Cette double biographie évoque surtout les rapports entretenus par le poète Jacques Prévert – ainsi que son frère Pierre Prévert – avec le septième art. Durant les années 1920, Jacques (1900-1977) et Pierre (1906-1988) côtoient les surréalistes pour ensuite être exclus de leur groupe ; à partir des années 1930, ils scénariseront individuellement ou ensemble certains des longs métrages les plus mémorables de Marcel Carné, dont Drôle de drame, Le Quai des brumes et Les Enfants du paradis.
Simultanément, Jacques Prévert se consacre à la poésie, Pierre Prévert se forme à la réalisation de courts et de longs métrages. Partant des « frères amis », le biographe parle aussi du Tout Paris littéraire, des fréquentations des gens en vue, mais aussi de lectures et de librairies parisiennes. Par exemple, on peut revoir les recommandations d’André Breton sur quoi lire et quoi ne pas lire, et surtout la liste des romans que les frères Prévert choisissent, considèrent un moment (et parfois rejettent) avant de les transposer au grand écran. Quelques extraits de poèmes et de correspondance inédite sont aussi reproduits. En prime, on trouvera une analyse graphologique de l’écriture des deux frères.
Des pans plus obscurs de la vie de Jacques Prévert sont ici révélés : toujours fauché, souvent éméché, il a déménagé plus de vingt fois pour échapper au fisc français, auquel il doit des centaines de milliers de francs. Les chiffres réunis par Jean-Claude Lamy montrent que les adaptations rédigées par Jacques Prévert lui ont souvent été très lucratives. Mais après quelques scénarii bâclés (dont le film Les Amants de Vérone) et des retards systématiques dans la livraison de leurs textes, les frères Prévert ont acquis après 1950 une mauvaise réputation dans le milieu du cinéma. En conséquence, Jacques se voit réduit à un travail de dialoguiste ; Pierre doit se tourner vers la réalisation à la télévision. Mais leur renommée demeure intacte auprès du grand public, d’autant plus que Jacques Prévert avait déjà cosigné les paroles de chansons immortelles, comme « Les feuilles mortes » ou « Rappelle-toi Barbara ».
La biographie Prévert les frères amis ne saurait se substituer aux œuvres des frères Prévert – pensons au recueil Paroles, de Jacques Prévert, ou à ses collages. Néanmoins, cette lecture permet de mieux connaître le frère méconnu qu’a été Pierre Prévert, premier admirateur de son aîné, à qui il consacrera une série de cinq reportages télévisés en 1961.