Issue d’un milieu traditionnel et plutôt aisé, l’historienne née à Verdun (Montréal) en 1935 reconnaît avoir été privilégiée.
Dans les années 1950, années sombres d’un Québec se terrant sous les autorités combinées de l’Église catholique et de Duplessis, accéder à des études universitaires n’était guère le lot des femmes. Et pourtant.
Dans son autobiographie De si longues racines, Micheline Dumont revient sur les événements qui ont marqué sa vie, sur ce qui a fait d’elle la professeure émérite et la féministe qu’elle est devenue. Elle raconte d’où elle vient, elle, l’aînée de six filles, quels ont été son enfance, ses études, ses émois amoureux, sa vie d’épouse et de mère. Dès 1945, elle a milité dans les rangs de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC), et l’idéologie catholique fera longtemps partie de ses valeurs profondes.
L’historienne a eu un cheminement universitaire inusité. Elle obtient à l’Université Laval, en 1964, un diplôme d’études supérieures, et son imposant mémoire a pour titre « Les missionnaires auprès des autochtones en Acadie, les Micmacs, les Malécites et les Abénaquis, sont-ils des agitateurs (version anglophone) ou des apôtres au service de l’Église de France (version francophone) ? ». Son parcours de professeure ne débutera cependant que dans les années 1970, à l’Université de Sherbrooke, laquelle avait accepté « que dans mon cas, [le diplôme d’études supérieures soit] l’équivalent d’un doctorat ».
Si Micheline Dumont est aujourd’hui reconnue comme spécialiste de Laure Conan (1845-1924), elle l’est davantage comme coautrice de L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, première synthèse sur le sujet parue en 1982. L’octogénaire avoue n’être devenue féministe qu’à l’âge de 40 ans, après avoir lu Ainsi soit-elle de Benoîte Groult (1975) : « La vérité me dessille les yeux : j’étais féministe sans le savoir. Je l’étais sans doute depuis l’âge de dix ans ! » Étudiante, elle avait pourtant lu Simone de Beauvoir, Betty Friedan et Germaine Greer, mais « sans que se produise le clic indispensable pour me remettre en question ». Elle a fort bien rattrapé le temps perdu, car La pensée féministe au Québec. Anthologie (1900-1985), parue en 2003, fait maintenant autorité.
Au cours de sa longue carrière, l’historienne a maintes fois été honorée : elle est membre de la Société royale du Canada et de l’Ordre du Canada ; elle a reçu plusieurs récompenses, dont le prix Idola St-Jean et le prix Gérard-Parizeau de HEC Montréal. Témoin d’une époque, Micheline Dumont a obtenu, en 2017, le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne » – moment charnière, remontant à 1929, dans la défense des droits des femmes –, une reconnaissance créée pour souligner la contribution de Canadiennes à la progression de l’égalité entre les femmes et les hommes.