changeant(Changing Heavens), trad. de Sophie Mayoux, Éditions Maurice Nadeau, 1993; La foudre et le sable (Away)trad. d’Anne Rabinovitch, Albin Michel, 1995 ; Le peintre du lac (The Underpainter)trad. d’Anne Rabinovitch, Albin Michel, 1998 ; Niagara(The Whirlpool), trad. d’Anne Rabinovitch, « Points », Seuil, 2005 ; Les amants de pierre (The Stone Carvers), trad. d’Anne Rabinovitch, Fides, 2005 ; Les rescapés du Styx (A map of glass), trad. d’Anne Rabinovitch, Fides, 2007.
    Nouvelles : Verre de tempête (Storm Glass), trad. de Nicole Côté, L’instant même, 1997.
    Poésie : Les petites fleurs de Madame de Montespan (The little flowers of Madame de Montespan), trad. de Nicole Côté, Triptyque, 2000.

     

     

     

     

     

  • François Augérias (1925-1971)

    François Augérias (1925-1971)

    Qu’était au juste François Augiéras (1925-1971) : un médium, un déséquilibré, un précurseur génial ou un anticonformiste suspect ? Individu tout aussi flamboyant qu’inclassable, il mena du même souffle sa démarche créatrice et son aventure spirituelle.

    Écrivain, peintre, mystique sensuel et nomade, il mourut des suites d’un infarctus à seulement quarante-six ans. « On ne fréquente pas impunément les étoiles », observe à son propos le romancier et biographe Jean Chalon, son admirateur et son ayant droit, qui ne lésine pas sur les superlatifs : Augiéras . . .

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  • Au nom de tous les miens de Martin Gray

    Au nom de tous les miens de Martin Gray

    De nos jours, on visite le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau en silence. Comment se frotter à l’insoutenable sans une boule dans la gorge ? Ces baraques, ces barbelés, ce chemin de fer sur lequel les locomotives, pendant la Seconde Guerre mondiale, déversaient leur bétail humain qu’on dirigeait directement vers les chambres à gaz sous prétexte de leur faire prendre une douche. Comment oublier ces contenants remplis de cheveux, boucles d’or, tresses ou mèches grises, ces milliers de paires de souliers usés, immobilisés brutalement sur le chemin du destin ? Un destin innommable . . .

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  • La fatigue politique du Québec français (II)*

    L’indépendance est une notion de l’esprit.
    Hubert Aquin

    Les peuples, tout comme les hommes qui les composent, ont parfois de ces rêves qui les incitent à se dépasser, à vivre en quelque sorte, pour un temps, au-delà de leurs possibilités habituelles. Chacun d’eux paraît alors destiné à devenir plus que lui-même en ce qu’il vise à atteindre un idéal. Il arrive aussi que des rêves semblables, en d’autres circonstances, conduisent à un affaissement de soi, que ce soit dans la mauvaise . . .

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  • Aki Shimazaki : Ce qu’on ne peut pas dire (entrevue)

    Aki Shimazaki : Ce qu’on ne peut pas dire (entrevue)

    En 1999, une Japonaise d’origine faisait une entrée remarquée dans l’univers de la littérature québécoise avec Tsubaki, écrit dans une langue d’adoption qu’elle ne maîtrisait pas encore.

    Six ans plus tard, elle obtenait le prix du Gouverneur général du meilleur roman en français pour Hotaru qui clôturait son premier cycle romanesque en cinq volumes d’une centaine de pages chacun. Aki Shimazaki poursuit désormais cette œuvre singulière qui, à travers les destins entrecroisés de . . .

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  • Marguerite Duras : Objet de fascination et sujet d’équivoque

    Marguerite Duras : Objet de fascination et sujet d’équivoque

    L’auteure de L’amant a savamment entretenu son mythe personnel, tant dans son œuvre que dans sa façon de vivre. Si bien qu’il est parfois impossible de savoir où commence la « vérité » et où finit la fiction. Mais est-il besoin de trancher, et n’est-ce pas, au départ, un faux débat ? Quoi qu’il en soit, ayant vécu pour l’écriture, écrit sur sa vie et à partir de sa vie, Marguerite Duras fait couler encore beaucoup d’encre.

    L’année 2006, qui marquait le . . .

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  • Enjeux et défis : Le Québec et ses environnements

    Romans ou essais, appropriations de l’histoire ou de l’actualité, une multitude de livres récents aident à situer le Québec dans le temps, l’espace, la vie des cultures et des nations.

