Le chagrin et la grâce c’est, à l’image du verre à moitié vide ou à moitié plein, une demi-réussite qui peut enchanter et agacer tout à la fois. Foisonnant dans les thèmes abordés comme dans les rebondissements de son intrigue, ce roman laisse néanmoins trop souvent voir les fils et les coutures de sa construction pour emporter totalement l’adhésion du lecteur.
Tout débute avec la tuerie du lycée de Columbine, au Colorado en avril 1999. Maureen, l’infirmière de l’établissement, a échappé de justesse au massacre. Absent le jour du drame, son mari, Caelum, bien que marqué lui aussi par cette tragédie où sont morts plusieurs de ses étudiants, fera tout en son pouvoir pour aider sa femme à surmonter son traumatisme et pour ramener son couple vers une vie normale. Mais, devenue dépendante des tranquillisants, Maureen tuera accidentellement un jeune homme alors qu’elle conduit sous l’influence de psychotropes. Condamnée à cinq ans de prison, elle purgera sa peine dans une prison de la côte Est d’où son mari est originaire.
Revenu s’installer sur la ferme familiale pour être plus près de sa femme, Caelum se heurte bientôt, de son côté, au mystère de ses origines après avoir découvert les archives d’une tante décédée. Dès lors, le roman qui s’annonçait comme la chronique d’un couple en détresse bifurque pour prendre l’allure d’un thriller psychosocial qui ramène le lecteur aux premières années de la guerre civile américaine. À mesure que progresse l’enquête, nous pénétrons dans un labyrinthe de mensonges, de fausses identités et de disparitions où l’on croise aussi bien les aïeux de Caelum que les premières suffragettes, Mark Twain et Abraham Lincoln. C’est la partie la plus réussie de l’ouvrage.
Wally Lamb sait comment nous faire rire et comment nous émouvoir. Mais on ne peut s’empêcher d’être agacé par son insistance à souligner le message qu’il veut transmettre et par le manque de consistance de certains de ses protagonistes. À sa décharge, il faut dire toutefois que l’inventivité dont il fait preuve dans Le chagrin et la grâce réussit, le plus souvent, à faire oublier les maladresses de sa construction.