On écrit, en fin d’ouvrage, que la maison d’édition Les petits carnets, créée en 1997, tente de promouvoir « un espace d’écriture pour la pensée libre ». Disons que ce texte très original en serait la preuve concrète. En effet, il entre mal dans les genres littéraires connus, officiels : c’est expérimental dans tous les sens du terme. D’emblée, l’auteure dit qu’elle n’y est presque pour rien dans la création de son œuvre en avouant tout simplement : « Je n’ai pas fait grand-chose dans tout ça, j’aime mieux avertir ». Elle laisse plutôt filtrer toutes sortes d’informations venues du monde extérieur : bruits d’un voisin, impressions d’une visite au Musée des beaux-arts du Canada, lecture d’un cours de Roland Barthes, observation de chats sur un trottoir… Elle dira que les idées et les sujets se trouvent partout. Et tout cela sera reconstruit grâce à la « documentation subjective du regard » ! On pourrait quasiment se croire en plein cœur des belles années du nouveau roman ‘ les œuvres des éditions de Minuit, entre autres.
Dans ce texte difficile à cerner, tout est à définir, prétexte à la production-création d’un récit. C’est une démarche littéraire vraiment issue de la postmodernité. On y discerne surtout un va-et-vient réel entre subjectivité et objectivité ; on pourrait même parler d’une véritable dialectique du regard qui crée presque, à lui seul, une œuvre d’art ne comportant point de « messages » ou désirant révéler une « authenticité » propre à l’humain : c’est carrément de l’art pour l’art. Des phénomènes divers se manifestent à la conscience de la narratrice, et seront reformulés en objet d’art. C’est, à la fois, déroutant et bien agencé. Voilà un surprenant paysage littéraire à multiples échos.