    Miroirs et comparaisons


    Florian Sauvageau, David Schneiderman et David Taras
    LA COUR SUPRÊME DU CANADA ET LES MÉDIAS
    À QUI LE DERNIER MOT ?
    Presses de l’Université Laval, Québec, 2006, 326 p. ; 30 $

    Dès le départ, question précise : ce sont les médias qui répercutent les décisions de la Cour suprême, mais leurs façons de le faire en favorisent-elles l’intelligence ? En termes mesurés, multipliant les vérifications et consultant les professionnels impliqués, les auteurs notent un fossé. D’une part, la presse, qui demande à ses généralistes de résumer une décision judiciaire aux connotations codées, résume souvent mal la pensée des magistrats. D’autre part, il serait futile d’espérer que les médias investissent temps et argent dans la « couverture » d’un tribunal qui parle à son rythme et dans sa langue. D’où – il fallait y penser ! – l’idée de loger entre la Cour et les médias un personnage rompu aux subtilités judiciaires et capable de les faire percevoir aux journalistes. L’enquête dont ce bouquin révèle la substance n’est modeste qu’en apparence.


    Roméo Bouchard
    Y A-T-IL UN AVENIR POUR LES RÉGIONS ?
    UN PROJET D’OCCUPATION DU TERRITOIRE
    Écosociété, Montréal, 2006, 224 p. ; 22 $

    Les valeurs que défend depuis toujours Roméo Bouchard sont de celles que bousculent les engouements présents. Si la fébrile évaluation moderne impose sa logique immédiate et quantitative, les régions ont, en effet, tout à craindre. Elles demandent pourtant bien peu. Avant tout, qu’on cesse de les piller. Puis, que les réformes, qui ont secoué l’administration municipale, rejoignent aussi les régions excentriques pour leur faciliter des regroupements sur mesure. Ce que les grands centres obtiennent en promettant des économies d’échelle, les régions devraient en bénéficier au nom de la nécessité pour une société d’occuper la totalité de son territoire et de laisser vivre différents modèles. Concrètement, cela veut dire permettre aux régions « d’avoir la parole et les pouvoirs nécessaires pour exercer une gestion intégrée de leur territoire respectif », favoriser « la mise en place d’un modèle d’économie régionale basé sur les ressources et les caractéristiques propres de ces régions », assurer « une offre de services qui garantisse aux régionaux une qualité de vie comparable à celles des régions urbaines et aux régions concernées une force d’attraction suffisante ». Impossible ? Utopique ? La volte-face gênante que l’histoire vient d’infliger aux gouvernements dits supérieurs à propos de Mirabel devrait les rendre prudents.


    Sous la dir. de Jean Crête
    POLITIQUES PUBLIQUES : LE QUÉBEC COMPARÉ
    Presses de l’Université Laval, Québec, 2006, 285 p. ; 35 $

    Toute comparaison cloche, dit le proverbe. Elles sont pourtant utiles. À condition, dit un autre cliché, que les pommes se mesurent à des pommes. À condition, en plus, que la comparaison soit éclairante. Les parallèles effectués par l’équipe de Jean Crête résistent presque tous à ce double test. Parmi les plus fascinants, l’un porte sur la gestion des matières résiduelles, un autre sur la compétence civique. Dans le premier cas, on découvre que le Québec s’intéresse au recyclage, mais assez peu au volume des matières résiduelles ! Quant aux comparaisons d’Henry Milner entre le Québec, le Canada et d’autres pays, elles ne justifient ni la dépression ni la complaisance. « De façon générale, les Québécois s’intéressent davantage à la politique et sont plus engagés dans les partis et les syndicats que les Canadiens des autres provinces », mais « le niveau de participation aux organisations bénévoles est sensiblement plus faible dans le Québec qu’ailleurs au Canada ». D’autres comparaisons laissent le lecteur sur sa faim. Il est vrai que le Collège des médecins, qui compte quatre représentants du public parmi les vingt-huit membres de son conseil, « n’apparaît donc pas comme un lieu de délibération qui admet une large éventail d’opinions », mais pourquoi oublier que jamais les représentants du public n’ont fait rapport à ce public ? De même, l’étude portant sur « l’utilisation de la recherche universitaire dans la fonction publique fédérale et provinciale au Québec et en Ontario » conclut qu’elle est sous-utilisée, mais escamote une hypothèse délicate : cette recherche manque-t-elle de pertinence ?


