Qui d’autre que Gilles Kepel pour nous éclairer sur les tragiques événements terroristes survenus en France et en Europe et qui ont suscité dégoût et indignation ? Kepel est l’auteur de près d’une vingtaine d’ouvrages sur l’islam, dans le monde arabe et dans son propre pays, la France. Il est une autorité en la matière, et reconnu ainsi mondialement.
Il effectue ici une véritable radioscopie de ce qu’il nomme « l’irruption djihadiste » en France, en s’intéressant de très près au cheminement des terroristes et au contexte social ayant permis leur émergence.
Un des constats de l’auteur, dont on se doutait : le niveau intellectuel « rudimentaire » des terroristes, qu’un islam interprété par bribes les amène à croire qu’ils vivent dans une société « mécréante » qu’il convient d’éradiquer. Cela se reflète dans la « technologie » utilisée lors des attentats, bien facile à maîtriser, mais néanmoins fatale.
L’élan djihadiste s’accélère à partir de 2005, affirme l’auteur : c’est l’année des émeutes dans les banlieues françaises, résultant notamment d’une grenade de la police à l’entrée d’une mosquée. Ces événements deviennent « les premiers terrains du djihad » en France : certains jeunes, désœuvrés, peu scolarisés, venant de foyers brisés, d’autres vivant en milieu carcéral, voient ces événements comme un « appel à la résistance islamique » tel que promu par des idéologues radicaux voulant convaincre les musulmans que le paradis se trouve dans un retour au VIIe siècle, au tout début d’un l’islam pur, naissant et conquérant.
« Le salafisme parvient à hameçonner en ligne les jeunes perdus en quête d’absolu. Il leur offre […] la chaleur d’un groupe de pairs qui rompt l’isolement, préalable à l’exaltation d’un idéal destiné à ‘changer la vie’ grâce à l’engagement dans le djihad pour abattre le Mal et établir le règne du Bien. »
Les « fractions identitaires » qu’accentue l’intégrisme portent en tout cas un dur coup au succès de l’intégration en France et révèlent ce pays comme une « société rétrocoloniale », avance Kepel, où s’imbriquent « déréliction sociale, passé colonial, désenchantement politique et exacerbation islamique ».
Exacerbation d’une minorité ne représentant certes pas la communauté musulmane de France, mais très activiste, nourrie d’antisémitisme et de conservatisme autoritaire, dont l’activisme nihiliste est favorisé par une révolution numérique permettant aux djihads locaux de s’interpénétrer et de se soutenir (France, Syrie, djihad universel). Et ceux-ci gagnent un élan avec la création de Daesh en juin 2014. Pour ces jeunes, Daesh « évoque l’utopie d’un avenir radieux islamique » à l’opposé d’une islamophobie ambiante, instrumentalisée par les idéologues radicaux dans le but de « prohiber toute réflexion critique » sur leurs vues millénaristes.
Comment anéantir ce marécage à la source de l’apparition de cette clique d’islamistes violents en Occident ? « Si une institution […] nous semble devoir être refondée et reconstruite pour traiter sur le long terme cet immense défi, c’est l’instruction publique, depuis la crèche jusqu’à l’université », écrit l’auteur. Bref, un semblant de solution, mais dont on ne pourra sentir les effets que dans l’avenir. Entre-temps, hélas, on le sait, d’autres attentats surviendront.
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