L’année d’après est fait de ces éclats de conscience salvateurs, comme des îles dans le temps oublieux. À travers eux, Geneviève Letarte rend compte, au jour le jour semble-t-il, des mouvements intérieurs qui suivent la perte de l’être cher. Et la lente « repossession » de soi-même.
D’abord, celle qui fuit « par toutes les brèches » voudrait s’évanouir dans la multitude, revenir à ce tout mythique d’avant la naissance, à cette paisible nuit. Mais elle n’est qu’elle-même, prise dans un corps souffrant : « Le ventre / […] n’est rempli que de soi ». Autour, les plantes, les murs de la maison, les rues, les gens, leur ego démesuré, tout lui semble étranger. À part peut-être ce creux dans le réel, cette absence : « Mon regard vogue / Aux alentours / Comme un oiseau surpris // Il y avait quelqu’un ici ».
Puis, le monde se rapproche. Les poèmes alors traduisent des moments de grâce avec la nature – ceux-ci constituent sans doute les meilleures pages du livre. Le contact avec les arbres et les pierres, par exemple, ne nie pas l’oubli inévitable. Au contraire, il le révèle et l’exalte. Cette nature sera bienfaitrice, sans atténuer la douleur. Elle est partage.
Si les poèmes semblent parfois d’une (trop) grande simplicité, quand des constations presque communes les traversent, ils nous font basculer le plus souvent, aux vers finaux, dans une intimité pleinement habitée qui cherche à réinventer son rapport au monde. Car « [a]u pays du dedans / S’allument les grands feux ».