    Joseph Facal
    VOLONTÉ POLITIQUE ET POUVOIR MÉDICAL
    LA NAISSANCE DE L’ASSURANCE-MALADIE AU QUÉBEC ET AUX ÉTATS-UNIS
    Boréal, Montréal, 2006, 353 p. ; 29,95 $

    Travail ambitieux et utile que celui de comparer les genèses des régimes d’assurance-santé du Québec et des États-Unis. Rares sont ceux qui refermeront le bouquin de Joseph Facal en n’y ayant rien appris. La recherche, en effet, est méticuleuse, sereine, attentive aux parentés comme aux dissemblances. Honnête, l’auteur torpille lui-même plusieurs des hypothèses du départ. Dans tel cas, le hasard fait mieux que les stratégies plus songées. Dans tel autre, la réforme survit au manque de charisme du « porteur de ballon ». Joseph Facal dégage quand même avec force deux constats peu enthousiasmants. D’une part, les deux réformes ont été interceptées par la profession médicale. D’autre part, le résultat final ressemble peu au projet initial. Si, malgré tout, le modèle québécois a mieux défendu l’idéal du départ, c’est que la profession médicale est un peu plus fragmentée en terre québécoise. On affectera d’un bémol les louanges que Joseph Facal déverse sur Claude Castonguay. Il eut le mérite de proposer une réforme et le tort de la revoir à la baisse. Le ministre Castonguay s’est largement dissocié du rapport Castonguay.

    Un Québec sollicité par le large

    Le Québec revendique depuis déjà longtemps une place sur la scène internationale. Plusieurs ouvrages récents en font foi.


    André Patry
    LE QUÉBEC DANS LE MONDE
    1960-1980
    Typo, Montréal, 2006, 151 p. ; 19,95 $

    Bien que remaniée, l’édition 2006 du classique d’André Patry remet en lumière un document capital sur la diplomatie québécoise. Patry sait de quoi il parle et parle sans détour. Il remonte à 1816 et rappelle que le Bas-Canada ouvrit alors une agence à Londres. Il rigole en racontant les premiers gestes d’Ottawa, en 1960, en faveur de la francophonie : « Herbert Moran, ancien haut-commissaire au Pakistan, est unilingue et peu réceptif à la sensibilité latine. Mais c’est un homme diligent et méthodique, et il finira avec le temps par accorder une attention sérieuse à ce programme francophone ». Même mordant au moment de jauger tel régime : « Cet intérêt se maintiendra sous le gouvernement suivant, malgré la politique incohérente et souvent incompréhensible du gouvernement canadien envers les pays de cette région ». « L’Afrique, précise Patry, demeure l’entrepôt du fédéralisme canadien. Partout des verrous. On croirait que le salut de la constitution canadienne, dans sa version victorienne, se joue quelque part entre Nouadhibou et Curepipe. » Documenté et délectable.


    Sous la dir. de Stéphane Paquin
    HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES DU QUÉBEC
    VLB, Montréal, 2006, 365 p. ; 29,95 $

    L’admiration s’impose tant foisonnent les angles d’observation. Certains dossiers, comme celui de l’ACCT ou du « Vive le Québec libre ! », se renouvellent peu, mais d’autres ont la fraîcheur du peu familier. Ainsi, « le retour du Québec en Chine », « la bataille de Londres » lors du rapatriement de la constitution canadienne, « la diplomatie préréférendaire » animée par Jacques Parizeau et bonifiée par Valéry Giscard d’Estaing… La doctrine Gérin-Lajoie (qui provient pour une part d’André Patry) bénéficie d’un acte de naissance plus fidèle à la vérité historique. Des personnes au rôle ignoré, comme John Ciaccia, reçoivent leur dû.

    Ce survol des relations internationales du Québec prouve à la fois la constance du projet québécois et l’irascibilité du gouvernement central. Pas question que le Québec s’exprime sur la scène internationale, même si, à toutes fins utiles, les Cris purent défendre leur cause jusqu’à la porte de l’ONU. La doctrine Gérin-Lajoie, bien que portée par tous les gouvernants québécois, tarde à produire ses fruits.


    Sous la dir. d’Alain-G. Gagnon
    LE FÉDÉRALISME CANADIEN CONTEMPORAIN
    FONDEMENTS, TRADITIONS, INSTITUTIONS
    Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2006, 603 p. ; 44,95 $

    Présumant que le moderne se ressent des aléas de sa naissance, ce remarquable ouvrage collectif s’ouvre sur « la genèse de l’idée fédérale chez les pères fondateurs américains et canadiens ». Il terminera son parcours en zone d’actualité : « Les villes dans le système intergouvernemental canadien », « Vers un fédéralisme postcolonial ? », « Les modèles asymétriques au Canada et en Espagne ». Imperturbables, deux orientations s’affrontent. D’une part, Québec veut assumer partout les responsabilités qui sont siennes à l’intérieur du Canada ; d’autre part, le fédéralisme à la Trudeau réserve au seul gouvernement central le droit de parler. La question émerge : que reste-t-il du fédéralisme ?

