Bien qu’hypothétique, la question est féconde : que serait le Québec s’il avait accepté de se joindre à la rébellion étatsunienne contre la Couronne britannique ? Une autre question, plus concrète, se greffe à celle-ci : par qui et pourquoi les multiples invitations lancées aux Canadiens par les Treize colonies ont-elles été rejetées ?
Travail d’archéologie, nous avisent les auteurs de ce livre. L’histoire, intervenant plus tard, interprétera selon ses règles les documents mis au jour. La précision prend rapidement son sens : à quoi bon gloser sur les visées des Treize colonies si l’on n’examine pas d’abord leurs textes, les raisons qui les inspirent et l’accueil qui leur fut fait ? En collaboration avec Bernard Andrès et une équipe de chercheurs de l’Université du Québec à Montréal (Archéologie du littéraire au Québec), Pierre Monette se livre à cet examen et en dégage un fascinant éclairage. À peu près tout ce qui circule au sujet des relations entre les rebelles et le Canada récemment conquis par l’Angleterre est remis en question. Ceci émerge : loin de s’opposer aux troupes d’outre-frontières, la population québécoise les accueille dans la sérénité. Il y a neutralité, sinon soutien actif. Comment s’est accréditée cette distorsion des faits ? L’archéologie dépose ses constatations : ceux qui ont écrit l’histoire, membres du clergé, lettrés ou proches du pouvoir britannique, avaient intérêt à demeurer loyaux au roi. Comme ils sont presque les seuls à pouvoir lire les adresses en provenance des Treize colonies, ils ont beau jeu d’en imposer leur interprétation. D’où l’utilité d’insérer la recherche archéologique entre les faits et le bilan.
Deux aspects en particulier retiennent l’attention et emportent l’assentiment. D’une part, le haut clergé use de tous les moyens à sa disposition, y compris les moins respectables, pour empêcher la population du Québec de se joindre à la rébellion étatsunienne. Preuve que la docilité des fidèles ne répondait pas aux attentes du clergé. D’autre part, le livre confirme que les élites canadiennes redoutaient les idées des rebelles beaucoup plus que leurs armes. En quoi elles avaient raison. Les premières adresses constituent d’ailleurs un véritable cours de science politique à l’intention d’une population qui ne savait rien de la séparation des pouvoirs, de l’habeas corpus ou de la légitimité politique des élus. En ce sens, le rendez-vous avec la révolution américaine n’a pas été manqué.