Le dernier roman de Douglas Kennedy met en scène une héroïne au parcours chaotique qui n’est pas sans rappeler ses autres personnages féminins. Jane Howard, fille unique d’un couple désuni, décrète à treize ans qu’elle ne se mariera jamais et qu’elle n’aura pas d’enfant. Mais l’avenir lui réserve quelques surprises plutôt mauvaises, pour ne pas dire franchement cruelles : après une liaison avec un de ses professeurs qui tourne court, Jane termine ses études littéraires et, contre toute logique, s’enrôle dans l’équipe de Brad Pullman, un arriviste arrivé, chez Freedom Mutual, où elle tâtera la salle des marchés aux côtés de l’opiniâtre Trish Rosenstein. Mais là encore, l’histoire tourne court. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Jane décroche un poste de maître-assistant à l’Université de la Nouvelle-Angleterre et fait des débuts houleux dans l’enseignement. Puis elle rencontre Theo Morgan, un hurluberlu mordu de cinéma, et sa vie prend un tour inattendu quand le bout de papier d’un test de grossesse vire au rose : « Et à ce moment sans doute déterminant de mon existence, devant ce tournant soudain que ma vie prenait malgré ma volonté, une question anodine a surgi dans ma tête : ‘Qui a décidé que la couleur symbolisant la maternité était rose ?’ Elle a été aussitôt suivie par une autre, moins prosaïque : ‘C’est comme ça que fonctionne le destin ?’ » Quelques années plus tard, la vie de Jane vole en éclats : d’un deuil impossible à faire aux prêches sentencieux d’un évangéliste douteux, Jane parviendra à rétablir un équilibre
Quitter le monde aborde les thèmes chers à Kennedy : la culpabilité, les couples dysfonctionnels, le succès indissociable de la chute, les écueils de la vie familiale, bref la nécessité d’apprendre à vivre avec les coups tordus du destin. Les habitués de Kennedy y retrouveront avec plaisir sa prose désinvolte qui sait si bien gratter le vernis des bonnes âmes, et l’inévitable happy end qu’on se prend à souhaiter tant les attachants personnages de Kennedy nous ressemblent.