Marco Micone, enseignant, dramaturge, traducteur et polémiste (peut-être malgré lui avec son Speak What, en 1989), vient tout juste de publier Silences, une réécriture de Gens du silence (Québec Amérique, 1982). Micone doit certainement avoir une relation particulière avec ce texte, car il l’avait déjà revu et corrigé en 1988 (Guernica).
Marco Micone, né en Italie mais vivant au Québec depuis 1958, n’aurait pu choisir meilleur titre à ce court texte dramatique. En effet, la déchirure du déracinement et l’inconfort ressenti dans le « pays d’adoption » sont si complexes qu’il vaut peut-être mieux les passer sous silence. L’incommunicabilité tend, il est vrai, plus aisément au mutisme qu’à l’expression des émotions humaines.
Le Montréal des années 1950-1960 y est très bien décrit et le ton, la poésie, l’humour et l’émotion de Marco Micone s’imbriquent parfaitement à ce décor. On peut se demander, toutefois, si la thématique est toujours d’actualité, car le Montréal décrit dans Silences n’est certes plus le Montréal d’aujourd’hui. Les tensions linguistico-religieuses des premières familles qui créèrent le Québec multiculturel font parfois sourire et on peut, à juste titre, se demander comment on pourrait monter ce texte en respectant les divers accents (essentiels au développement dramatique) sans tomber pour autant dans le spectacle ethnique. Les réalités économiques, l’accès limité à l’éducation de son choix et le racisme omniprésent sont, bien entendu, choses du passé. Le Québec d’aujourd’hui est ouvert sur le monde moderne, pluraliste et politiquement correct Cela dit, il suffit de remplacer « famille italienne » par « famille serbo-croate » ou par « famille musulmane » ou encore d’arabiser les noms et prénoms des personnages pour voir Silences sous un tout autre œil et en faire jaillir toute l’actualité. On comprend ainsi peut-être mieux pourquoi Marco Micone tient tellement à ce texte dans lequel les silences révèlent souvent plus que les mots.