Par sa facture, ce magnifique livre-hommage à Sylvain Lelièvre (1943-2002) s’apparente au gigantesque scrapbook consacré à Bob Dylan par Robert Santelli (Bob Dylan, L’album 1956-1966, Fayard, 2005) et contient une multitude de documents : photographies inédites, manuscrits, correspondance, fac-similés et surtout des témoignages, qui composent l’essentiel de ce recueil très coloré.
Parmi les amis du chanteur, le chansonnier Pierre Calvé revit l’émotion qu’il a connue en interprétant la chanson « Marie-Hélène » avec les musiciens de Sylvain Lelièvre lors d’un concert-hommage. Pierre Létourneau nous offre des paroles d’une chanson composée avec Robert Léger pour saluer l’ami disparu. Puis on découvre ce très beau texte de Robert Léger (cofondateur du groupe Beau Dommage), qui se remémore une écoute active de certains passages instrumentaux particulièrement habiles de Lelièvre, et qui reconnaît aussi le travail éditorial titanesque entrepris par le compositeur de Québec pour valider la première version de son livre Écrire une chanson (préfacé par Sylvain Lelièvre). Un autre bel hommage vient de Daniel Lavoie, qui reconfirme le professionnalisme de Lelièvre : « Quand j’avais des petits problèmes de mots dans mes chansons, rien ne me faisait plus plaisir que d’appeler Sylvain ». Gilles Vigneault se rappelle avoir donné tout un cours uniquement sur la rime dans la classe de Sylvain Lelièvre. Et le grand Stéphane Venne se souvient d’avoir participé à l’enregistrement de l’inoubliable chanson « Petit matin » : c’est lui qu’on entend siffler !
Car Sylvain Lelièvre a eu plusieurs vies, ou plutôt plusieurs carrières ; certains de ses anciens collègues et étudiants du collège de Maisonneuve lui rendent hommage. Parmi ceux-ci, l’éditeur et écrivain Normand de Bellefeuille avoue que Sylvain Lelièvre lui a un jour littéralement « sauvé la vie ». Son ami d’enfance, le professeur Florian Sauvageau, se remémore leurs classes à l’externat Saint-Jean-Eudes, et cite par ailleurs le texte autobiographique que son ami avait écrit sur l’influence culturelle américaine pour son ouvrage collectif Variations sur l’influence culturelle américaine. Parmi les archives inédites, un entretien avec Sylvain Lelièvre datant de 1962 nous apprend que sa première chanson avait été composée… en attendant l’autobus !
Beau livre à la fois touchant et instructif, Toi l’ami, Cent regards sur Sylvain Lelièvre s’avère plus qu’un témoignage collectif d’amitié et d’admiration ; comme un document d’archives, il réaffirme l’importance et l’influence de ce musicien dans l’histoire de la chanson québécoise.