    Les mérites de ce travail sont nombreux. Le premier est de verser un contenu dans les termes dont usent les médias sans en préciser les contours. Le déséquilibre fiscal cesse d’être une nébuleuse. L’union sociale canadienne devient un enjeu défini. À l’inverse, le fameux « pouvoir de dépenser » doit avouer son absence dans les textes constitutionnels. Un deuxième mérite, c’est celui d’une franchise affranchie de la rectitude politique. Le texte d’Andrée Lajoie, « Le fédéralisme au Canada : provinces et minorités, même combat », en témoigne : « Il s’agit donc d’un envahissement par les autorités fédérales des compétences provinciales – ou, dans le cas de partenariats imposés, d’une vente au secteur privé des compétences provinciales par les autorités fédérales ».


    Frédéric Bastien
    LE POIDS DE LA COOPÉRATION : LE RAPPORT FRANCE-QUÉBEC
    Québec Amérique, Montréal, 2006, 275 p. ; 24,95 $

    Le précédent ouvrage de Frédéric Bastien avait fourni une précieuse évaluation des relations France-Québec. Les faits étaient nets, les affirmations étayées, les coups de griffes mesurés. Malgré ses mérites, le nouvel ouvrage n’égale pas le « coup d’essai ».

    Le vocabulaire souffre d’inflation. Certes, la France succombe rarement au complexe d’infériorité, mais parler de « messianisme français » est excessif. Coquilles et distractions déparent le bouquin. Saint-Bruno devient Saint-Briens, le consulat français de Québec naît en 1850 plutôt qu’en 1859, la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec (CRÉPUQ) devient le CRÉPUQ et regrouperait les « recteurs des établissements d’enseignement professionnel et des Universités du Québec ». On regrettera des expressions comme « un dénommé Laurent Fabius » ou « l’ineffable Pierre Pettigrew ». Ce n’est pas le lieu.

    Frédéric Bastien, fort du succès mérité de son premier livre, passe ici à la vitesse supérieure, celle où les jugements de valeur s’ajoutent aux comptes rendus. Ce n’est pas un mal, à condition que les opinions soient mieux fondées que celles qui concernent Jean Charest ou Anne Légaré. Pour ces motifs, je préfère le chroniqueur à l’éditorialiste.


    Sous la dir. d’Yvan Lamonde et Didier Poton
    LA CAPRICIEUSE (1855) : POUPE ET PROUE
    LES RELATIONS FRANCE-QUÉBEC (1760-1914)
    Presses de l’Université Laval, Québec, 2006, 379 p. ; 32 $

    « Lieu de mémoire », malentendu voulu ou prétexte à colloque, l’arrivée de la corvette française La Capricieuse dans le Saint-Laurent en 1855 fait penser à l’auberge espagnole. L’événement illustre le changement survenu dans les relations Paris-Londres : les belligérants sont devenus partenaires. À condition d’y mettre les formes, un pavillon français dans les eaux canadiennes ne cause aucun souci à Londres. Et sur les formes, Paris ne lésine pas : dix fois plutôt qu’une, le commandant de La Capricieuse est avisé que le commerce seul motive son expédition. Les Québécois, eux, liront l’événement comme un signe d’affection de leur oublieuse métropole.

    L’occasion permettait de dire que, malgré l’anémie du commerce entre Paris et Québec, le siècle d’absence avait permis des fréquentations. Oui, l’imprimé circulait. Oui, lettrés et libraires se visitaient. Oui, les demandes québécoises recevaient bon accueil dans les banques françaises. Par contre, il n’est pas dit que les Québécois avaient bien compris 1789. Les communautés religieuses françaises, de vieille souche ou de création récente, en avaient profité pour s’implanter au Québec. Le dossier étoffé de Guy Laperrière le démontre sans insister sur La Capricieuse

    Qui compose la Cité ?


    Martin Pâquet
    TRACER LES MARGES DE LA CITÉ
    ÉTRANGER, IMMIGRANT ET ÉTAT AU QUÉBEC, 1627-1981
    Boréal, Montréal, 2005, 317 p. ; 25,95 $

    Dans une langue où rivalisent rigueur et élégance, Martin Pâquet raconte trois cent cinquante ans d’histoire. D’entrée de jeu, la visière est levée. Il entend « préciser les contours de l’objet étudié – la formation de la pensée d’État -, le terrain d’enquête privilégié – l’histoire de la culture politique au Québec entre 1627 et 1981 -, ainsi que la méthodologie de l’enquête – celle de l’anthropologie historique ». L’auteur tiendra parole.

