Il est de bon ton, ces derniers temps, de réhabiliter dans la mémoire collective le polémiste hargneux que fut Mordecai Richler. En attendant le jugement définitif de la postérité sur son œuvre, une entreprise de retraduction de plusieurs opus majeurs de l’écrivain anglo-montréalais pourrait contribuer à le faire mieux connaître des lecteurs francophones du Québec. Selon l’éditeur, les traductions initiales devaient être refaites, certaines étant peu respectueuses des particularités culturelles québécoises et d’autres ayant mal vieilli.
Solomon Gursky est la première des nouvelles versions françaises réalisées par les traducteurs de haut niveau Lori Saint-Martin et Paul Gagné. Ce roman relativement volumineux, connu comme le plus ambitieux de Richler et considéré par certains comme son chef-d’œuvre, n’est cependant pas le plus attachant. La trame du récit repose sur la quête d’un personnage central, Moses Berger, écrivain raté et buveur impénitent, cherchant à élucider le mystère entourant la vie et la mort de Solomon Gursky, membre éminent d’une famille juive ayant fait fortune dans le commerce de l’alcool. À force de traits satiriques décochés à l’endroit de la descendance d’Ephraim Gursky, le roman devient une célébration de la fortune et de la puissance d’une grande famille juive nord-américaine. On retrouve beaucoup moins ici que dans L’apprentissage de Duddy Kravitz, ou dans les nouvelles de Rue Saint-Urbain, les descriptions tout en finesse de la vie montréalaise au milieu du siècle dernier.
Les positions controversées de Richler transparaissent çà et là dans le roman, entre autres dans des phrases comme celle-ci : « Des Canadiens français exigeaient avec suffisance que les fils des anglophones qui les avaient vaincus sur les plaines d’Abraham parlent leur langue, un patois qui faisait grincer des dents les vrais Français ». Pourtant, c’est davantage la posture narrative du romancier qui risque de décevoir. Malgré toute la maîtrise déployée dans Solomon Gursky, l’attitude cynique du conteur le maintient en retrait tout au long du roman. Le lecteur, faute d’être amené à suivre l’auteur en plongée dans l’épaisseur du récit, pourrait tomber en panne d’intérêt.
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