Alain Beaulieu, professeur et romancier, aborde cette fois-ci l’écriture dramatique, publiant deux pièces de théâtre dans son livre Terres amères. Ce titre rappelle la mère, celle qui berce son enfant, mais aussi la terre qui nous porte, avec toutes nos amertumes d’êtres humains.
Materna, la première des deux pièces, met en scène quatre personnages qui nous livrent des dialogues remplis de réalisme, où la vérité est poignante. La difficulté d’accepter notre beauté tout comme notre laideur d’hommes et de femmes ordinaires en est un des thèmes. Dans ce drame familial de bébé secoué, pour lequel la mère de l’enfant décédé est emprisonnée, à tort ou à raison, selon la lecture qu’on en fait, on trouve aussi toute la tragédie humaine de ceux qui se sentent délaissés, et de ceux qui jouent à l’autruche au lieu d’affronter leur réalité. Après la sortie de la mère du pénitencier, le dénouement de la pièce est surprenant, d’une humanité déchirante. Sa jeune sœur et son (ex-)petit ami l’accueillent, troublés, chacun possédant sa propre vision du drame qui s’est joué il n’y a pas si longtemps, dans un petit appartement où le berceau de l’enfant disparu trône encore.
Tant pis, seconde œuvre de ce livre, traite de la séparation d’un couple, et du même coup de deux enfants. Encore une fois, deux réalités s’affrontent, deux parcelles d’un tout, bien gardées dans l’esprit de chacun. La réunion familiale est douloureuse, voire impossible, entre cette mère et sa fille qu’elle a abandonnée très jeune, et entre son mari et le fils que la mère a eu peu après la séparation, et qui n’a jamais connu son père jusqu’à un drame dont il est l’auteur. La mère a vécu avec le fils, le père avec la fille. Tant pis, c’est tant pis pour tous les choix erronés, mais inévitables, et toutes les conséquences non assumées qui en découlent.
Dans les deux œuvres, l’inéluctable chemin de la vie se fait, la conscience reprend ses droits On perçoit que chaque vérité est toujours celle d’une perception. Dans Materna, le doute plane sur la culpabilité de la mère ; dans Tant pis, on interroge la pertinence des secrets entretenus dans la volonté de protéger. À trop vouloir protéger, il arrive que l’on blesse. La question est lancée : sur quoi se fondent nos perceptions d’un drame ? Une œuvre qui nous laisse avec un regard aiguisé sur la société et sur les êtres humains qui la composent.