    Au début, monarchie oblige, l’allégeance définit l’individu. Dépend-il de tel roi qu’il en devient le sujet. Sont du coup rejetés ceux dont l’allégeance va à un autre. Heureusement (?), la guerre peut modifier le cours des choses : « […] la capitulation transforme instantanément la nature des individus ». Tel est le sens des serments exigés : ils légitiment les changements d’allégeance et remodèlent la Cité. L’étape suivante changera le tamis. « À la fin des guerres napoléoniennes, écrit Pâquet, les autorités coloniales du Bas-Canada ne catégorisent plus l’étranger selon la nature théologico-politique de l’allégeance au souverain. Désormais, elles privilégient l’origine, le lieu de naissance, critère jugé plus objectif et plus rationnel. » Si la Cité veut gonfler ses effectifs, elle choisira ceux qui épousent ses valeurs. Pâquet use d’une formule lapidaire : « En matière d’immigration, l’État a plus de gésier que de cœur ». Les critères fluctuent, la Cité demeure sélective.

    Synthèse aussi ample que nuancée, charnières justifiées, vocabulaire raffiné et savoureux. Le bouquin se referme sur un hommage mérité à l’ex-ministre Jacques Couture, un humain allergique à l’exclusion. Une prochaine édition rendra le prénom de leur enfance aux ministres Mario Cardinal (alias Jean-Guy, p. 199) et à Antonio Rivard (alias Antoine, p. 181).


    Guillaume Rousseau
    LA NATION À L’ÉPREUVE DE L’IMMIGRATION
    LE CAS DU CANADA, DU QUÉBEC ET DE LA FRANCE
    Du Québécois, Québec, 2006, 158 p. ; 18,95 $

    Le bouquin est court, articulé, documenté, capable de mémoire autant que d’audace. Il tombe pile pour étoffer le débat qui oppose, soit dit avec simplisme, homogénéité et multiculturalisme. Entre les deux, Québec navigue. « La spécificité du modèle québécois semblait découler du fait qu’il était animé par une volonté pragmatique de concilier autant que possible tous les droits, alors que l’intégration républicaine faisait primer le principe abstrait de la laïcité et que le multiculturalisme renforçait la liberté de religion au point où elle prenait le pas sur les autres droits. » Accommodements raisonnables ?

    Rousseau ne se berce pas d’illusions. Astreindre le palier collégial à la loi 101 n’est pas chose faite. Réduire les subventions aux écoles privées non plus. La clarté et le professionnalisme de l’auteur imposent pourtant le respect. Son insistance sur le volet linguistique prouve qu’à ses yeux la langue est le plus puissant facteur de cohésion sociale. Admettons-le, en rappelant, à partir du résultat français, que d’autres forces ont contribué à imposer l’homogénéité. Le service militaire par exemple.


    Chantal Théry
    DE PLUME ET D’AUDACE
    FEMMES DE LA NOUVELLE-FRANCE
    Triptyque, Montréal/Cerf, Paris, 2006, 252 p. ; 25 $

    Grâce à des enquêtes comme celle-ci, les femmes de la Nouvelle-France, y compris les religieuses, reçoivent leur dû. On ne pourra plus considérer les immenses figures féminines de la colonie comme de dociles satellites gravitant autour des gouverneurs, des évêques et des cols romains. Construire, gérer, éduquer, soigner, éditer, résister aux hiérarchies, voilà qui leur vaudrait aujourd’hui l’admiration des chantres de l’entrepreneurship.

    Cela dit, était-il nécessaire, pour ajuster la balance, de tant enlaidir les mâles de l’époque ? Mgr de Laval ou Frontenac n’étaient-ils pas assez antipathiques ? Puisque l’époque avalisait la vanité masculine, comment reprocher au narrateur immergé dans ce temps l’idée de nommer les mâles en premier ? D’ailleurs, que valent les griefs entretenus contre tel jésuite si les religieuses assènent des verdicts aussi radicaux ? « Les hospitalières, nous dit-on, seront très sévères à l’égard de celles (de leurs compagnes) qu’elles considèrent comme des déserteurs. » Terme terrible. Quand un Iroquois soigné à l’hôpital coince une femme entre une porte et une armoire, il faut, certes, compatir, mais le commentaire qui suit fait sursauter : « On évoque plus volontiers les martyrs jésuites que le lourd tribut humain payé par les hospitalières ». Quant à la spiritualité de Marie Guyart, la prudence suggérerait une voie mitoyenne entre un dédain qu’elle ne mérite pas et l’endossement d’un mysticisme parfois bizarre.

