Auteur/autrice : Neal

  • Dictionnaire biographique Guérin, un nouveau dictionnaire : Apports et limites

    Dictionnaire biographique Guérin, un nouveau dictionnaire : Apports et limites

    Au printemps 1998, les romanciers et essayistes Claude et Jacques Lamarche ont accepté la proposition de l’éditeur Guérin de « rédiger une biographie concise de toutes les personnes (décédées) qui, depuis la découverte du Canada, ont marqué l’histoire du pays ». À cet effet, ils ont consulté une vingtaine d’ouvrages généraux et spécialisés publiés au Québec depuis un demi-siècle et procédé à un choix de 6 000 biographies.

    On y trouve ainsi des découvreurs, des fondateurs, des membres des différents . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Au Nord de l’inspiration (inédit)

    Au Nord de l’inspiration (inédit)

    Le Nord m’inspire. C’est là que je ressens de la façon la plus aiguë ma vie, comme la Vie en général, c’est là que devant la question « Pourquoi n’y a-t-il pas rien au lieu de toute cette vie qui m’entoure ? », je pressens certains éléments de réponse. Je ne dis pas que je résous au Nord quelque problème existentiel, mais c’est là qu’il me semble m’approcher le plus du Sens, comme c’est là qu’il me semble m’éloigner le plus du non . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Philippe Delerm : Cette étrange apesanteur

    Philippe Delerm : Cette étrange apesanteur

    « Je suis arrivé dans ce monde comme un devoir de bonheur, non pas pour effacer la mort, mais pour lui succéder. » Chez Philippe Delerm, le bonheur est indissociable de la mémoire, de cette lutte de tous les instants pour échapper au vide, à l’anonymat.
    Indissociable également du regard que nous portons sur notre vie, sur les gens qui la traversent, certains sans laisser de traces et d’autres qui en modifieront parfois le cours irréversiblement. Indissociable surtout de tous ces plaisirs minuscules, 
    de la première gorgée de bière à l’am . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Michel Del Castillo : Pour échapper à sa biographie (entrevue)

    Michel Del Castillo : Pour échapper à sa biographie (entrevue)

    La Seconde Guerre mondiale hante toujours les Européens. À l’automne 1987, Michel Del Castillo nous présentait l’autre côté de la honte.

    En exergue de La guitare de Michel Del Castillo, cette phrase de Thomas Mann tirée de La montagne magique : « On ne veut jamais que son Destin ». Pour ouvrir La nuit du décret, Prix Renaudot 1981 : « […] chacun de nous est coupable de tout envers tous », une citation des Frères Karamazov du grand Dosto . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Frédéric Dard est un vieux monsieur avec un stylo en or et une petite étoile dans les yeux (entrevue)

    Frédéric Dard est un vieux monsieur avec un stylo en or et une petite étoile dans les yeux (entrevue)

    C’est l’imagination la plus fertile de la seconde moitié de ce siècle ; ça fait plus de quarante ans et cent cinquante romans qu’il nous fait rire en faisant des petits à la langue française. Il s’appelle Frédéric Dard, alias San-Antonio, et en janvier 1989, il venait pour la première fois au Québec. Est-il aussi drôle dans la vie que dans ses livres ? Nous sommes allés vérifier.

    À deux heures de l’après-midi, nous étions les seuls clients du bar Saint-Laurent, Fréd . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Arlette Cousture : Le succès d’une œuvre qui ne doit rien à l’improvisation (entrevue)

    Arlette Cousture : Le succès d’une œuvre qui ne doit rien à l’improvisation (entrevue)

    La publication des Filles de Caleb a propulsé Arlette Cousture au premier rang de l’actualité littéraire des années 1980 au Québec. Son succès aussi soutenu qu’inattendu sur les listes de best-sellers a forcé l’intelligentsia littéraire à aller y voir de plus près, et s’est amorcée depuis une lente consécration de cette grande dame de la saga.

    S’étant taillé une place unique dans le panorama de la littérature québécoise d’aujourd’hui, au confluent d’une large diffusion et . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Julio Cortázar : L’écrivain à l’affût (entrevue)

    Julio Cortázar : L’écrivain à l’affût (entrevue)

    Julio Cortázar est né en 1914 à Bruxelles de parents argentins, il est mort en 1984 à Paris, où il a été enseignant et traducteur pendant une trentaine d’années. Il est notamment l’auteur, mondialement connu, de Marelle, Les armes secrètes, et du Livre de Manuel, pour lequel on lui a décerné le Prix Médicis étranger en 1974. Cette entrevue a été réalisée en mai 1978.

    Nuit blanche . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Bernard Clavel, celui que le Nord inspire (entrevue)

    Bernard Clavel, celui que le Nord inspire (entrevue)

    Faut-il encore présenter Bernard Clavel, cet auteur français qui compte 74 livres édités, dont une quinzaine sur le Québec ? Il fête cette année le 40e anniversaire de la parution du premier titre, L’ouvrier de la nuit. Bernard Clavel écrit des romans, des contes pour enfants, des légendes, des pièces radiophoniques ; aux revues, il propose des nouvelles, des articles sur la peinture ; il écrit des chansons. Certains de ses livres connaissent de très gros tirages ; ils sont dans . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Herménégilde Chiasson : Hybrider, dit-il… (entrevue)

    Herménégilde Chiasson : Hybrider, dit-il… (entrevue)

    De la difficulté à répondre à la question « qui est l’Acadien ? », certains écrivains ont su tirer la force d’exprimer cette part d’exil logée dans l’identité de tout contemporain, pour peu qu’il veuille faire face à la mouvance de sa condition. Vues sous cet angle, notre appartenance à un territoire, à une époque, notre inclusion dans une nation ne sont-elles pas les premières étapes d’une déportation continuelle ?

    Nul plus qu’Herménégilde Chiasson ne peut sentir cette difficulté d’être de quelque part tout en cultivant l’ailleurs avec le cosmopolitisme instinctif propre au poète. À la fois tremplin et boulet, son rôle de rassembleur et de catalyseur pour la modernité artistique de l’Acadie le place dans une situation favorable mais tendue. Après vingt-cinq années passées à publier à Moncton – lieu des contradictions qui l’habitent – et à privilégier la poésie en lui faisant occuper la presque totalité de ses écrits, le voilà qui invite à plusieurs polémiques : Brunante, en plus d’être sa première publication exclusivement montréalaise, le rapproche plus que jamais du récit.

    Chiasson, déjà un des plus fins poètes en prose au pays, marque par ce temporaire « exil » éditorial une nécessité pour l’Acadie d’assumer sa situation depuis longtemps extraterritoriale. Bien avant de se doter d’une littérature, l’Acadie était en effet déjà autre chose qu’un pays : communauté culturelle et spirituelle éparpillée dans tout l’Est américain, la diaspora acadienne est même une preuve que l’existence d’une collectivité peut très bien être détachée du concept de nation.

    En tant qu’artiste, il applique quotidiennement la conscience de l’exil, non pas en l’utilisant comme thème, mais en se déplaçant d’un mode d’expression à l’autre et en évitant la cristallisation de sa personnalité. Profondément international, soucieux de « regarder entre les choses », il incarne tout de même la situation culturelle de l’Acadien, pour qui la réalité demeure constamment équivoque, trilingue, précaire.

