Ce n’est certes pas la couverture cartonnée grise et le sombre titre qui nous ont mis en appétit. Il aura suffi d’un nom à la sonorité inhabituelle pour que la porte soit ouverte. Le lecteur, dans l’entrebâillement, guette la singularité promise. On a qualifié de baroque l’univers de Jaume Pont et en effet, dès les premières pages, le poète entrelace avec minutie des fils blancs et noirs qui orneront comme une inscription illisible une pierre funéraire. « À mon père, in memoriam », écrit-il en exergue. Quand le monde est un songe, quand l’autre est illusion, son agonie puis sa mort sont avant tout celles du témoin. Et quand le témoin s’adresse à cet autre « de l’autre côté du labyrinthe », puis à l’hôte qui habite l’autre, la parole se retourne sur elle-même comme l’œil se renverse ; ainsi meurt le songe. Le ciel, la terre, le sommeil s’écoulent par « les trous d’un œil qui n’a pas de fond ». Le cycle des saisons neuves, en commençant par la fonte d’une neige noire, s’accomplit. Au Moyen Âge l’on disait que l’âme s’écoulait par la bouche du moribond sous la forme d’une bile noire. Dans la poésie de Jaume Pont, comme toute figure est dédoublée, la mort est liquéfaction, corps et âme drainés par la terre, mais aussi envol, nuages, battements d’ailes au-dessus du feu. Peu s’en faut pour que la voix, sans poids désormais, ne bascule dans le silence. En son absence, les éléments, dénaturés, se déchaîneront sans fin : la pluie s’abritera sous le feu, les eaux souffleront, l’inanimé « caillera ». Au cœur de cette tempête d’images antithétiques, difficile de trouver le nord. Qui plus est, les pistes sont changeantes et multiples.
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