Île du Cap-Breton, Nouvelle-Écosse. Guy Boucher, un adolescent d’origine acadienne, croise Corinne Fortune à une soirée dansante de l’école. Dès lors, sa vie déjà compliquée par les frasques de son oncle Isadore, un géant alcoolique qui parasite la famille, prendra une allure encore plus étrange. Victime des mensonges compulsifs de Corinne, celui qu’on ne surnommera plus désormais que le maudit Français – même s’il ne parle pas un mot de la langue de ses ancêtres – deviendra la cible de jeunes en mal de violence pour tromper l’ennui de la vie rurale. Cette année marquante dans la vie de l’adolescent trouvera son dénouement dans l’aide inattendue qu’il recevra d’un autre exclu de la petite communauté.
Si on entre dans Les saints de Big Harbour à petits pas, un peu décontenancé tout d’abord par les aspérités des personnages, on se laisse peu à peu captiver. Lynn Coady, elle-même originaire de l’île du Cap-Breton, sait rendre avec une acuité, un réalisme cru et ironique, la réalité souvent grise et pernicieuse de la vie rurale où tous connaissent tout le monde et où la vie se déroule entre l’usine de transformation du poisson, la taverne du village et les virées du samedi soir. Car à travers la complexité des personnages d’adolescents et d’adultes qui habitent ce roman, c’est davantage le fonctionnement social de ce monde clos, sa mécanique bien huilée de préjugés et de sectarisme menant inévitablement à la tragédie, qui est au cœur des Saints de Big Harbour. Une réalité bien exprimée par un personnage, le professeur de biologie : « La seconde loi affirme que, dans un système clos, l’entropie s’accroît. Entropie veut dire chaos. L’ultime système clos, bien sûr, c’est l’univers ».
Second roman de cette jeune auteure dont le premier roman, Strange Heaven, avait été en lice pour le Prix du Gouverneur général, Les saints de Big Harbour est une des bonnes lectures de l’année.