    Lectures et relectures


    Jacques Cardinal
    LA PAIX DES BRAVES
    UNE LECTURE POLITIQUE DES ANCIENS CANADIENS DE PHILIPPE AUBERT DE GASPÉ
    XYZ, Montréal, 2005, 207 p. ; 24 $

    En un sens, Philippe Aubert de Gaspé n’a que lui à blâmer si son roman a été sous-estimé : il s’est lui-même déprécié ! Jacques Cardinal fait donc œuvre utile en remettant en lumière l’essentiel de son propos. Car, plus qu’une évocation passéiste, Les anciens Canadiens constitue un appel pressant à la réconciliation. Maints arguments y militent en faveur du pardon : le jeune Écossais qui a incendié le manoir devait ou obéir ou déserter, il avait sauvé la vie d’un membre de la famille, il avait obtenu de l’occupant anglais un sursis pour la famille dépossédée, il était, en plus, catholique…

    L’art de Philippe Aubert de Gaspé, ce fut de rendre désirable le retour des belligérants au respect et même à l’amitié. Celui de Cardinal, c’est de ranimer, au creux d’un roman qui risquait le sort d’un reliquaire, l’utopie qui motivait Philippe Aubert de Gaspé. Cardinal ne prétend pas avoir été le seul à avoir bien lu ; on lui doit d’avoir protégé le message contre la distorsion.


    Sous la dir. de Mounia Benalil et Janusz Przychodzen
    IDENTITÉS HYBRIDES
    ORIENT ET ORIENTALISME AU QUÉBEC
    Université de Montréal, Montréal, 2006, 202 p. ; 20 $

    L’Orient existe-t-il dans l’imaginaire québécois ? La réponse, chez la plupart d’entre nous, serait évasive. Pourtant, à la lecture de ce collectif, le Québec se révèle souvent touché par l’Orient. Les responsables de ce bilan ont eu l’intelligence de demander aux différents auteurs un éclairage circonscrit plutôt qu’une complémentarité artificielle. Missionnaires et diplomates ont fréquenté un Orient différent de celui qui a pu inspirer Borduas. Le  de Robert Lepage a exigé la plongée dans le théâtre japonais, tandis que les auteurs Ying Chen, Guy Parent, Ook Chung et Aki Shimazaki situent leurs Chinatown à leur gré ou, tout simplement, loin de tout cadastre. Naïm Kattan, juif francophone élevé à Bagdad, construit, pour lui et pour nous, un espace culturel préoccupé du réel, du temps et de l’Autre. « On est toujours l’Oriental de quelqu’un », aime-t-il à dire. Victor Teboul, juif de culture arabe, proposera sa propre réflexion identitaire. Les nouvelles de Marie José Thériault et la poésie de Serge Patrice Thibodeau renforceront une conviction qui s’est ancrée au fil des pages : l’Orient, concret ou imaginé, n’est pas si loin.

    Univers juifs


    Malka Zipora
    LEKHAIM !
    CHRONIQUES DE LA VIE HASSIDIQUE À MONTRÉAL
    Trad. de l’anglais par Pierre Anctil
    Du passage, Outremont, 2006, 173 p. ; 19,95 $

    Le livre respecte le sous-titre. Deux douzaines de chroniques racontent avec un bel humour maternel la vie hassidique à Montréal. Les discussions ? Elles portent sur la transmission des vêtements, les embouteillages autour du téléphone, les célébrations rituelles des fêtes qui ponctuent l’année… N’importe quelle famille se reconnaîtra dans ces textes de quatre ou cinq pages chacun. À une exception : la vie hassidique maintient la foi juive au cœur du quotidien et aucune dérogation ne semble en vue. S’il faut deux fours pour séparer produits carnés et produits lactés, il y aura deux fours. Si le rappel de la traversée du désert exige que la souca, abri de fortune, soit érigée chaque année, la famille la construira. « Il y a peu de chances, écrit l’auteure sans jamais douter de son droit, que les gens d’Outremont perçoivent dans ‘la chose’ plus qu’un amas de détritus, surtout après ces huit jours durant lesquels la cabane a déparé le quartier. » En quatrième de couverture, la justification se suffit : « Nous vivons, si je puis me permettre cette métaphore, les rideaux fermés sur le monde extérieur ». Même le lecteur qu’impatienterait l’avalanche de termes empruntés à un autre univers ne peut que sourire quand les rideaux s’entrouvrent.