    Contrer l’Œdipe culturel

    Le difficile parcours historique des Acadiens a produit deux tendances bien distinctes. L’une s’inscrit dans les traces laissées par les récits de la déportation, rappelant que c’est grâce à la parole que l’Acadie existe toujours. L’autre tendance, en réaction directe contre la nostalgie et l’isolationnisme culturel qui peuvent surgir de la première, clame la nécessité d’être moderne, au risque d’impasses insurmontables pour certains.

    Même s’il est un peu mal à l’aise avec sa propre image, Chiasson représente pour beaucoup le début de la modernité acadienne. D’abord hostile à l’omniprésence du discours historique en littérature, il a voyagé un peu partout, étudié la peinture en Europe puis amorcé une carrière d’enseignant. Aujourd’hui, à 54 ans, après avoir entrecroisé le cinéma, l’écriture et la peinture pendant un quart de siècle, il se trouve à l’apogée de sa production littéraire, qui de Existences (1991) à Brunante a trouvé une forte cohérence et une originalité certaine. C’est la période où il raffine sa tendance à l’inventaire, au recensement curieux de l’essence des choses et des êtres dissimulée dans l’anecdote.

    Débutant en filiation directe avec le symbolisme (avec Mourir à Scoudouc, 1974), Chiasson a tout fait pour éviter qu’on l’identifie à une seule discipline. Ce recueil insolite, qu’on aurait dit en contreplaqué, aurait très bien pu demeurer un accident de parcours : « Mourir à Scoudouc a été écrit rapidement et je n’ai jamais pensé que ça pourrait être publié. Pour moi, tout ce qui était moderne, c’était le formalisme, le minimalisme. Tout ce qui était de l’ordre du sentiment m’était étranger. »

    Après un deuxième recueil, l’auteur traverse une période de dix ans sans publier, trouvant davantage d’utilité dans le voyage et la compagnie des peintres. « Ça n’avait plus aucun sens. Je considérais de façon très zen que la perte était ce qui était le plus valable, un peu par crainte d’être mis dans un tiroir précis au bout de quelques ouvrages. C’est aussi une des raisons de mon attirance vers la multidisciplinarité. Dès que les gens ont l’impression qu’ils vont me saisir, j’essaie de me déplacer ailleurs et de faire autre chose. Je voudrais qu’on regarde ce que je fais et qu’on oublie Herménégilde Chiasson. » Rêvant d’une reconquête mentale de l’Acadie par les Acadiens et ne pouvant se rallier à une visée passéiste, il travaillera donc à fonder, tel Miron chez nous, la possibilité d’habiter le territoire par une lente installation de son être dans la langue. Pour ce faire, il revient toujours à la poésie, avec une façon très picturale d’appréhender la matière verbale, mais où l’image demeure cependant imparfaite, partiellement brouillée afin d’accueillir le lecteur et son bagage de circonstances.

    C’est en effet par le poème que l’Acadie a trouvé, sinon une large audience, une façon authentique d’exister tout en domestiquant ses vieux démons, les sentiments d’aliénation, d’impuissance, d’infériorité culturelle. « Antonine Maillet fut importante au plan de la récupération de la tradition orale, de même que par la fondation d’une œuvre sur place, en Acadie. Ensuite, au plan de l’écrit, je crois que c’est vraiment la poésie qui a fondé notre littérature, en s’appuyant sur toutes les institutions qui se sont déployées au début des années 1970. »

    Pour mieux se trouver « sur place », Chiasson va non seulement effectuer quelques pèlerinages en Louisiane, mais s’attarder à investir une Amérique par où passe toute tentative d’imaginer une francophonie nouvelle, incorporant les fractures plutôt que de s’enfermer dans un repli défensif.

    « J’ai toujours pensé que l’Amérique était fondée sur un génocide, ce qui nous permet d’en faire partie d’une certaine façon, en combattant la peur de disparaître en tant que francophones, confesse-t-il dans l’ambiance méditative de ce petit hôtel où se retrouvent les Acadiens lors de leurs passages à Montréal. Lorsque je suis allé pour la première fois aux États-Unis, je me suis acheté trois livres : Kerouac, Ginsberg et Borges, qui m’ont révélé le continent sous un nouveau jour. Les passages en français des livres de Kerouac évoquent beaucoup pour moi le chiac [équivalent acadien du joual] et Moncton. Sa perspective sur l’« américanité » avait une résonance très politique à l’époque. Mais Kerouac, c’est aussi un peu comme un saint. C’est quelqu’un qui a tout abandonné pour se consacrer à la littérature, à l’encontre du triomphalisme qui existait après la Deuxième Guerre mondiale. Il présente une Amérique qu’on ne voit pas souvent. »

    Parmi ses nombreuses pièces de théâtre, Aliénor est probablement celle qui exprime le mieux son désir d’une Acadie qui s’arrache à elle-même pour conquérir sa place en Amérique, au lieu de se limiter au regard que les autres veulent bien lui porter. Dans cette pièce créée au Théâtre de l’Escaouette à Moncton en 1997, la figure du paradis perdu et une accusation d’inceste donnent lieu à une parabole qui met en scène le conflit où le destin d’un peuple s’ouvre à plusieurs dénouements. Le dramaturge ne s’y veut pas porteur d’une solution univoque, commençant même à s’interroger sur la possibilité de réintégrer la tradition à sa quête du moderne.

    « Je voulais parler de l’Acadie, tout en faisant un drame plus universel où s’affrontent la tradition et la modernité, dit Chiasson à propos de cette pièce. Après m’être détaché de la vision entièrement folklorique de l’Acadie qui était promulguée à mes débuts, je me suis demandé si la rupture avec la tradition nous avait servi et j’ai voulu retrouver l’héritage acadien, même s’il est très modeste, pour essayer de le réarticuler. C’est d’ailleurs pourquoi dans Conversations je retourne vers l’oralité, le folklore en quelque sorte, mais comme matériau. »

    Regarder entre les choses

    Le Prix du Gouverneur général qui est venu récompenser Conversations a consacré la fin d’un cycle passionnant, où les détails du quotidien servent à élaborer un inventaire de l’âme aussi humble qu’émouvant. Si Miniatures et Climats, considérés individuellement, auraient davantage mérité ce prix symbolique, on ne peut qu’applaudir la reconnaissance d’un projet bâti au long des années sans crainte aucune de l’anonymat.

