Dix ans après la mort de Monique Bosco survenue en mai 2007, près d’une trentaine de coauteurs, pour la plupart amies complices en littérature et anciennes étudiantes devenues écrivaines, lui rendaient hommage. Le résultat : un portrait vivant, révélant la personnalité complexe de cette femme exceptionnelle. Des traits insoupçonnés apparaîtront à qui ne l’a rencontrée que dans son œuvre. Celle-ci, plutôt sombre, laisse entrevoir une femme meurtrie et tourmentée. Pour cause : l’écrivaine a subi l’injustice dès son plus jeune âge. Née juive, elle a dû fuir Vienne avec sa famille, abandonner sa langue maternelle, se cacher en France, s’y convertir au catholicisme en 1941 pour échapper aux camps de la mort. Aussi son œuvre sera-t-elle traversée par une tonalité tragique, dénonçant abus de pouvoir, racisme, guerres, voire des institutions comme le mariage et la famille.
Mais ses proches, qui bien sûr soulignent son militantisme, sa générosité et son engagement, se souviennent de ce que ses poèmes, nouvelles, romans et essais ne font pas entendre, son rire. Un attribut que la plupart des coauteurs évoquent : « […] son secret est dans le rire. D’un rire, passer par-dessus l’horreur », de dire Hélène Cixous. Quant à Jean-Paul Daoust, ancien étudiant et l’un des quatre hommes à témoigner, il se rappelle : « quand Monique riait, c’était un entrelacs de petits gloussements, de petits cris étouffés… » Dans ses cours de création littéraire – cours dont elle a été une pionnière en dépit des opposants pour qui l’écriture ne s’enseigne pas, pionnière également dans l’enseignement de la littérature féminine –, avec le rire, rigueur, curiosité et ouverture ont été sa marque. Elle fut pour ses étudiantes et étudiants « la Maestra », une femme libre au franc-parler, un modèle, « femme profonde à l’infinie culture […] capable de légèreté ».
Un choix de photos illustre sinon la légèreté, à tout le moins la propension à l’amitié et au partage : tantôt en classe, ici autour d’un repas avec des amies dont Anne Hébert, là en vacances à Key West avec Marie-Claire Blais ; ou bien encore, entourée de la famille vietnamienne qu’elle a comarrainée à l’époque des boat-people. D’autres photos en noir et blanc révèlent un trait de l’écrivaine connu que de ses proches : Monique Bosco s’adonnait à la peinture – natures mortes et portraits de femmes. Selon Hélène Cixous, complice par-delà l’océan, « Rire et Peindre, ce sont deux effusions archétypiques de Monique. En ces deux épanchements elle est sans pareil/le ».
Avec Monique Bosco se referme sur une chronologie et une bibliographie qui attestent de l’apport considérable de l’écrivaine et professeure dans la vie intellectuelle et littéraire du Québec.