Les Contes de hautes mers et d’au-delà de Sylvain Rivière nous font voyager d’un bout à l’autre de la Gaspésie, de trésor en mystère, « de batture en cap, de côte en crique, de rêve en réalité, d’odeurs salines en griserie matinale ». Très près de l’oralité par leur ton plein de bonhomie et les parlures colorées qui les traversent, les contes de Rivière sont également empreints d’une bien belle poésie. C’est en effet avec un souffle digne de l’air du grand large et avec des tournures tout à fait fascinantes – un peu comme le deviennent le moindre coquillage, le moindre caillou, le moindre bout de bois poli soudain trouvé sur la plage – que nous sont contées ces histoires, ces vies, ces morts.
On y parle de « partances », de naufrages et d’amour. De deuils, de braconnage, de grands rêves et d’errance. De Carleton à New Carlisle, de L’Anse-à-Beaufils à l’île aux Hérons, on y rencontre des curieux, des « suiveux », des « écornifleux ». Des commères, un Monsieur-le-Curé. Et puis, surtout, tous ces destins fabuleux, à l’occasion farfelus, que seuls les contes peut-être, par leur apparence de rumeurs et leur parfum de bouche à oreille, parviennent à nous faire embrasser pleinement.
Minique-la-Dérive, Kelvin Carson, Théodore, Pit, Flandrin, Gounne, Horace, Modeste Essiambre : voilà autant de petites et de grandes existences, dont on est infiniment reconnaissant qu’elles nous soient livrées par Rivière. Autant de ouï-dire, de silences de mort et de paroles données qui nous rappellent « qu’entre le dit et l’entendu », « de bouche en bouche et de marche en perron d’église », au cœur même du plus banal quotidien, se cachent le merveilleux, le fantastique, le démesurément beau. Le sublime également – l’inépuisable mystère de l’incertain, du peut-être-bien-que, du il-paraîtrait-que ; bref, toutes ces traces de vie, à demi inventées, à demi rapportées, qui composent ce qu’on appelle la mémoire.