    Écrit à partir du présent pour éviter la nostalgie qui lui semblait le guetter, Conversations est constitué de 999 répliques attribuées à des Il et des Elle réellement observés, puis transformées en écriture avec le don qu’a Chiasson de saisir en quelques lignes la substance intime d’une existence en mouvement. En greffant ainsi le présent sur la page, il transposait une expérience vécue autrefois avec la drogue : fixer son attention sur la mécanique du discours plutôt que sur le sens véhiculé. « Non pas, tel qu’il le dit lui-même, éliminer le sujet, mais le réduire le plus possible pour que ça ne devienne que de l’écriture. »

    « Souvent dans la vie, les incidents qui n’ont aucune importance sont peut-être les moments où nous sommes le plus près d’atteindre l’essence de nous-mêmes. Car on s’oublie, dans une espèce de mécanisme où finalement on développe un style, dit-il en manipulant constamment les objets qui se trouvent à la portée de sa main. J’ai toujours aimé regarder ce que les gens ne regardent pas. C’est un peu ça, la poésie, regarder entre les choses. » Car malgré l’impression que peut laisser une première lecture, le présent proposé n’a plus rien de l’anecdote qui sert pourtant de source à ses poèmes en prose. Tout comme ses tableaux faussement kitsch, faussement naïfs, sa peinture des voix suscite un sentiment d’ambiguïté qui nécessite une lecture productrice, la plus aléatoire possible malgré les balises proposées. Chiasson propose ainsi une mise en forme de la perception directement issue du collage et du fragment qui conditionnent tout le siècle qui s’achève.

    « C’est curieux que le collage, apparu au début du XXe siècle avec le cubisme, revienne en force à la fin du même siècle. Il y a là quelque chose qui, comme souvent, a été initié d’abord par les arts visuels. Dans ce cas, je crois que c’est lié à la vitesse, à l’apparition de l’automobile qui change la perspective en la rapprochant beaucoup du collage : un instant on voit quelqu’un, puis très rapidement une affiche, et ainsi de suite. »

    De la pâte de mots

    L’entièreté de Brunante révèle, à la manière d’une autobiographie poétique, le caractère premier des arts visuels dans l’œuvre d’Herménégilde Chiasson. Chacun des 34 textes aborde sous un angle ou sous un autre cette apparition de l’écriture sur fond de pigments et de ciseau, ou encore sur celui des remises en question initiées par l’art conceptuel. On entre dans ce livre par le Louvre, on y rencontre les portraits très particuliers qu’il fait de Picasso, de Duchamp, d’Herman Nitsch, pour finalement quitter l’auteur au moment où il soutenait, en 1985, une thèse sur la photographie américaine à la Sorbonne, non sans que ces sujets ne s’accompagnent de détails de l’enfance. Une enfance passée à découvrir tranquillement le lointain, sur une route de campagne qui n’était pas toujours déblayée l’hiver, où la petitesse des perspectives aurait facilement pu étouffer le soupçon que le futur écrivain, fasciné par l’apprentissage de l’alphabet et de la lecture, commence à porter sur ce qu’on nomme réalité.

    « Ce que j’ai fait en littérature a souvent été une adaptation de ce que j’avais appris en arts visuels. Je suis fondamentalement un visuel et pour moi la musique va toujours demeurer un mystère, même si j’ai composé des paroles pour quelques chansons. »

    Misant, qu’il tourne un film, écrive ou prenne des clichés, sur les isomorphismes qui existent entre chaque forme d’expression, sur les correspondances qui se développent constamment entre les différents langages, Chiasson oblige à entrer dans le geste qui fait osciller les mosaïques entre la deuxième et la troisième dimensions.

    « Je pense qu’on peut tout faire, mais en comprenant parfaitement une base dans un domaine précis, puisque comme le disait Barthes, tout signe est traduisible. Pour moi, cette base a été la peinture, le seul domaine où ma culture n’a pas de trou majeur et où je me sens parfaitement à l’aise. Entre poésie, musique, peinture et cinéma, il ne s’agit que de faire des rapports. »

    Admirant Proust, Duras et Alessandro Baricco pour leur capacité à poétiser le roman ou le cinéma, il veut son écriture comme une sorte de « voix off », où l’idée, en retrait de la représentation, garde sa part approximative, demeurant ainsi fidèle à la vie intérieure. C’est pourquoi la poésie demeure le centre de toutes ses créations, alors qu’il amincit l’écart entre un genre démodé pour certains et les nouvelles voies qui monopolisent l’intérêt du public. Loin de célébrer une hypothétique coupure avec les précédents âges esthétiques, Herménégilde Chiasson est un de ceux qui ont le courage de rechercher le lien entre Michel-Ange, Marcel Duchamp, Ronsard, Tzara et Prévert, route hasardeuse qui peut mener autant à une indigeste bouillie qu’à un authentique postmodernisme.

     


    Œuvres d’Herménégilde Chiasson (à jour en 2000) :
    Mourir à Scoudouc, Les éditions d’Acadie, 1974 ; Rapport sur l’état de mes illusions, Les éditions d’Acadie, 1976 ; Prophéties, Michel Henry éditeur, 1986. Existences, Perce-Neige/Écrits des Forges, 1991 ; Vous, Les éditions d’Acadie, 1991 ; Vermeer, Perce-Neige/Écrits des Forges, 1992 ; Miniatures, Perce-Neige, 1995 ; Climats, Les éditions d’Acadie, 1996 ; Aliénor, Les éditions d’Acadie, 1998 ; Conversations, Les éditions d’Acadie, 1998 ; Brunante, XYZ, coll. « Hiéroglyphe », 2000.

     

    LA LITTÉRATURE ACADIENNE, REPÈRES HISTORIQUES

    1604 :  Fondation de l’Acadie par les Français. Ce territoire recouvre alors une partie des Maritimes actuelles.:

    1609 : Marcc Lescarbot (1575?-1642), qui a séjourné quelque temps en Acadie, publie L’histoire de la Nouvelle-France et donne naissance à une Acadie mythique, sorte de Terre promise française. Les récits d’explorateurs fournissent d’autres témoignages sur cette période.

    1710 : Conquête de l’Acadie par les Britanniques.

    1755 : Le « Grand Dérangement » : déportation d’une grande partie de la population dans différentes régions. L’absence d’institutions autonomes et la précarité de l’enseignement en français vont pour un bon moment freiner le développement de la culture acadienne.

    1756-1911 : Période peu productive sur le plan de l’écrit, mais où le récit de la déportation s’inscrit par contre solidement dans la tradition orale.

    1815 : Les francophones du Nouveau-Brunswick obtiennent le droit de fonder leurs propres écoles.

    1847 : Publication du long poème Evangeline par l’Américain Henry W. Longfellow, qui n’a jamais mis les pieds en Acadie. Ce texte épique a pour thème l’exil acadien et engendre une tradition fertile, quoiqu’il soit fortement marqué par la nostalgie. Le livre est traduit en français en 1865 et connaît un succès instantané sous forme de feuilleton. Pendant ce temps, les écrits acadiens se limitent surtout à des essais de généalogie et de linguistique, de même qu’à des contes et des poèmes dispersés dans les journaux.

    1911 :Publication des premiers recueils de contes, puis de récits régionalistes.

    1948 : Publication du premier recueil de poésie, La vie en croix d’Eddy Boudreau, suivi l’année suivante par Poèmes de mon pays de Napoléon Landry. La comparaison entre les deux auteurs témoigne d’une oscillation entre la souffrance individuelle et les enjeux collectifs qui marquera les générations suivantes.

    1958 : Début de la carrière littéraire d’Antonine Maillet avec Pointe-aux-Coques.

