« En juillet 2023, Milan Kundera aura quitté ‘la planète de l’inexpérience’ », écrit Kateri Lemmens en introduction de « Que me restera-t-il de Milan Kundera ? » À cette professeure de littérature et à l’ex-professeur de philosophie René Bolduc, nous avons demandé de réagir de façon toute personnelle à ce décès. À l’écrivain Jean-Paul Beaumier, de revisiter, à la lumière d’une relecture de l’œuvre, les derniers titres parus. À l’illustrateur Stéphane Lemardelé, de traduire en image sa vision de l’auteur. Merci* à tous et chacune !
« Que me restera-t-il de Milan Kundera ? » par Kateri Lemmens
« De l’insoutenable légèreté de l’être à l’insatiable quête de beauté » par Jean-Paul Beaumier
« Trouver Kundera » par René BolducEn complément : « Des BD tchèques pour tous les goûts »
Chronologie
1929 – Naissance de Milan Kundera le 1er avril à Brno, en Tchécoslovaquie.
1953 – Parution du recueil de poésie Člověk zahrada širá (L’Homme ce vaste jardin), premiers textes publiés par l’auteur.
1967 – Publication à Prague de son premier roman, Žert, traduit en français l’année suivante sous le titre de La plaisanterie et préfacé par Louis Aragon.
Janvier à août 1968 – (Le Printemps de Prague) Alexander Dubček accède à la tête du Parti communiste tchécoslovaque et tente de mettre en place un « socialisme à visage humain ».
Août 1968 – Invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie. Début d’une période de censure qui durera jusqu’en 1989. Kundera, licencié de l’Université de Prague dans les mois qui suivent, ne peut plus publier.
Si mes amis et moi nous nous sommes battus contre l’oppression idéologique dans notre pays, ce n’était pas pour créer une littérature engagée dans la lutte politique de la dissidence, mais pour défendre l’indépendance de la littérature.
Milan Kundera, le 2 octobre 1978, lors de la première séance de la Rencontre québécoise internationale des écrivains tenue au Mont Gabriel.
1973 – Prix Médicis étranger pour La vie et ailleurs (Gallimard), d’abord paru en 1969 (Život je jinde).
1975 – Kundera quitte la Tchécoslovaquie avec sa femme pour s’établir en France.
1978 – Participation à la Rencontre québécoise internationale des écrivains, tenue au Mont Gabriel et ayant pour thème « Littérature et réalité ».
1979 – Kundera perd sa nationalité tchèque après la publication du Livre du rire et de l’oubli.
Je n’ai pas quitté la poésie, je l’ai trahie. Pour moi, la poésie lyrique, ce n’est pas seulement un genre littéraire mais avant tout une conception du monde, une attitude vis-à-vis du monde. J’ai quitté cette attitude comme on quitte une religion.
Milan Kundera, Entretien avec Milan Kundera, par Normand Biron, Liberté, vol. 21, no 1 (121), janvier-février 1979.
1981 – Kundera est naturalisé français.
1981 – Parution de la pièce Jacques et son maître, hommage à Denis Diderot en trois actes chez Gallimard. Cette pièce est présentée à Prague et partout dans le pays entre 1975 et 1989. Elle échappe à la censure car on l’attribue faussement à Evald Schorm, un ami de Kundera.
1984 – Parution de L’insoutenable légèreté de l’être. La première édition est une traduction française publiée chez Gallimard.
Les démocraties populaires de l’Est, ce sont trois mensonges dans une seule phrase. Parce que ce ne sont ni ‘démocraties’, ni ‘populaires’, ni ‘de l’Est’. […] C’est en fin de compte le devoir de l’écrivain de veiller sur la pureté de chaque mot.
Milan Kundera à l’émission française Apostrophes, le 27 janvier 1984.
1985 – Publication de la version originale en langue tchèque de L’insoutenable légèreté de l’être (Nesnesitelná lehkost bytí) par 68 Publishers, une maison d’édition torontoise.
1986 – Parution de L’art du roman, un essai en sept parties portant sur l’écriture et le roman européen. L’ouvrage est récompensé par le Prix de la Critique de l’Académie française l’année suivante.
1989 – (Révolution de velours). Un important soulèvement populaire non violent entraîne la chute du régime du Parti communiste tchécoslovaque. Des milliers de manifestants se rassemblent dans les rues et demandent des réformes.
1990 – L’immortalité paraît en France. Ce roman est la dernière œuvre écrite en tchèque par Kundera.
1992 – Division de la Tchécoslovaquie (République fédérative tchèque et slovaque) en deux États indépendants : La République tchèque et la Slovaquie.
1995 – Parution de La lenteur, premier roman écrit directement en français par l’écrivain.
2001 – L’Académie française décerne à Kundera le Grand Prix de la littérature pour l’ensemble de son œuvre.
2011 – L’œuvre de Kundera entre dans la collection « La Pléiade ».
2014 – Parution de La fête de l’insignifiance, son dernier roman. L’écrivain a alors 84 ans.
2019 – Kundera retrouve sa nationalité tchèque.
2020 – Le roman de la dévastation. Variations sur l’œuvre de Milan Kundera, de François Ricard, paraît chez Gallimard. Le livre rassemble douze essais d’abord publiés comme postfaces aux romans de Kundera parus dans la collection « Folio ».
2023 – Décès le 11 juillet à Paris.
* Merci également à l’artiste cubain Ramsés Morales Izquierdo, à Louis Jolicoeur ainsi qu’à Vincent Collard, Maxime Fiset et Martin Pâquet.