La pièce Tit-Coq de Gratien Gélinas sera jouée plus de 200 fois l’année même de sa création, en 1948. Le livre paraît d’abord en 1950 chez Beauchemin ; une version filmée sera réalisée en 1952 par l’auteur (avec René Delacroix). N’importe où ailleurs qu’au Québec, ce long métrage devenu introuvable serait maintenant offert en DVD. En revanche, le texte de la pièce a connu plusieurs rééditions.
Le destin de l’orphelin Tit-Coq est célèbre : jeune soldat sans famille et pratiquement sans attaches, Arthur Saint-Jean part pour l’Europe au début de la Deuxième Guerre mondiale, laissant derrière lui celle qu’il aime comme un fou et à qui il s’est promis. Mais le conflit s’éternise et les choses ne tournent pas comme prévu. La séparation forcée de Tit-Coq et de la délicieuse Marie-Ange durera trop longtemps. À son retour à Montréal, tout aura changé pour le colérique Tit-Coq.
Le texte de Gratien Gélinas est d’une grande efficacité dramatique et reste encore très révélateur des mSurs de son temps, même si plusieurs passages osaient défier la morale chrétienne à propos de l’indissolubilité du mariage. La générosité, la frugalité, la culpabilité y sont présentes ; la famille y est vénérée en tant qu’institution. Au premier acte, les répliques du père de Marie-Ange sont particulièrement chargées de sens et traduisent éloquemment les mentalités de cette époque ; celui-ci déclare à Tit-Coq, sur un ton paternel : « […] on n’est pas riches, ni supérieurement intelligents ; on est tout juste une famille d’ouvriers dans le village de Saint-Anicet […] on sait qu’on vaut pas cher, mais on s’aime bien quand même ». Une autre réflexion du père est tout aussi révélatrice des mSurs du Québec d’antan : « C’est le temps des Fêtes : on n’a plus besoin de se cacher pour prendre un coup ! »
Cette réédition de la pièce Tit-Coq confirme son caractère universel et intemporel. Le questionnement identitaire de Tit-Coq0sur ses origines inconnues et douloureuses restera toujours d’actualité et pourra prendre une dimension collective, puisqu’il est « né un 24 juin, le jour de la Saint-Jean-Baptiste »… La nouvelle présentation rédigée par Anne-Marie Sicotte situe les influences de cette pièce, en citant quelques brefs extraits du journal inédit de Gratien Gélinas. Assurément, Tit-Coq demeure l’une des œuvres les plus importantes du théâtre québécois d’avant 1968.