Qui est familier de l’œuvre romanesque et des essais de Nancy Huston ne s’étonnera pas qu’elle se soit intéressée à la représentation de la femme, tant sur le plan social que culturel, dans la société occidentale. L’essayiste part ici du constat, voire de ce qu’elle considère comme un dogme, qui cherche à établir depuis quelques décennies que les différences entre les sexes ne seraient pas essentiellement biologiques, mais socialement construites. Partant de là, Nancy Huston s’emploie à décortiquer les rouages d’un discours qui a marqué certains courants du mouvement féministe du siècle dernier, qui rejettent toute forme de différenciation autre que socioculturelle pouvant influer sur le comportement des hommes et des femmes. Sa critique des « études de genre » (gender studies), dont elle dénonce avec vigueur certaines dérives, est pour le moins sévère et partiale en ce qu’elle rejette en bloc les apports de l’ensemble des études conduites en ce domaine au cours des dernières décennies sous prétexte que « pour certains spécialistes de cette discipline, il existerait non deux mais toute une palette de sexes, tout un nuancier de comportements, de choix et de goûts sexuels, irréductibles au masculin comme au féminin ». Certes, cette position ne laisse que peu de place à la nuance, à la discussion ; fallait-il pour autant adopter une position aussi tranchée pour en dénoncer l’exiguïté de pensée ? L’angle est davantage celui de la confrontation que du débat.
L’intérêt de cet essai, malgré ses limites (en grande partie dues aux nombreuses redondances qui desservent par moments le propos), réside ailleurs. Nancy Huston soulève maintes questions sur notre rapport à la sexualité, à la pornographie, sur notre façon de voir les relations entre hommes et femmes. S’appuyant tour à tour sur son expérience personnelle, sur des entretiens et sur une recherche documentaire plurielle, elle révèle les contradictions d’une société qui s’évertue, d’une part, à nier les différences fondamentales entre les sexes et, d’autre part, à les exacerber en multipliant des images stéréotypées auxquelles hommes et femmes tentent désespérément de s’identifier. Un essai qui interroge tout autant qu’il dénonce les attitudes et les positions que nous adoptons en ce domaine, et qui mérite donc qu’on s’y attarde.