Les revues Mœbius et Cahiers du Sens lançaient au début de l’année 2013 une nouvelle anthologie regroupant 40 poètes québécois et 40 poètes français d’aujourd’hui. C’est la deuxième initiative de ce genre entreprise par Mœbius : pour son numéro 49, il y a une vingtaine d’années, l’équipe dirigée par Robert Giroux avait rassemblé les auteurs les plus intéressants de la poésie française contemporaine.
Dans ce 136e numéro de la revue montréalaise (et ce numéro hors-série de la revue parisienne Les Cahiers du Sens), les auteurs présentés ont publié au moins un recueil après l’an 2000 ; leurs textes sont, à quelques exceptions près, inédits. Il ne s’agit donc pas ici des « classiques » en poésie, qu’on peut d’ailleurs retrouver dans d’autres anthologies, mais d’une production éminemment actuelle. Parmi les plumes québécoises, on y lit bien sûr les Jean-Paul Daoust, Nicole Brossard, Denise Desautels, Jacques Brault et autres incontournables. Ces incontournables sont sans doute plus nombreux chez les Français, vu le bassin de population proportionnellement au nombre d’auteurs choisis, ce qui explique en outre le peu de place laissé aux « jeunes » Français dans cet ouvrage. Un seul, Gwen Garnier-Duguy, est né dans les années 1970 – aucun après. Ce n’est pas le cas du côté québécois, où l’on peut citer les noms de Danny Plourde, Véronique Cyr et Benoît Jutras. Mais cela a-t-il une réelle importance ? Oui et non. Oui, au sens où une anthologie de ce type, faite d’inédits, serait aussi l’occasion pour le lecteur de découvrir de nouvelles voix et tendances. Mais non aussi, puisque la poésie a quelque chose d’atemporel, qui transcende, quand elle est grande, les époques, l’âge, les modes. La seule véritable réserve : le fait que nombre des poètes québécois sélectionnés ont déjà publié aux éditions Triptyque (aussi dirigées par Robert Giroux) ou dans la revue Mœbius. De toute façon, dans n’importe quelle anthologie, les choix sont très souvent arbitraires. Ici, Louise Warren, André Roy, Normand de Bellefeuille ou Carole David auraient pu figurer à la place des Michaël La Chance, Robert Giroux, Sylvain Campeau ou Émile Martel ; néanmoins, chaque nom se vaut en soi. Le plus important est le principe de cette initiative, faire connaître d’un côté et de l’autre de l’Atlantique un genre autrement mal diffusé, et cette action mérite d’être répétée.