Dans sa dernière œuvre, prix Médicis étranger 2020, l’auteur raconte ses déambulations dans des villes où il a déjà vécu, Madrid, Lisbonne, Paris ou New York. Il tient compagnie aux Baudelaire, Joyce, Melville, Pessoa ou Walter Benjamin qui y ont aussi séjourné, et partage ses rêveries et ses réminiscences littéraires.
Depuis 1987, Antonio Muñoz Molina a publié une trentaine de livres, et en 2018 paraissent dans Un promeneur solitaire dans la foule ses réflexions nées de ses balades buissonnières. Fin observateur, l’Andalou s’étonne et rend compte des beautés et des laideurs du monde contemporain qu’il côtoie aux détours de ses promenades avant de les analyser. Il cultive l’art de l’errance, tout en sondant l’âme des villes. Il a d’ailleurs habité New York pendant une quinzaine d’années, alors qu’il y dirigeait l’Institut Cervantes, une institution culturelle relevant du ministère espagnol des Affaires étrangères.
Tout en poursuivant ses fantômes littéraires, Molina livre des carnets plutôt de vagabondage que de voyage, mais en tant que grand connaisseur de l’errance. Tout comme Gérard de Nerval et plusieurs autres, souffre-t-il de dromomanie, l’élégante maladie de qui sent un besoin irrésistible et impulsif de se déplacer ?
Molina avoue sa tristesse : « Comment vaincre […] le découragement de constater le peu d’espace réservé à la littérature ? Tel est le monde dans lequel je vis, celui-ci et non un autre ». Il voudra combler ce vide qui le hante en imaginant des rencontres fictives avec autant d’artistes qui ont déambulé dans les villes qu’il présente. C’est l’Irlandais Joyce qui erre dans les rues de Trieste, Proust qui se promène à Paris, Pessoa qui musarde à Lisbonne ou l’intrigant photographe-peintre tchèque Miroslav Tichý qu’il pense avoir croisé un jour à Madrid. Molina partage aussi la pensée de certains des auteurs cités : « En lisant Thomas De Quincey, qui écrit sur Londres, et Poe, qui décrit depuis New York un Paris imaginé, [Baudelaire] s’impose le travail colossal et en rien lucratif de les traduire tous deux ». Une véritable invitation au voyage s’il en est.
Aux quelques photos permettant de bien identifier ces grands écrivains, s’ajoutent des collages de la main même de l’auteur et le tout illustre avec bonheur les 500 pages de l’imposant « éloge érudit de la flânerie », tel qu’il est exprimé en quatrième de couverture. La lecture de ce monument n’est pourtant pas chose aisée, beaucoup de détails, beaucoup d’énumérations pourraient en lasser plus d’un. Commencer chacun des mots des premières phrases de chaque paragraphe par une majuscule, alors qu’elles sont déjà en caractères gras, alourdit le texte et en diminue la lisibilité.
Antonio Muñoz Molina a reçu de nombreux prix dont le Femina étranger en 1998 et celui de Prince des Asturies en 2013 – aujourd’hui Princesse des Asturies –, auxquels s’ajoute en 2020 le Médicis étranger, non la moindre des récompenses littéraires.
« Marcher, c’est faire quelque chose et ne rien faire », une remarque d’autant plus appréciée en ces temps de pandémie.