Depuis 1978, dès la parution de La grosse femme d’à côté est enceinte, Victoire est bien présente dans l’univers de l’auteur. Pour le plus grand plaisir de ses lecteurs, l’écrivain remonte le temps jusqu’en 1898 et raconte les prémisses des amours interdites qui l’unissent à son grand frère Josaphat-le-violon.
En ajoutant un point d’exclamation au titre, Victoire !, Michel Tremblay indique que non seulement il veut rendre hommage au personnage coloré qu’il a introduit dans nombre de ses romans, mais qu’il tient aussi à souligner dans ce récit un haut fait, un heureux dénouement. Les fans du prolifique auteur savent que Victoire, née en 1878 à Duhamel, dans la Petite-Nation, puis exilée à Montréal, est la belle-mère de Nana, la Grosse femme, et par conséquent la grand-mère paternelle de Jean-Marc, l’alter ego de Michel Tremblay. Afin de célébrer ses origines familiales, l’écrivain propose une émouvante élégie, un poème mélancolique, un vibrant hymne à l’amour et à la nature. Et à la musique.
Il est vrai que Josaphat-le-violon est digne du surnom qu’il n’a pas usurpé. Pour conquérir le cœur de son adorée jeune sœur – qui revient d’un long exil de sept ans dans un couvent de Papineauville –, il lui joue ses premières compositions. Victoire s’étonne de son nouveau talent : « Cette musique cachait-elle quelque chose que je ne voyais pas, un secret qu’il ne pouvait exprimer qu’à travers son instrument de musique ? » Josaphat est avare d’explications : « Pourquoi tu veux savoir où j’ai appris ça, d’abord ? Ça a aucune importance… » Les lecteurs assidus des Chroniques du Plateau Mont-Royal et de La diaspora des Desrosiersconnaissent la réponse, car eux savent que ce sont les invisibles fées Rose, Violette et Mauve, et leur mère Florence, qui ont initié Josaphat à la musique. Entre autres choses.
Orphelins depuis à peine six mois, puisqu’ils ont perdu leurs parents le jour de Noël précédent dans l’incendie de l’église du village, Victoire et Josaphat réapprennent doucement à se connaître. Leurs retrouvailles se font petit à petit et leur amour fraternel se développera en amour tout court. Au cœur des Laurentides, dans une nature magnifiée, et au son des doux ou terribles accents du violon de Josaphat, Victoire comprend que le bonheur est à sa portée. « À cause justement du violon, une vérité, une possibilité de vérité, m’est tombée dessus, qui a failli me tuer. » Victoire a maintenant son destin en mains et ce sera à elle de choisir.
En page couverture, la reproduction d’un tableau du Russe Chaïm Soutine résume l’intrigue : main dans la main, un garçonnet et une fillette sont en route vers un futur incertain.