J’ai d’abord connu J. G. Ballard comme auteur de science-fiction, à travers des œuvres fortes, fascinantes, comme Le monde englouti, Le vent de nulle part ou La forêt de cristal. Puis il s’est mis à explorer toutes les psychopathologies de la civilisation moderne et nous avons eu droit à des « cauchemars » littéraires de fiction spéculative comme L’île de béton ou le terrible Crash, fable déjantée sur la violence, l’automobile, le sexe et la mort. Dans Super-Cannes, sa vingt-sixième œuvre de fiction, J. G. Ballard s’attaque au monde des entreprises, des cadres, du capitalisme à outrance qui a manqué le bateau de la civilisation des loisirs pour se perdre corps et âme dans le travail. Son personnage principal, Paul Sinclair, pilote d’avion et éditeur, vient s’installer à Eden-Olympia (sur les hauteurs de Cannes), cité de l’intelligence et future Silicon Valley européenne, qui accueille les multinationales et leurs cadres supérieurs attirés par la beauté du lieu, par l’impression d’efficacité et de sécurité qu’il dégage. Paul Sinclair accompagne sa jeune femme, Jane, qui a été engagée comme pédiatre pour remplacer le docteur David Greenwood qui a défrayé la chronique en assassinant dix personnes, avant de retourner l’arme contre lui-même. Alors que Jane succombe progressivement aux charmes vénéneux d’Éden-Olympia, Sinclair se met en tête de comprendre pourquoi Greenwood a perdu la tête. Que se passe-t-il réellement dans ce lieu en apparence idyllique ? Dès lors, le roman prend des allures de thriller, alors que Sinclair reconstitue le parcours mortel de Greenwood et découvre peu à peu une étrange et inquiétante culture d’entreprise à base de dépravations sexuelles, de drogues, d’attentats racistes et de meurtres. Dans cet univers déroutant (il y a de nombreuses allusions à l’œuvre de Lewis Carroll), Sinclair est guidé, ou plutôt manipulé par un psychiatre Wilder Penrose qui veille au bon équilibre psychique de la faune capitaliste de ce paradis frelaté. Les comportements déviants sont encouragés puisqu’eux seuls permettent aux individus d’être plus performants. Alors, que faire face aux dérives fascistes de ces hommes puissants qui transforment le monde en gigantesque centre d’achats ? La réponse de J. G. Ballard, plus lucide que jamais, fait froid dans le dos.
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