    Marc-Alain Wolf
    KIPPOUR
    Triptyque, Montréal, 2006, 266 p. ; 23 $

    Écrivain réfléchi et pénétrant, Marc-Alain Wolf passe pour la première fois de l’essai au roman. Il y investit son sens de la nuance, l’aptitude à juxtaposer des sensibilités diverses, l’art de moduler le rythme stylistique. Dès le départ, Wolf fournit ce qui est (peut-être) une clé : « Il a lu dernièrement, dans un magazine littéraire, un article mentionnant que Stendhal écrivait pour faire taire la parole des autres en lui. […] Faire taire en soi la parole des autres. La voix des autres. Mais de qui au juste ? » Lorsque, quelques pages plus loin, le narrateur s’identifie, on mesure le défi : « C’est à dix-neuf heures quinze, le dimanche 15 septembre 2002, que Zaccharias Lemieux, accompagné de ses deux enfants, pénétra dans le sanctuaire principal de la synagogue hispano-portugaise. La Spanish and Portuguese ». Un Zaccharias juif, un Lemieux québécois, une synagogue perpétuant à Montréal une foi enracinée dans la péninsule ibérique, « la parole des autres » en a beaucoup à dire. Comme Lemieux, à l’exemple de Wolf, est psychiatre, il n’a besoin de personne pour cultiver les interrogations. Pourquoi respecter le Kippour ? Et pourquoi « déteste-t-il tant son nom » ?

    L’écriture choisie par Wolf est fiévreuse. Les phrases sont souvent brèves, syncopées, dispensées de rattachement. La culture du psychiatre s’insinue pour évoquer le lien possible entre son intérêt professionnel pour l’Alzheimer et l’exigeante mémoire juive. Elle rappelle aussi le cruel diagnostic de Lacan sur le Nom de la mère. Étrange et prenant. Vertigineux et honnête.

    Univers amérindiens


    Sous la dir. d’Anna Paola Mossetto et Isabelle Miron
    PAROLES ET IMAGES AMÉRINDIENNES DU QUÉBEC
    Pendragon, Bologne, 2005, 167 p.

    En lisant le compte rendu du séminaire tenu en 2004 au Centro Interuniversitario di Studi Quebecchesi de l’Université de Bologne et intitulé Paroles et images amérindiennes du Québec, le lecteur nord-américain devra contenir son ambivalence. Que peut-on voir quand on regarde de si loin ? Pourtant, l’ouverture d’esprit est au poste et le recours est constant aux témoins fiables que sont Rémi Savard, Serge Bouchard, Jean-Jacques Simard, Bernard Assiniwi ou Michel Noël. Il n’en demeure pas moins que Lévy-Strauss n’a pas fait disparaître la propension aux certitudes ethnocentristes. « […] je suis convaincue, écrit une auteure européenne, que la distance permet de regarder les choses et les événements de façon plus objective. De loin, on peut plus facilement comparer, car l’implication émotive est moindre. » Peut-être. Que le doute demeure permis. On peut même sourciller, en pensant à Riel et au pays que les Métis croyaient se construire au Manitoba, en lisant ceci : « Le Canada en général et le Québec n’ont pas connu la triste expérience des guerres indiennes de la fin du XIXe siècle qui a au contraire marqué les États-Unis et d’autres lieux latino-américains ».

    Ne doutons pas du professionnalisme d’un tel séminaire, mais sachons que la pire illusion consiste à croire qu’on les a toutes vaincues.


    Maurizio Gatti
    ÊTRE ÉCRIVAIN AMÉRINDIEN AU QUÉBEC
    INDIANITÉ ET CRÉATION LITTÉRAIRE
    Hurtubise HMH, Montréal, 2006, 218 p. ; 24,95 $

    Maurizio Gatti me surprendra toujours. Le préfacier François Paré, toujours sensible aux « littératures de l’exiguïté », vante sa contribution : « […] c’est un Italien de naissance, venu étudier le Québec par le biais de ses marges, qui nous aura aussi fait découvrir de nombreux autres auteurs autochtones ». Or, Gatti persiste. Tantôt par de nouveaux chantiers, tantôt en creusant des intuitions déjà offertes à la discussion. Cette fois encore, il cherche à « typer » l’écrivain autochtone. « Est-ce par une exigence personnelle, un choix politique, une contrainte éditoriale, une demande des lecteurs ? » Gatti choisit ses parallèles. Comparer la littérature amérindienne anglophone et celle qui se crée en français au Québec ne le séduit pas. En revanche, Charles Taylor l’intéresse, car il interroge à la fois l’identité collective et celle de l’individu. Avec minutie, l’auteur décortique la Loi sur les Indiens. De même, il réfère souvent à Albert Memmi, à ses observations sur les stratégies coloniales et au risque que courent certains Amérindiens d’assumer le portrait créé d’eux par les Européens. Il débouche ainsi, en bonne logique, sur une large gamme de « stratégies de consécration ». Certaines semblent prometteuses, d’autres plutôt problématiques.