    1972 : Essor impressionnant de la littérature acadienne. Fondation des Éditions d’Acadie, enseignement de la littérature acadienne à l’Université de Moncton et attribution du Prix Goncourt à Antonine Maillet pour Pélagie-la-Charrette.

     

    EXTRAITS

    « Nous mourons et pourtant nous avons mangé la nuit comme un grand gâteau avec des sucreries d’ennui et des nuits d’amour à chaque étage. »
    Mourir à Scoudouc, p. 24.

    « peut-être vous en doutez-vous
    vous êtes mon seul et unique jardin d’ecchymoses
    le seul endroit où ça fait vraiment mal
    et j’ai peut-être choisi d’y habiter
    si le métro pouvait sortir de ses gonds
    se décider à passer par là
    la décision ne nous revient peut-être plus
    nous avons peut-être perdu la raison
    soudainement
    il y a longtemps jadis »
    Vous, p. 29.

    « l’implacable désespoir d’être suspendu dans le vide en chute libre dans l’absence irrésorbable d’où je vous voyais émerger par bribes 
    par moments imprévisibles asthmatiques dans la convulsion de vous perdre et de me perdre à votre poursuite
    l’univers était devenu un lieu malsain peuplé de fantasmes et de bêtes malencontreuses d’où votre visage émergeait parfois »
    Vous, p. 144.

    « 999. Elle Cette insistance, cette prière, cet aveu, ce besoin, cette anecdote, un profil qui se dessine, une main qui se lève, la volonté insubmersible, le moment où la couleur se répand à la grandeur, cette prétention à vouloir s’emparer du monde pour en faire de l’amour, un glissement étrange comme la naissance, une journée pluvieuse, c’est le printemps, le soleil répand sa lumière sans égard, je ne veux rien dire, quelqu’un insiste pour qu’il y ait une suite.1000. »
    Conversations, p. 154.

    « Il faudrait avoir le courage de partir pour toujours et le reste ne serait plus qu’une transe qui nous habite en sachant bien qu’il n’y a que l’errance qui puisse nous contenir. Un destin rugueux comme celui des bêtes et un cœur grinçant de souvenirs pour se lever à chaque matin et refaire le même tableau avec la même rage. »
    Brunante, p. 39.



     


  • Andrée Chedid : Le premier visage (entrevue)

    Andrée Chedid : Le premier visage (entrevue)

    Libanaise née en Égypte, Andrée Chedid vit en France depuis l’âge de 26 ans. Chez cette écrivaine de la durée, chez cette femme dont l’écriture se déploie résolument hors de soi pour atteindre au fondement des choses et de l’être, chez cette femme qui, écrivant, ne se sent que peu concernée par la tentation autobiographique, l’exil est volontaire et serein.

    Nul écartèlement entre deux cultures et deux langues, donc, mais la conciliation instinctive de deux différences. Avec l . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Jean Charlebois : L’audace de l’authenticité (entrevue)

    Jean Charlebois : L’audace de l’authenticité (entrevue)

    Dans une Amérique de plus en plus indifférente, qui abrite l’inconfort, le doute, la zombification des âmes, une Amérique qui peine à se réinventer une sensibilité, la « femme-source » demeure pour l’écrivain la voie vers l’idéal, le mouvement de l’âme, la poésie.

    C’est là l’un des enseignements que dispense l’œuvre de Jean Charlebois, pour qui la femme est synonyme de confiance dans le réel, un vivant miroir pour un soi-même dissimulé sous l’orgueil et les faux . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Patrick Chamoiseau : L’imaginaire de la diversité (entrevue)

    Patrick Chamoiseau : L’imaginaire de la diversité (entrevue)

    L’antillanité de Patrick Chamoiseau ne se réduit pas au folklore ou à la contestation non plus qu’elle n’est un moyen détourné d’attiser la nostalgie. Vue de l’Occident, son œuvre appelle les traditionnelles comparaisons avec Rabelais et Joyce. Lue par Chamoiseau, elle s’identifie d’abord à elle-même, à l’œuvre de quelques-uns de ses compatriotes et surtout à la Martinique.

    De Chronique des sept misères à Texaco, la tendresse, la dureté, l’âpreté, la résistance et la vie se côtoient dans une . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Christian Bobin : Écrire, seulement

    Christian Bobin : Écrire, seulement

    « On pourrait recenser les livres selon l’embarras d’en parler », écrit Christian Bobin dans La part manquante. Si tel était le cas, ses livres se retrouveraient assurément en tête de liste. Et une fois cela dit, écrit, l’embarras ne se serait pas pour autant dissipé. Car comment décrire la démarche d’un auteur qui s’attarde avant tout à traquer le vide, le manque, l’absence, pour aussitôt s’emparer de ce vide, de ce manque, de cette absence et en faire apparaître une lumière jusque-là insoupçonnée. C . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Chrystine Brouillet : Écrire pour raconter des histoires, oui… pas seulement (entrevue)

    Chrystine Brouillet : Écrire pour raconter des histoires, oui… pas seulement (entrevue)

    Depuis une quinzaine d’années, celle qui a « commencé à écrire pour séduire les garçons » fait carrière dans la littérature. Couronnée par le Prix Robert-Cliche en 1982 pour son roman Chère voisine, Chrystine Brouillet s’est d’abord fait connaître comme auteure de roman policier, mais l’étendue de sa production, qui compte aujourd’hui une dizaine de romans pour adultes et plus de vingt romans pour la jeunesse, révèle une auteure aux projets et aux ambitions multiples. Portrait d’une écrivaine professionnelle . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • L’écriture « énigmatique » de Nicole Brossard (entrevue)

    L’écriture « énigmatique » de Nicole Brossard (entrevue)

    Le Prix Athanase-David est venu couronner la carrière littéraire de Nicole Brossard en 1991. Une carrière aux multiples postures, où la poésie formaliste s’accommode de l’inscription d’un je féminin et s’achemine, avec les écrits récents, vers une nouvelle lisibilité. Quel sens donner à ce parcours d’écriture ? Nuit blanche a rencontré Nicole Brossard, question de dénouer quelques énigmes de cette écriture que l’on dit souvent hermétique.

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Jacques Brault : le jeu dans le grave (entrevue)

    Jacques Brault : le jeu dans le grave (entrevue)

    Dans la quiétude de la maison où me parviennent les cris des premières bernaches, le soleil de fin d’hiver tombe à plein sur le livre ouvert devant moi. Ô saisonsÔ châteaux : l’exercice d’un esprit toujours en éveil, mais qui se donne avec calme, voire nonchalance, sans apitoiement, sans rigidité théoricienne et métaphysicienne, qui, cependant, touche l’essentiel.

    Et une verve savoureuse, une langue à la fois charnue et légère. Une merveilleuse fraîcheur. Cette lecture : un moment de pur bonheur.

    Sous ce nostalgique titre emprunté à Rimbaud sont assemblées des chroniques nées du quotidien. Un arrêt à un feu rouge, la sieste dans un hamac, une lettre d’amis, et voilà que surgissent une méditation sur le temps, un art poétique là où on l’attendait le moins ! Et alors que la réflexion risque de s’appesantir ou de se draper, une drôlerie la ramène à plus de modestie et à moins de sérieux : la référence à Montaigne dans toute l’œuvre donne le ton juste.

