C’est à une commande d’éditeur que Christine Angot répond en proposant une réécriture d’un conte de Charles Perrault. Transposée dans les années 1970, Peau d’Âne grandit dans le giron d’une mère célibataire, peu fortunée, mais qui arrive tout de même à vêtir sa fille mieux que la plupart de ses copines de classe. Peau d’Âne est toujours habillée à la dernière mode. D’une enfance enveloppée des langes maternels à l’âge adulte où c’est le regard du père qui habille la jeune femme, l’héroïne bute constamment contre ce qui la définit aux yeux des autres et d’elle-même.
La version originale du conte met en scène un roi qui jure à sa femme mourante de n’épouser en secondes noces que femme plus belle. Dans tout le royaume, il n’en trouve aucune qui surpasse sa défunte en beauté. Aucune, sauf une fille, sa fille, son unique enfant qui est tout le portrait de sa mère, en mieux. Le père, prêt à tout donner pour épouser sa fille – il répond positivement à toutes ses conditions en l’habillant de robes et de bijoux fabuleux – la contraint à fuir, une peau d’âne sur le corps pour camoufler son identité.
Dans le texte de Christine Angot, le père de Peau d’Âne n’apparaît qu’une seule fois, lorsqu’il vient visiter la mère de la petite. Au moment où sa fille se met au lit, il va la border : « […] quand il est venu lui dire au revoir dans sa chambre, il lui a roulé une pelle, en lui disant qu’il fallait ouvrir la bouche, que c’était comme ça qu’on embrassait, et qu’on respirait par le nez ». Il s’agit là du seul contact physique entre le père et la fille. À ce moment précis du récit, un regard particulier naît. Regard incestueux, thème cher à l’auteure. Ce qui pèse sur les épaules de toutes les Peau d’Âne, c’est ce regard paternel qui transforme l’enfant, l’angelot, en un adulte pourvu d’un sexe.
En ce sens, l’écriture de Christine Angot sert bien l’exercice. Le langage utilisé est à la fois direct, à prendre au premier degré ; mais aussi volatile, voire angélique. Parfois, il faut l’admettre, le maintien de ce double ton langagier semble forcé, quelque peu artificiel.
Les fanatiques et spécialistes de l’écrivaine française aimeront. Les autres… reliront avec plaisir le conte de Perrault.