À une époque où le touriste laisse sa trace dans tous les recoins de la planète, où les guides de voyage abondent, Lonely Planet lance sa nouvelle collection « Écrivains voyageurs », vouée à la littérature de voyage. Permettra-t-elle à un lectorat habitué aux conseils pratiques de s’ouvrir à des récits personnels qui amènent une nouvelle perception des contrées lointaines ? Deux premiers récits y paraissaient en mai dernier, dont Vietnam, mémoires vives de François Tourane.
Préfacé par Jean Lacouture, le récit de voyage, sincère et sensible, est parsemé de références littéraires. Pensons entre autres aux nombreuses adresses à Henri Michaux, que l’auteur traîne dans son baluchon. Composée de fragments (lettres, dialogues, inventaires, récits ou poèmes en prose), la forme du récit colle à la réalité morcelée que perçoit l’œil du voyageur. Les fragments sont regroupés par chapitres, ceux-ci déterminés par un lieu, que ce soit une ville comme Hanoi ou Dalat, une île, Titop, happée par le tourisme, ou encore un sanctuaire abandonné.
Mais si le lieu est prétexte à bien situer l’aventure et les propos du voyageur, ce sont véritablement les rencontres qui donnent le rythme et révèlent la saveur du pays parcouru. En ce sens, Vietnam, mémoires vives est un vibrant hommage à la figure de l’autre. Grâce à ces personnages rencontrés, qui tous portent une histoire incroyable, on saisit l’empreinte d’un passé historique tourmenté sur la vivacité d’un présent en pleine évolution. De là le titre du livre : la rencontre de véritables mémoires vives, celles du pays, de ses habitants, celles de l’auteur. S’y entremêlent des impressions de fascination orientale, aussi bien sur l’absurdité de la guerre que sur les délices culinaires.
Avec une certaine dose d’humour, le récit réussit à livrer une panoplie de connaissances qui reflètent l’âme du Vietnam d’aujourd’hui, ce qui n’est pas sans démentir le statut de François Tourane, correspondant de presse dans le Sud-Est asiatique depuis plus de dix ans. L’auteur termine en disant que, même s’il ne comprend toujours pas les Vietnamiens, il les aime profondément, de « l’amour déformé de l’exilé, de l’amour imparfait du fils adoptif, mais de l’amour entier ». Et nous auront été séduits à notre tour.