Les échanges épistolaires occupent une grande place dans l’œuvre d’Alexandre Vialatte. L’écrivain auvergnat a correspondu avec une centaine de ses contemporains, parmi lesquels Franz Hellens, Raymond Queneau et Jean Paulhan. La relation épistolaire la plus considérable est celle qu’il a entretenue avec Henri Pourrat de 1916 à 1959. Commencée du temps où Vialatte était collégien, et Pourrat, un écrivain déjà célèbre, elle s’est poursuivie jusqu’à la mort de ce dernier. En tout, Vialatte a signé pas moins de huit cent onze lettres, dont 102 sont reproduites ici. Les trois années dont elles proviennent (1924-1927) sont celles où Alexandre s’est mis à affirmer, devant son parrain littéraire, sa personnalité d’écrivain. À l’intérieur d’un itinéraire passant par Paris, Berlin et Mayence, le jeune Auvergnat explique ses projets d’écriture et de traduction, dans un contexte qui voit naître plusieurs des chroniques reprises dans Les bananes de Königsberg (posthume, 1985). On s’étonnera seulement du peu d’allusions faites à Kafka à l’époque précise où Vialatte (qui le traduira pendant trente ans) en a fait la découverte.
La correspondance avec Jean Dubuffet est d’un tout autre registre. Le livre ne se limite pas à la seule voix de Vialatte, ni même au genre épistolaire. Il fait la part belle aux articles, croquis et autres documents susceptibles d’éclairer la fascinante sympathie qui s’est développée entre les deux créateurs insolites qu’étaient l’auteur des Fruits du Congo et l’inventeur de l’art brut, célèbre pour ses « portraits à ressemblance évitée » ou ses « portraits de vaches ». Vialatte lui consacra des chroniques chaque année de 1953 à 1970. Il l’avait surnommé « le jardinier du Grand Magma » et disait l’admirer parce que « son humour se détache sur du cataclysme ». En plus d’ouvrir sur le quotidien des deux hommes, ce livre retrace l’atmosphère où est née leur parenté esthétique et intellectuelle, entre Montparnasse et le Morvan.