Le livre écrit par Dominique Bourg et Kerry Whiteside nous propose une réflexion sur les liens qui unissent la politique et l’écologie aujourd’hui. Il s’est agi ainsi de chercher à savoir si les démocraties libérales permettent d’apporter une réponse appropriée au « défi écologique ». Si la solution proposée par les auteurs en laissera plus d’un songeur, il faut toutefois convenir que cet ouvrage a l’insigne mérite de nous amener, dans un langage toujours clair et précis, à envisager une problématique capitale pour l’avenir.
Dans sa célèbre conférence « De la liberté des anciens comparée à celle des modernes », Benjamin Constant a voulu montrer que seul le gouvernement représentatif convient à la situation des modernes. Alors que les anciens estimaient que la liberté se trouve dans la participation à la vie civique, les modernes, pour leur part, envisagent d’abord celle-ci comme étant la possibilité de jouir sans entrave de leur indépendance. Dès lors, ces derniers ont été conduits à confier la gestion du politique à des représentants de manière à pouvoir se consacrer à leurs affaires. Voilà pourquoi la représentation vise à défendre les intérêts actuels des individus qui composent les sociétés humaines.
Les auteurs du petit essai Vers une démocratie écologique estiment cependant que ce type de régime politique, en raison même de ses principes, n’offre pas de solution véritable au défi écologique. En effet, le gouvernement représentatif, dont la finalité première est l’administration des intérêts présents, ne peut assumer nos devoirs envers tous ces vivants qui sont, pourrions-nous dire, sans intérêt. Ni les générations futures ni les bêtes, et encore moins les forêts, ne votent et nul n’est tenu de les représenter dans nos délibérations.
Pour toutes ces raisons, et d’autres encore mentionnées dans l’ouvrage, il semble que nous n’ayons d’autre choix que d’inventer de nouvelles institutions afin d’établir les bases d’une « démocratie écologique ». Les auteurs proposent notamment de modifier nos Constitutions afin d’y inclure des prescriptions relatives aux « biens publics mondiaux environnementaux », d’instituer une « académie du futur » qui aurait pour fonction de conseiller les gouvernants et de fonder un nouveau sénat qui veillerait au respect de nos devoirs envers la nature.
Nul doute que l’essai de Bourg et de Whiteside ne constitue une réflexion non seulement utile aujourd’hui, mais plus encore nécessaire. Il reste à savoir si une telle « biopolitique » suffit pour répondre au défi que pose le respect de notre environnement naturel, car que vaut, en démocratie, une loi si elle ne s’enracine pas dans l’esprit du souverain, c’est-à-dire le peuple ? Or, à constater avec quelle irrépressible passion celui-ci s’abandonne aujourd’hui à la surconsommation, il y a lieu de s’interroger sur la possibilité d’instituer une pareille politique.