    Voilà bien en effet cet homme d’une extrême, d’une profonde simplicité, courtois, discret, souriant, qui nous reçoit dans sa maison d’une petite ville de l’Estrie. Ses voisins ignorent qu’il est l’un des grands écrivains de sa génération. Ce citadin né dans un quartier populaire de Montréal dont le souvenir traverse la poésie comme une lumière grise, avec les ruelles, les trottoirs sous la pluie, la neige, où l’on marche le cœur lourd comme si jamais l’horizon ne devait s’ouvrir, cet universitaire spécialisé dans la littérature médiévale, a choisi loin de la foule et des gratte-ciel, une retraite. Il se consacre au soin des fleurs et des arbres, il dessine, il relit Tchekhov et Hölderlin, les philosophes, Platon, Cioran, Charles Taylor, quelques romans. Il note dans ses cahiers des images, des bouts de phrases, des vers, dont sortiront patiemment des livres patients, recueils de poèmes ou courts essais. Ou bien les notes resteront à l’état de notes – et c’est sans importance. Jacques Brault n’a jamais conçu la création comme la construction méthodique et laborieuse d’une pyramide, il n’a pas connu l’obsession narcissique de « faire une œuvre ». Un titre s’est ajouté aux autres, presque sans que l’auteur l’ait voulu. Combien de ses livres sont nés ainsi, à peu près dans tous les genres, à la jonction de la curiosité et des circonstances?

    Hasards de la prose

    Dans les années soixante, il écrit des pièces radiophoniques habilement conduites, Trois partitions  « pour voir comment c’est fait » : elles auraient pu verser dans le naturalisme misérabiliste, mais elles émeuvent par la compassion pour la souffrance des très petites gens, leurs vies sans joie. Les essais ? Pour répondre aux offres de Liberté ou d’autres revues. Agonie (1984), l’unique récit publié à ce jour ? Peut-être pour donner forme à un vieux souvenir : un étudiant raconte, et un professeur, vieux garçon moqué de tous, un jour, stupéfie son auditoire en expliquant un poème de Giuseppe Ungaretti, avant de disparaître pour on ne sait quelle destinée. Jacques Brault est conscient qu’il ne lui appartient pas d’inventer des personnages, des situations, une intrigue. Bâtir un roman implique tant de longueurs, de temps faibles, d’artifice aussi, avant d’arriver à l’essentiel. Cet essentiel que permet – et qu’exige – la poésie.

    « La poésie sert à désigner la région où tend notre voyage »

    Si chez Brault les formes que prend le langage ont beaucoup évolué depuis les premiers recueils des années soixante, sa poésie trouve tôt ses sources et ses fidélités. Les titres mêmes les désignent et ponctuent l’itinéraire. MémoireLa poésie ce matinL’en dessous l’admirable, Il n’y a plus de chemin. Très tôt aussi se révèle à lui la nudité de la vie. « Visitation » (qui ouvre l’anthologie du Noroît) est l’entrée de l’œuvre et déjà, comme par anticipation, son résumé (si tant est qu’on puisse parler du résumé d’une œuvre poétique !), sa substance. Chez ce poète nourri de littérature médiévale, bien plus qu’une influence, passe l’appel pathétique de Villon :

    « Mes amis moissonneurs mes amis au profil de matin maigre mes amis souvenez-vous 
    « Quand vous serez revenus à la patrie du sommeil et dociles enfants de votre mort […] 
    « Souvenez-vous mes amis souvenez-vous de ceux
    « Qui demeurent et de leur exil ».

    Jour après jour, nuit après nuit, la solitude, la pauvreté, l’errance à travers la grande ville, les rues sous le crachin, le ciel plombé de novembre, la neige sale. Le cœur lourd paraît à tout moment vouloir renoncer. Mais il continue de battre, obstinément. L’image de l’ami, l’image d’une femme, éclairent la nuit intérieure comme des petites flammes, comme des icônes.

    Quel étrange pays que celui où vit le poète ! Mais en est-ce bien un ? Où sont ses frontières, qui l’habite, quelle langue y parle-t-on, où est son âme ? S’il en a une. Pays hostile, inerte, « d’où l’on ne part jamais », qu’on voudrait accabler encore plus, et fouetter, haï et aimé. Tout comme pour « Miron le magnifique » – c’est Brault qui le nomma ainsi –, conquérir le pays est infiniment plus qu’un projet politique. Jacques Brault s’est expliqué là-dessus – un peu savamment dans ses premières chroniques de Liberté à une époque où, dit-il, il se prenait au sérieux –, et sur un mode combien plus direct, charnel, affectif, dans ses poèmes. Par son histoire personnelle il appartient à l’histoire du pays, les deux indissociables : le père silencieux, humilié, « balayeur appointé » devient, préservé par la mémoire et sans cesse résurgent, le signe de cette histoire. La pauvreté de l’enfance, à la limite de la misère, l’écrivain l’a vécue, et quand il parle des humbles, des clochards, des réprouvés, les souvenirs se lèvent, des ombres qui ne s’effacent que pour revenir, qui forment une cohorte muette, attentive, obsédante. Une foule familière. Parfois l’une des ombres parle, ou le poète s’adresse à elle, à moins qu’il ne se parle à lui-même, à ce Personne d’Il n’y a plus de cheminparoles pauvres comme celles qu’articulent, plutôt qu’ils n’échangent, les personnages du « vieux Sam » (Beckett). Un soliloque où celui qui parle rit de lui-même, et du langage qui voudrait devenir trop noble, trop précieux, dérisoirement éloquent. Il arrive que le poème se brise sous l’excès de souffrance, le langage se désarticule (« Bruit et silence », La poésie ce matin) : il n’en reste qu’un peu de bruit sur fond de silence. Ou bien des rumeurs perdues dans la conscience qui en charrie le flux. Des voix se superposent, interfèrent. Des états vagues que la perception, le sentiment, la pensée sont impuissants à cerner. Un monde cotonneux, celui de l’intérieur aussi bien que celui de l’extérieur, jeu de reflets et d’ombres, évanescent et incompréhensible. Plus qu’une expérience ponctuelle, qu’un événement daté, ce glissement, cet enfoncement vers une vie minimale est le mal-être. Monte parfois une invocation, ou une incantation, ou une supplique « À l’inconnue » :

    « Écris-nous que c’est beau un matin comme les autres matins 
    « comme un malgré tout lucide et tranquille […] 
    « ô ma nouvelle-née en image ta bouche endormie sur l’oreiller 
    « c’est ma bouche ouverte en espérance la tendresse 
    « oui la tendresse du temps » (La poésie ce matin).

    Souffrance, espérance, désespérance perdent alors leur signification – ou laissent entrevoir un au-delà, qui est sans doute la mort. « Ce fut atroce, nul amour, nulle haine ne me rejetaient même du côté de la mémoire » (L’en dessous l’admirable). Le poème ne peut plus être un chant, tout au plus un cri étouffé, des bribes de voix qu’au sortir de l’épreuve des fragments de journal rétrospectif pourront à peu près cerner et relier. Le miracle est que, en acceptant « la descente en solitude », la remontée est possible : « Mais au retour – par je ne sais quelle alchimie – j’ai vu, j’ai touché l’impensable et le plus simple. Je ne dirai pas son secret ; le dirais-je qu’il ne subsisterait plus parmi nous ». Ce qui a alors été entrevu ? « Le chant de l’indicible », L’en dessous l’admirable.

