Premier recueil de Mathieu Simoneau, Il fait un temps de bête bridée est une réussite. Si on y reconnaît l’influence de Miron, il ne faut pas négliger l’exergue de Robert Yergeau qui crée aussi une filiation avec la parole charnelle et mélancolique du poète décédé en 2011. Bien que ces héritages ne puissent pas être ignorés, on reste accrochés à ce que ce premier recueil annonce de distinctif.
Ancrée dans le territoire, la poésie de Simoneau interroge les éléments et ne semble pas toujours croire que le feu puisse répondre à « ce froid de paille au cœur ». Des granges, des remises, des lacs posent le décor d’une certaine bestialité humaine, cela dit sans aucun des préjugés qu’on peut spontanément accoler aux bêtes. La bête, ici, est celle qui réussit à dire : « [C]omment retenir / ce besoin farouche / de feuler dans la déroute / de mordre la main qui me rive / à ma trajectoire ». La bête est celle de la liberté.
Mais ce qu’on retiendra surtout, c’est la vivacité de certaines images. Que ce soit « ces minuscules nœuds noirs » où on range les hommes, les « phrases de pain tranché » où on passe nos journées ou « nos désirs / [qui] prennent le fleuve par la taille », plusieurs poèmes proposent des angles étonnants devant des sujets bien connus.
Mathieu Simoneau n’évite pas tous les clichés (entre autres en matière de préoccupations environnementales ou dans l’antagonisme entre urbanité et ruralité), mais ses poèmes proposent assez de lumière vive pour nous donner envie de nous y frotter encore. Cette lumière, malgré les écueils et les peurs, s’exprime surtout quand le poète en revient à nommer l’expérience individuelle et souvent décevante du poète, de l’amant, de l’être familial. C’est dans ce doute perpétuel, cette impression d’être insuffisant, que se brasse la plus grande énergie. Si ce « silex qu’on aiguise » n’est pas la révolte selon Simoneau, il en est peut-être le signe annonciateur. Après tout, s’il évoque en cours de route le poème désastreux qui ne vaut pas mieux que des bouts de charbons, le recueil se clôt sur des « mots de branches sèches / prêts à prendre feu ». Malgré la mélancolie ambiante, nous ne sommes pas dans une poésie de l’immobilisme.
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