    Arnaud Balvay
    L’ÉPÉE ET LA PLUME
    AMÉRINDIENS ET SOLDATS DES TROUPES DE LA MARINE EN LOUISIANE ET AU PAYS D’EN HAUT (1683-1763)
    Presses de l’Université Laval, Québec, 2006, 345 p. ; 40 $

    Le titre, malgré sa précision et peut-être à cause d’elle, risque d’effrayer. Ce serait dommage, car Arnaud Balvay livre avec clarté et rigueur une masse d’informations rarement regroupées. Il rattache (mieux que notre nombrilisme québécois) la Louisiane et le Pays d’en Haut. Il évalue les stratégies d’occupation et surtout les forts. Il constate que la France ne cherche pas l’implantation. Quant aux troupes expédiées par la France, Balvay est net : « […] les militaires envoyés par la France en Amérique du Nord entre 1683 et 1755 appartiennent tous aux troupes de la marine ». C’est à eux d’abord que l’auteur s’intéresse. Ces soldats vivront longuement dans des endroits secoués par tous les commerces. Ils sont si mal approvisionnés qu’ils doivent tout aux Autochtones. La traite, plus qu’une preuve de cupidité, est une condition de survie. Mariages, unions « à la mode du pays » et métissages s’ensuivront. Les missionnaires regardent ailleurs ou régularisent les choses… un ou deux enfants plus tard. Même les stratégies militaires se compénètrent, jusqu’à ce que la « petite guerre » à l’indienne et la « grande guerre » à la Montcalm s’emboîtent. Malgré l’osmose, certains traits marquent toujours la société autochtone. Balvay fait voir que jamais l’Autochtone ne renonce à son autonomie. Les chefs autochtones paraissent inutiles à Vaudreuil, car « ils n’ont aucun pouvoir coercitif sur leurs concitoyens et sont donc incapables de relayer les ordres qu’ils pourraient recevoir des Français ».

    Le travail de Balvay est de ceux devant lesquels on s’incline en hochant la tête : « Comment diable a-t-il fait ? »

    Sans oublier le Saint-Laurent


    André Morin et Christian Lamontagne
    VU DU LARGE
    LE SAINT-LAURENT AUX GRANDES EAUX
    Trois-Pistoles, Trois-Pistoles, 2006, 213 p. ; 59,95 $

    Ne lésinons pas : voici une merveille. C’est beau, intelligent, socialement utile, pressant sans catastrophisme, culturellement prenant et dépaysant, porteur de mythes, décloisonné jusqu’à la cohabitation des genres littéraires… Ce que montrait la série télévisée Vu du large, cet album en permet la sereine dégustation. Bienvenue dans l’univers de Magtogoëk le chemin qui marche, ce fleuve géant que fragilisent les abus humains ! Telle page est poésie, une autre plonge dans la mythologie, telle autre fait craindre la disparition de centaines d’espèces et le déferlement de la pollution meurtrière… Et toujours file le Sedna IV. Véritable pélerinage en hommage au fleuve-océan qui engendre un pays. Superbe.


     

     

     

     
  • Marcel Chaput et Pierre Bourgault : Deux hérauts de la souveraineté

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    Il est difficile d’imaginer deux êtres plus différents que Marcel Chaput et Pierre Bourgault. Autant le premier en tenait pour l’argumentation minutieuse, autant l’autre se laissait guider, voire emporter par l’émotion. Ils vouèrent pourtant le même culte à la souveraineté. Ils partagèrent aussi, ce qui facilita leur collaboration, un égal respect pour André d’Allemagne, homme de fermeté autant que de souplesse, de clarté autant que de patience. Notons les différences d’âge : Chaput naît en 1918, d’Allemagne en 1929, Bourgault en 1934. En termes politiques, ils appartiennent à des . . .

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  • Monique Bosco : La femme meurtrie

    Monique Bosco : La femme meurtrie

    Auteure d’une œuvre importante comme romancière, nouvelliste, poète et essayiste, Monique Bosco – décédée en mai 2007 – a reçu du Québec en 1996 le prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre. Déjà en 1961, elle recevait le prix américain First Novel Award, pour son premier roman, Un amour maladroit. Suivirent, en 1971, le prix du Gouverneur général du Canada pour La femme de Loth et le prix de poésie Alain-Grandbois pour Miserere (1991). Monique Bosco n’a pas . . .

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  • Bibliographie : Littérature mexicaine (en traduction française)

    A

    Luis Aguilar (1969-)

    Nappe jaune avec imprimé aux tulipes, traduit de l’espagnol par Françoise Roy, Écrits des Forges, 2005.

    Rudolfo Anaya (1937-)

    Sous le soleil de Zia, traduit de l’américain par Simone Pellerin, roman policier, Albin Michel, 1996.

    Luis Alberto Arellano (1976-)

    D’oiseaux racines le désir

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