    Métamorphose du poème

    La « descente en solitude », Jacques Brault la partage avec Alain Grandbois, qu’il a connu. « Nous étions ensemble dans la subtile lumière de septembre, rieurs et graves, accordés aux petites choses si aptes à signifier les grandes » (Ô saisons, Ô châteaux). Cet homme à la fois brillant et secret possédait l’art de narrer ses aventures hors du commun – se laissant parfois emporter par ses récits au-delà de la vérité historique Il avait connu les mondains et les gens de sac et de corde, les palaces et les bouges, les monuments de l’Europe et les déserts d’Asie centrale sur les traces de Marco Polo. L’auteur de Mémoire, à son tour, est fasciné, et il pratique alors lui aussi une poésie au souffle ample, volontiers oratoire, qui parfois doit se défendre contre une tendance à la dilution et des pointes de rhétorique. Mais Jacques Brault ne s’en tient pas là, le mouvement intérieur qui le porte impose d’autres formes. Le poème se fait à l’occasion tâtonnant, lacunaire, cassé, anguleux. Il vise, de plus en plus, à l’économie. L’expression se décante, s’épure, se condense à l’extrême : « L’effet haïku résulte d’une traversée de la sensation et d’un retentissement consécutif, de la pensée inchoative et qu’on n’arrive plus à congédier, même en état de rêve ou de rêverie » (La poussière du chemin). Rigueur et éclat : un rapprochement parfois fulgurant s’est produit, le lecteur en reçoit à son tour le choc dont les échos se prolongent en lui.

    « l’eau ne fait pas d’ombre 
    « au temps qui coule en l’obscur clapotis des jours » (Au bras des ombres).

    La poésie, croit-on généralement – le surréalisme a beaucoup contribué à nous en convaincre – est affaire d’images. Elle repose essentiellement, affirme Jacques Brault avec vigueur, sur le rythme. Hector de Saint-Denys Garneau l’avait bien compris1. Grandbois aussi. Dans l’anthologie qu’il lui a consacrée, Jacques Brault montre avec une grande subtilité combien Grandbois cherche en diverses retouches le rythme le plus juste, le plus expressif. Ou encore, à l’occasion d’une autre anthologie qu’il a composée, combien Jules Laforgue – pour qui il a gardé une ancienne tendresse –, sous beaucoup de clinquant verbal et d’effets trop voyants, donne au poème son assise rythmique, puis la bouscule, la fait basculer à l’improviste.

    On l’a répété : il faut à la poésie sans cesse se réinventer. Ce n’est pas là programme d’un manifeste, ni formule à graver au fronton d’une académie, mais pratique d’artisan qui agence la phrase, le vers. Les poètes et la poésie se donnent parfois de grands airs. Humblement, Jacques Brault déclare : « J’écris pour avoir lu et pour mieux lire. Écrivain amateur, je considère l’écriture comme un bricolage, comme une débrouillardise à la fois angoissée et désangoissante » (La poussière du chemin). Ce n’est pas prendre le contrepied de la facile mythification de la création poétique, ni la déprécier mais bien la saisir dans son geste et, sous le paradoxe apparent, en affirmer l’efficacité et la grandeur.

    « Si la poésie commence par une rupture, elle s’achève par une soudure ». Après le déchirement des fibres intimes, il faut essayer de guérir, et réconcilier. D’abord faire en sorte que la vie soit possible dans son quotidien. Comme pour Apollinaire dont Brault a si bien parlé, chaque matin apporte ses surprises, ses richesses qu’on ne voyait pas. Mais c’est désormais un quotidien éclairé des profondeurs – peut-être par une lumière noire ? Elle traverse les couches de l’existence, dont les plus superficielles, les plus immédiates, qui par là se trouvent métamorphosées. On pourrait dire mieux : transfigurées. Combien d’entreprises jugées importantes, d’attitudes dites sérieuses deviennent dès lors nulles et non avenues ! Jacques Brault cultive depuis toujours l’art et le plaisir de dégonfler la cuistrerie où qu’elle soit, dans le jargon critico-universitaire, dans le discours politique ou médiatique, partout où « la confusion joue à la complexité ». « L’homme du quotidien » qu’il est considère la vie moderne avec une curiosité non dénuée de crainte. Il cherche à voir clair, refuse de se « laisser téléguider par les normes sociales ». L’esprit de Montaigne, bien sûr ! Il consiste à préserver en tout temps une intransigeante liberté de jugement et de mouvement.

    La main au travail

    En 1979, Jacques Brault écrivait cette phrase étonnante, qui nous pousse à nous récrier : « Je ne suis pas un écrivain très doué », que complète celle-ci : « Apprenti je reste et je resterai ». Comment mieux dire la modestie de l’écrivain, mais aussi la conscience qu’il a de la création : toujours en marche, jamais arrivée. Disponible, ouverte, à l’écoute du temps et des présences, attentive au souffle même de la vie, donc à la fois fugace et continue, imprévisible. « Sitôt qu’on a trouvé on a perdu ». Le constat vaut pour le poème tout autant que pour le dessin. Jacques Brault le pratique depuis longtemps : l’encre, le crayon (et aussi la gravure), mais, dit-il,

    « J’aime l’aquarelle à l’égal 
    « de la pluie au fort de l’hiver
    « quand de longs poils très souples 
    « effacent d’une haleine liquide
    « le blanc des rues et des champs » 
    (Au bras des ombres).

    Traces d’un geste qui se suffit à lui-même, effleure le papier ou appuie, s’étale en tache ou s’enlève dans le délié d’une volute. Touches de couleur denses, serrées – et cela peut être un sous-bois d’automne –, frottis dans le vert, le gris, le rose – et cela devient un jardin suspendu. Le pinceau chargé d’eau fait un lavis, revient presque à sec, et voici un envol d’oiseaux au-dessus du marais, une grue, un héron dans son équilibre parfait. Ici, des couleurs en replis secrets, là un calligramme à déchiffrer à notre convenance, là encore un trait capricieux comme une branche de pommier (Transfiguration). Mais la main ne cherche pas à représenter, à l’occasion elle rencontre une forme reconnaissable, puis à nouveau elle s’échappe.

    Jacques Brault a beaucoup fréquenté les ateliers de peintres et de graveurs : Albert Dumouchel, Roland Giguère, Gérard Tremblay, Jeanine Leroux-Guillaume, Paul Beaulieu. Il leur a consacré des chroniques, s’est interrogé sur les rapports entre écrire et dessiner. Il convient de réfléchir, certes, mais surtout de faire. Sa curiosité le pousse à toujours expérimenter, qu’il s’agisse de découvrir des formes visuelles neuves, de mettre à l’épreuve, d’essayer un procédé pictural. Ou d’écrire un livre à deux voix : Au petit matin (avec Robert Melançon), Transfiguration (avec E.D. Blodgett). Autrefois il lui arrivait de fabriquer des épouvantails, aujourd’hui il leur consacre un texte : « Saurons-nous un jour de folie venteuse, et comme les pissenlits neigeux et tenaces, nous envoler vers un autre nous-mêmes? – en patrie profonde? » (Trois fois passera).

