Quel rapport peut-il bien y avoir entre un couple retrouvé dans les ruines fumantes de leur demeure à Berlin, des adolescentes allemandes assassinées alors que ce sont les Juifs qu’on persécute et des chasseurs de nazis à Vienne ? Un seul lien possible : Bernhard Gunther, ex-policier de la Kripo, fin limier doté d’un rare sens de la répartie et d’un humour acéré.
Comme dans tout polar, chaque livre de cette trilogie s’ouvre sur un mystère à éclaircir : dans L’été de cristal, Hermann Six, puissant baron de la sidérurgie, engage Bernhard Gunther pour retrouver des diamants ayant appartenu à sa femme puis à sa fille, Grete, assassinée depuis peu aux côtés de son mari Paul, national-socialiste résolu. Le détective doit retrouver les diamants qui, selon Six, le conduiront inévitablement à l’assassin « J’avais déjà vu des pierres plus grosses, mais seulement sur des photos des pyramides. » Dans La pâle figure, Gunther retrouve rapidement l’individu qui fait chanter une riche veuve flegmatique : « Frau Lange s’installa dans une chaise longue verte et étala son chien sur ses larges cuisses comme si sa fourrure était un tricot qu’elle entendait poursuivre tout en m’expliquant son problème ». Mais sa tâche à peine accomplie, il se voit obligé de réintégrer la Kripo par l’oberführer Reinhard Heydrich. Sa mission : retrouver le tueur en série qui assassine des adolescentes à un rythme soutenu et selon une mise en scène toute particulière. Enfin, dans Un requiem allemand, engagé par un colonel soviétique, Bernie a cette fois pour tâche de prouver l’innocence d’Emil Becker, un de ses anciens adjoints pendant la guerre.
Outre ces intrigues de départ, Gunther doit traverser le dédale d’intérêts divergents pour résoudre d’autres affaires sordides liées, de près ou de loin, aux premières, avec pour toile de fond les pages les plus sombres de l’histoire. La trilogie s’ouvre en effet avec la montée du national-socialisme, en 1936, se poursuit dans les coulisses du nazisme où se trament les pogroms et l’extermination systématique des Juifs, et se clôt à Vienne en 1947, époque où les certificats de dénazification et les fausses identités sont essentiels à la survie des Allemands qui, nolens volens, ont fait partie des SS sous le IIIe Reich. Voilà donc les scènes où évolue le détective berlinois, scènes sur lesquelles il pose un regard d’Allemand aux prises avec sa conscience devant un totalitarisme qui ne tolère qu’une seule foi et qui multiplie les chefs et les sous-chefs chargés de casser les corps et les âmes.
Une écriture mordante, un enchevêtrement d’intrigues captivantes aux dénouements imprévisibles et crédibles, un personnage principal sympathique et charismatique combleront à n’en pas douter les lecteurs les plus exigeants.