Après avoir débusqué les différentes formes que peut prendre l’imposture dans son premier recueil de nouvelles, Un sourire incertain, Bernard Lévy met en scène la compétition en prenant le sport comme fil conducteur dans ce nouveau livre. Huit sports que l’auteur connaît bien, comme en font foi certains passages dans lesquels il parodie le vocabulaire des chroniqueurs sportifs. La première nouvelle, qui donne son titre au recueil, interpelle le lecteur par l’emploi inhabituel du pronom « tu ». L’écrivain le fait marcher au sens propre. « Tu traverses la ville en marchant à grandes enjambées. » Le voilà donc en quelque sorte obligé de reconnaître l’esplanade Vorochilenko à Griskoi, dans la République de Bristélénie, un improbable pays de l’Europe de l’Est. Pourtant, c’est à lui-même que s’adresse le héros du « Souffle court », un champion de course à pied, amoureux de la belle Olga. Devenu historien, il enseigne l’histoire contemporaine, tout en regrettant qu’il n’y soit jamais question des mobiles des actes exécutés. En effet, être un sportif de haut niveau n’empêche pas d’être aussi un intellectuel, ce qui permet à Bernard Lévy de transmettre ses idées sur la marche du monde. Ainsi le président de ce pays utopique « a bradé la ressource naturelle la plus prometteuse. Les Américains ont tout exploité ». Les choses ne vont pas mieux en Afrique, comme on le constate dans la nouvelle intitulée « Mutuzu », dans laquelle Mutuzu 1er, roi de Branago, organise un concours de sauts pour déterminer la hauteur du portail de son château, mais y ajoute ensuite deux mètres. Le gagnant, Siam Papirdayo, profite d’une compétition à l’étranger pour demander l’asile politique. Devenu danseur, il aimerait revenir dans sa patrie, mais « il craint que celui qui succédera au potentat actuel n’impose des lois plus dures encore ». Deux sports d’équipe sont présents dans ce recueil : le football avec « Zidane ou la huitième minute » – la seule nouvelle dans laquelle le héros est une personne réelle – et le baseball avec « Le baseball sauvera l’Amérique ». Trois nouvelles ont une connotation fantastique. La plus étonnante est peut-être « L’homme qui a vu l’ours », dans laquelle la narration est faite au « je » par un ancien coureur de cross-country qui est persuadé d’avoir été attaqué par son rival métamorphosé en… ours-garou. En somme, comme l’auteur l’écrit dans son introduction à la nouvelle sur la boxe, « Maxime ou l’art de l’esquive », le lecteur devrait pouvoir « tirer [de ce livre] plaisir et sagesse ». Pour ma part, bien que je sois peu sportive, je suis passée d’une histoire à l’autre avec la même hâte que j’aurais eue à lire le chapitre suivant d’un roman. Seul bémol très personnel : la couverture, qui illustre la première nouvelle, ne me paraît pas rendre justice aux différents niveaux de lecture auxquels le livre se prête.
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