    Le dessin, la poésie, toute l’œuvre de Jacques Brault connaît le poids de la matière, de la chair, la douleur tapie au creux de l’âme, qui enchaîne, aveugle, asphyxie, tout ce qui en nous est pesanteur. Mais aussi elle connaît l’envol, la légèreté qu’on peut nommer – que l’on donne ou non au mot sa connotation religieuse –, la grâce de plus en plus présente.

    Le sourire du Tao2

    Que s’est-il passé chez Jacques Brault depuis le temps de la pauvreté journalière, des petits métiers alimentaires, des études, des luttes contre l’étouffement, depuis la résistance aux orthodoxies de tout bord, les polémiques, l’Université, l’époque des premiers poèmes souvent lourds d’angoisse et de déréliction, des plaies à vif, de la grisaille ou de la noirceur ? Rien n’a été oublié, la mémoire continue de faire inlassablement son travail, rien n’a été renié, mais, me semble-t-il, il s’est produit en profondeur une détente. Jacques Brault aime parler du cerf-volant qui s’envole, plane, plonge, se relève selon les courants de l’air. Non pas passivité et fatalisme – il convient seulement (mais tout est là!) de permettre aux événements de se produire. Le non-agir. Nous y sommes ! Jacques Brault se réfère explicitement au taoïsme, il le fait passer en lui, ou plutôt, à sa manière, il se coule dans le Tao.

    « Ne rien laisser derrière soi au moment de partir, pas une miette, pas l’ombre d’un souffle, tel est l’enseignement. Il ne s’agit pas d’une facilité, encore moins d’une démission, mais d’une reconnaissance de l’inconnu. » (Ô saisons, Ô châteaux)

    Tout à l’opposé d’une religion dogmatique ou d’un système philosophique, d’une construction cérébrale : une sagesse.

    Dans cette œuvre nous frappe l’action des pôles opposés entre lesquels elle se développe et se vivifie. Création dans le verbal et dans le pictural ; ampleur du poème et sa réduction à la concision du haïku ; attention à la banalité parfois triviale du quotidien et éclat fulgurant de l’intuition ; déchirement de l’âme et contemplation apaisée ; rigueur de la réflexion et finesse de la sensation. On pourrait citer bien d’autres oppositions, que résume le jeu du yang et du yin.

    Ajoutons celui-ci encore : humour et gravité. « Quel humour insondable gît au cœur de la mélancolie ». Je suggère à Jacques Brault que la formule pourrait être retournée, et qu’elle pourrait composer un autoportrait… Une mélancolie qui n’est pas sentiment d’impuissance mais plutôt effet de la lucidité face au monde, aux hommes, à soi-même.

    L’écriture intimiste

    Dans une chronique de La poussière du chemin (1989), Brault faisait remarquer que la littérature québécoise présente des poètes plus que des penseurs, et que le passage du sensible à l’intellectuel n’y est pas encore vraiment opéré. Parfois « elle bafouille ou se guinde ». « La légèreté, l’ellipse, la limpidité, l’humour souvent en sont absents, ou bien dévalués ». En lisant Au fond du jardin (1996), l’évidence s’impose : Jacques Brault a trouvé le passage, Accompagnements d’écrivains rencontrés au détour d’un livre, et qui se prolongent secrètement ; on devine qu’ils sont Tchekhov et Virginia Woolf, Proust et Kafka, Mme de Sévigné et Crébillon, Katherine Mansfield, Borges ou « le vieux Sam », et, bien sûr, « maître Michel » (Montaigne). Propos de deux pages, dans la lignée d’Alain , complets en soi mais poussant de fines antennes, où chaque phrase est une pensée vivante. Admirable prose d’une totale maîtrise, toujours appropriée à son objet, variée dans l’attaque, le rythme, le ton, pleine d’imprévu, rebondissante, libre, allègre et tranquille. En deux mots : probe et juste. L’auteur dit de Valery Larbaud qu’il « tient à honneur de ne pas écrire plus haut et plus large que nécessaire ». Telle est la vertu de ce que Jacques Brault désigne lui-même comme l’écriture intimiste : « Les intimistes, les vrais, qui ne cèdent pas d’un millimètre à l’intimidation, vivent pour l’ordinaire dans l’utopie et l’anarchie. Leur vie est ailleurs. Où? Trouver à répondre annulerait l’ailleurs ». Écrire à partir de soi-même mais par la pratique d’autres écrivains, d’autres esprits, dans l’échange avec eux. Écriture qui ne refuse pas le lyrique au profit du laconique, mais qui unit l’un à l’autre.

    Nous ne sommes qu’au matin de nous-mêmes. Tout est possible.« J’habite une espérance désespérée qui n’a pas besoin de se dire, encore moins de se justifier », écrivait Jacques Brault vers 1980. Ou encore : « Je n’ai rien à donner que la tendre et cocasse dilection qui m’empêche de tout à fait désespérer ». Aujourd’hui on peut sans doute dire que l’homme et sa poésie tendent vers un point qui n’est plus une conscience tragique de notre condition irrémédiablement déchirée, mais un au-delà de la désespérance et de l’espérance, une acceptation du vieillissement, un consentement à la mort comme à la vie dans sa douleur et ses émerveillements, une paix.

    Silence, retraite, compassion et détachement, tendresse, vibration intérieure, perception aiguë de la beauté partout où elle se trouve : peut-on encore distinguer ce qui définit un art poétique et ce qui anime une vie ? Parfois entravé et retombé mais renaissant, multiple en ses gestes, ses formes, ses couleurs ; un dans son élan, irrésistible: le mouvement vers l’être !

     


    1. Rappelons que Jacques Brault a établi avec Benoît Lacroix une édition critique des Œuvres de Saint-Denys Garneau, Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 1970.
    2. Pour reprendre le titre du livre de Lawrence Durrell. 

