Paru initialement en 1982 après une carrière parlementaire intense commencée en 1976, le livre le plus connu de Lise Payette a été revu et mis à jour « pour qu’il aide les femmes à comprendre que la bataille du droit de vote est peut-être terminée depuis longtemps, mais que l’égalité des femmes en politique reste un idéal qui est loin d’être atteint ».
Récit à la première personne, Le pouvoir ? Connais pas ! n’est pas vraiment une autobiographie, mais plutôt les mémoires d’un personnage historique assez particulier : Lise Payette n’a pas été la première « femme en politique au Québec » ni la première femme à devenir ministre, mais elle fut la première femme québécoise ayant accédé à un statut de ministre à publier ses souvenirs. Son style est journalistique et efficace : ainsi, à propos de la difficulté de lier de nouvelles amitiés lorsqu’on occupe des fonctions ministérielles, elle écrit : « […] on ne sait tout ça qu’APRÈS », faisant ici allusion à l’isolement des puissants de ce monde, si souvent sollicités et courtisés. Elle réaffirme sa fascination pour la politique, mais confirme aussi la facilité « de faire de la politique au Québec ». Sur son apprentissage du métier de ministre, elle admet avoir profité des conseils de son ami Jean-Paul L’Allier, lui-même ancien ministre du cabinet de Robert Bourassa. Sur le malheureux épisode des « Yvette », un point tournant durant la campagne référendaire de 1980, Lise Payette reste marquée par le désaveu disproportionné que lui avaient fait subir plusieurs journalistes qu’elle considérait comme ses alliées naturelles ; elle se sent trahie et, dit-elle, demeure « profondément blessée par l’exécution publique de Lise Bissonnette de ce que je suis moi-même, de ce que j’ai été, de mes engagements profonds ».
Lise Payette admet par ailleurs s’ennuyer de certains de ses « chers collègues ». Sur René Lévesque, elle écrit : « C’est un homme qui peut encaisser longtemps. Mais attaqué, il se défend avec l’instinct d’un tueur ».
Les deux nouveaux chapitres ajoutés à cette édition semblent avoir été médités longuement et méritent une attention particulière quant à la situation fragile du Québec : « […] le Canada se fera sur notre dos, le bilinguisme […] se fera sur notre dos, la richesse canadienne se fera sur notre dos ». Plusieurs passages évoquent le rapatriement de la Constitution de 1982 contre le Québec : « Elle m’est toujours aussi étrangère que je suis étrangère à Toronto ou à Vancouver ». Au-delà des opinions, le parcours de Lise Payette demeure comme une traversée du désert ; son livre – à relire – révèle une politicienne sincère et intègre.