Underworld USA, le dernier opus de James Ellroy, le pape du roman noir, met un point final à sa trilogie éponyme inaugurée quinze ans plus tôt avec American Tabloïd, suivi par American Death Trip en 2001. Dans cette trilogie, Ellroy a voulu explorer « les égouts de l’histoire américaine » ‘ ce sont ses propres termes ‘ entre la fin des années 1950 et le début des années 1970. Son dernier-né couvre la période qui va de 1968 à 1972, soit de l’assassinat de Robert Kennedy et de Martin Luther King au cambriolage du Watergate.
Impossible de résumer toutes les intrigues qui courent dans ce roman de près de 900 pages. Disons, pour en donner une idée très sommaire, qu’il s’agira pour l’un ou l’autre des principaux protagonistes ‘ trois hommes au passé chargé ‘ de mettre la main sur le butin d’un braquage survenu en 1964, de blanchir l’argent provenant de la vente de casinos appartenant à la mafia, de relocaliser les maisons de jeu dans une dictature de l’Amérique latine, d’infiltrer des groupuscules d’activistes noirs pour les discréditer et de retrouver des gauchistes en cavale. Au cœur de ces différentes intrigues grouille une nuée de personnages réels (Hoover, Nixon, Giancana, etc.) et fictifs : policiers pourris, agitateurs politiques douteux, exécuteurs à la petite semaine, racistes fanatisés, mafiosi en cheville avec le pouvoir, politiciens corrompus, passionarias de la Révolution déguisées en femmes fatales.
Au final, que reste-t-il de cette virée dans un univers où les forces du mal et celles du bien jouent la même partie sanglante ? Si l’on reste admiratif devant l’art que démontre Ellroy dans l’élaboration des intrigues touffues et complexes jusqu’à s’y perdre, on n’est pas toujours convaincu par les personnages eux-mêmes. Non pas tant en raison des innombrables retournements et trahisons auxquels ils se livrent entre eux, mais en raison surtout de l’incohérence psychologique qui en résulte. Ici l’excès tue la vraisemblance. Plus lisible qu’American Death Trip, mais moins passionnant qu’American Tabloïd, Underworld USA n’est pas le chef-d’œuvre que certains ont annoncé. Pour renouer avec le grand Ellroy, peut être faudra-t-il attendre la suite de son autobiographie annoncée pour l’an prochain.