    Jacques Brault a publié entre autres :
    Poésie : La poésie ce matin, Parti Pris, Montréal, 1973 ; Poèmes des quatre côtés, Le Noroît, Montréal, 1975 ; Les hommes de paille, Grainier, Montréal, 1978 ; Vingt-quatre murmures en novembre, Le Noroît, Montréal, 1980 ; Trois fois passera précédé de Jour et nuit, Le Noroît, Montréal, 1981 ; Moments fragiles, Le Noroît, Montréal, 1984 et Le Noroît, Montréal/Le Dé bleu, Chaillé-sous-les-Ormeaux, 1994 ; Poèmes I (regroupe MémoireLa poésie ce matinL’en dessous l’admirableMoments fragilesIl n’y a plus de chemin), Le Noroît, Montréal/La table rase, Cesson, 1986 ; Il n’y a plus de chemin, Le Noroît, Montréal/La table rase, Cesson, 1990 et Le Noroît, Montréal, 1993 ; Au petit matinavec Robert Melançon, L’Hexagone, Montréal, 1993 ; Poèmes choisis de Jacques Brault, cassette audio, textes lus par l’auteur, Le Noroît, Montréal, 1994 ; Poèmes choisis (1965-1990), Le Noroît, Montréal, 1996 ; Au bras des ombres, Le Noroît, Montréal/Arfuyen, Orbey, 1997 ; Transfiguration avec E.D. Blodgett, Le Noroît, Montréal/Buschek Books, Toronto, 1998.
    Prose : Trois partitions, théâtre, Leméac, Montréal, 1972 ; Agonie, roman, Le Sentier, Montréal, 1984 et Boréal, Montréal, 1985 et 1993 ; La poussière du chemin, Boréal, Montréal, 1989 ; Ô saisons, Ô châteaux, chroniques, Boréal, Montréal, 1991 ; Au fond du jardinAccompagnements, Le Noroît, Montréal, 1996.
    Essai : Chemin faisant, La Presse, Montréal, 1975 et Boréal, Montréal, 1994 ; Alain Grandbois, Seghers, Paris, 1968 ; St-Denys Garneau, Œuvres, avec Benoît Lacroix, Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 1970 ; Que la vie est quotidienne, anthologie d’œuvres de Jules Laforgue, La Différence, Paris, 1993.

     

  • Roland Bourneuf : l’homme aux semelles de lettres (entrevue)

    Roland Bourneuf : l’homme aux semelles de lettres (entrevue)

    Curieux et critique de tout, le prosateur Roland Bourneuf s’installe le plus rigoureusement qu’il peut dans une errance où « faire carrière d’écrivain » n’est que le paravent social d’un refus, celui, pour la conscience, d’être dépouillée d’une mobilité toujours pressentie. Loin des projecteurs, voici un pèlerinage nécessairement discret qui s’effectue au pays des contrastes et de l’interstice scriptural.

    L’austérité du paysage littéraire esquissé par Roland Bourneuf depuis deux décennies semble être en contradiction avec les possibilités de rêve qui . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Michel Marc Bouchard : Entre le rêve et la tourmente (entrevue)

    Jeune dramaturge originaire du Lac-Saint-Jean, Michel Marc Bouchard appartient, avec les René-Daniel Dubois et les Normand Chaurette, à cette génération d’auteurs québécois qui renouvelèrent, au début des années 80, les thèmes et les modes traditionnels d’écriture dramaturgique.

    Ses pièces sont jouées et traduites en plusieurs langues et son théâtre accède aujourd’hui à une reconnaissance nationale et internationale. Accessible sans être facile, il se situe en marge de l’écriture plus conceptuelle ou expérimentale de certains de ses contemporains. Son . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Marie-Ginette Guay : Miroirs de Jacques Brault (entrevue)

    Marie-Ginette Guay : Miroirs de Jacques Brault (entrevue)

    Mémoire ah mémoire ombrée comme une vieille armoire
    Chaque heure qui te rejoint t’ouvre un peu plus à l’heure de demain
    Jacques Brault, Mémoire

    L’adaptation pour le théâtre du chef-d’œuvre narratif Agonie représentait plus qu’une simple transposition d’un genre à un autre pour Marie-Ginette Guay* : il s’agissait notamment de se confronter aux problèmes d’adaptation et de traduction du réel que pose le . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Denis Belloc : Écrivain sans domicile (entrevue)

    Denis Belloc : Écrivain sans domicile (entrevue)

    C’est à Paris, à quelques pâtés de maisons du périférique, que j’ai rencontré l’auteur de Néons, de Suzanne et de Képas, trois romans qui sont malheureusement passés inaperçus au Québec.

    Pourtant l’écriture de Denis Belloc ne peut laisser personne indifférent. Elle choque. Elle brise le confort bourgeois dans lequel la littérature française se complaît depuis plusieurs années. Ici, pas de guimauve, pas de fleurs . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • René Belleto : Loin des yeux, Lyon du cœur (entrevue)

    René Belleto : Loin des yeux, Lyon du cœur (entrevue)

    Ça arrive parfois avec certains livres qu’on aime bien, ceux de Belletto, par exemple : leur lecture sème plein de petites choses intrigantes dans tous les coins de la tête.

    Belletto écrit des nouvelles, des sonnets (hé oui !) aux accents pataphysiques, des romans tragico-burlesques qui font froid dans le dos et toutes sortes d’autres textes plus rebelles à l’étiquetage. Quelques-uns sont connus, comme L’enfer ou Sur la terre comme au ciel (au cinéma, Péril . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Hervé Bazin : Le grand méchant doux d’Anjou (entrevue)

    Hervé Bazin : Le grand méchant doux d’Anjou (entrevue)

    Journaliste (à l’Écho de Paris, à l’Information, à France Soir), poète, essayiste et surtout romancier, Hervé Bazin a connu le succès dès la publication de Vipère au poing, en 1948. Plusieurs fois distingué par la critique, il a été élu à l’Académie Goncourt en 1958, prestigieuse assemblée dont il a assuré pendant plus de vingt ans la présidence, et dans laquelle il accueillit Roger Lemelin.

    Nuit . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Quelques aveux (Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline)

    Quelques aveux (Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline)

    J’aime quand la lumière et le tumulte du jour cèdent le pas à la nuit dans cette irrévocable – mais ô combien réconfortante ! – procession constamment renouvelée. Peut-être parce que ce passage obligé est la seule chose dont je suis sûr.

    Au moment où d’aucuns se préparent pour le sommeil, mon corps sort d’une léthargie que j’ai appris à maquiller pour faire avec la convention des vivants. L’esprit clair, l’œil parfaitement adapté pour la pénombre, le cœur qui ralentit la cadence, j’entreprends un nouveau quart. De lecture . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Henri Pourrat ou l’amitié avec la terre (1887-1959)

    Henri Pourrat ou l’amitié avec la terre (1887-1959)

    « Henri Pourrat est mort le 16 juillet 1959. Et c’est comme si Virgile venait de mourir. » En une page magnifique, Alexandre Vialatte prenait ainsi congé de l’ami de toute une vie, le voisin rencontré presque chaque jour, l’écrivain qui avait fait une vertu cardinale de l’amitié, c’est-à-dire de l’alliance avec les êtres et avec tout ce qui existe.

    Pendant plus d’un demi-siècle, sa haute, mince, noble silhouette, portant chapeau de feutre, guêtres, sac en bandoulière, a parcouru les champs, les collines, les villages, les fermes, les . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?

  • Irène Némirovsky, une œuvre interrompue (1903-1942)

    Irène Némirovsky, une œuvre interrompue (1903-1942)

    Irène Némirovsky n’avait pas quarante ans lorsqu’elle est décédée. Comme bon nombre d’écrivains français méconnus de l’entre-deux-guerres, son œuvre a commencé à émerger de l’ombre dans les années 1980.

    Irène Némirovsky est née à Kiev le 11 février 1903, dans une famille de la bourgeoisie juive (son père est banquier) qui avait obtenu de se fixer en dehors du ghetto. Elle apprend très tôt le français : sa mère s’adresse à elle en français, et, de . . .

    Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ?